La rumba à vie de Kekele

Voix de miel, guitares fluides et tendres, irrésistible balancement : vendredi 23 janvier au New Morning, à Paris, la rumba congolaise a donné du bonheur aux danseurs, grâce au groupe Kékélé, association de bienfaiteurs et «ambianceurs» très élégants.

Concert parisien du groupe

Voix de miel, guitares fluides et tendres, irrésistible balancement : vendredi 23 janvier au New Morning, à Paris, la rumba congolaise a donné du bonheur aux danseurs, grâce au groupe Kékélé, association de bienfaiteurs et «ambianceurs» très élégants.

Ils s’appellent Loko Massengo, Nyboma Muan’dido, Bumba Massa, Wuta Mayi. Ils tissent la riche étoffe des voix qui fait la marque du groupe congolais Kékélé, avec le jeu limpide et enveloppant du guitariste Syran Mbenza. Ces noms, complètement obscurs pour la majeure partie du public présent au New Morning parlent en revanche beaucoup à certains. Ils ont derrière eux un curriculum vitae impressionnant, ont participé à quelques-uns des groupes essentiels ayant écrit l’histoire moderne de la musique congolaise (Vévé, O.K. Jazz, African All Stars, Trio Madjesi, Quatre Etoiles). «C’est toute ma jeunesse», confie enthousiaste le chanteur Lokua Kanza, qui n’a pas voulu manquer ce quintet flamboyant, véritable «all stars» de la rumba congolaise augmenté de six complices exemplaires, notamment Rigo Bamunde (guitare), Komba Mafwala (batterie), Jimmy Mvondo (saxophone) et l’accordéoniste Viviane Arnoux, pour qui la musique congolaise n’a plus de secret depuis sa collaboration passée avec Ray Lema.

Crooners enjôleurs et enjoués, les quatre rossignols de Kékélé allient classe et décontraction débonnaire. Ils portent smoking et nœud papillon, s’amusent comme des gamins, un brin cabotins. Ils font chanter la salle, proposent l’énième match amical des voix de femmes contre celle des hommes, esquissent quelques pas de danse, vantent les vertus indéfectibles de la rumba. «La rumba, quand vous avez des problèmes à la maison, ça fait du bien» lâche un des chanteurs entre deux chansons. Ceux qui veulent tester la véracité de cette affirmation, avant de retourner chez eux, pourront en sortant se procurer les albumsde Kékélé (parus chez Stern’s / Next Music) : Rumba Congo, sorti en 2001 et le petit dernier, l’épatant Congo Life, bénéficiant des arrangements futés de François Bréant.

Boys band joyeux et salutaire, Kékélé porte un nom qui fait sens. Il désigne, en lingala, la liane, cette plante grimpante des forêts tropicales dont se sert parfois pour jeter des ponts de fortune au-dessus des rivières, un symbole pour dire l’indestructible vitalité d’une musique reliant les générations. Formé à l’initiative du producteur sénégalais Ibrahima Sylla, ce collectif réunit des messieurs qui n’ont certes pas l’âge des papys ayant remis au goût du jour le son cubain des origines, mais sont tout de même des vétérans. Ceux d’un style musical du temps jadis, la rumba congolaise, justement nourrie de rythmes cubains et dont les prémices vont apparaître dans le paysage dès les années 1930, avant de s’inventer vraiment deux décennies plus tard sur les rives du fleuve Congo, avec notamment Joseph Kabasele, Wendo, puis Franco, Vicky Longomba, Dr Nico, Pascal Tabu dit Rochereau.

Les compères de Kékélé ont une obsession, une seule. Porter très haut les couleurs de cette musique qui les accompagne depuis leurs folles années, celles des indépendances. C’était avant que les synthés ne viennent mettre leur grain de sel dans l’histoire, avant que le tempo ne s’accélère et que l’on parle de soukouss et autres n’dombolo. A Paris, ce vendredi soir, la petite bande réaffirme avec force sa conviction: la musique congolaise peut bien suivre tous les chemins, tenter toutes les aventures, s’essayer à d’autres styles, la rumba continuera toujours de défier les années et les modes, de durer et perdurer, plébiscitée dans tous les endroits où l’on aime danser sur les musiques d’Afrique.

Sur la piste du New Morning, chacun y va de ses déhanchements plus ou moins souples, tandis que le groupe enchaîne ses morceaux de bravoure, piochés dans chacun des deux albums, avec, promotion oblige, un choix plus accentué en direction du dernier. Ainsi défilent Baninga, Lili, Delali, Lilo, Bébé Yaourt, Silence, Lolita et son savoureux filet de clarinette (Viviane Arnoux), Kubola, Massamour, Affaire Mokuwa, en tout, une quinzaine de titres fruités, tout en déliés et rondeurs, parfois agités de quelques accélérations rythmiques qui font soudain monter la température. On repart de là, nécessairement détendus, heureux d’avoir passé un moment de plaisir simple, d’un kitsch absolument exquis.