L’industrie musicale dans la tourmente
Alors que se déroule à Cannes la 38ème édition du MIDEM, c’est l’heure des bilans annuels pour l’industrie musicale et la tendance est au pessimisme. Après 3 années de progression régulière, le marché français suit la spirale à la baisse du marché mondial avec un recul de 14,6 % de son chiffre d’affaires en 2003. A l’export, une chute de 16,9% en volume entre 2001 et 2002 vient d’être annoncée hier soir. Revue de détail d’un métier sous haute pression.
Le téléchargement va-t-il tuer le marché du disque?
Alors que se déroule à Cannes la 38ème édition du MIDEM, c’est l’heure des bilans annuels pour l’industrie musicale et la tendance est au pessimisme. Après 3 années de progression régulière, le marché français suit la spirale à la baisse du marché mondial avec un recul de 14,6 % de son chiffre d’affaires en 2003. A l’export, une chute de 16,9% en volume entre 2001 et 2002 vient d’être annoncée hier soir. Revue de détail d’un métier sous haute pression.
Trois ans après les Etats-Unis, le marché français du disque entre dans une récession qui avait été en partie évitée jusque-là par les succès de Star Academy et Popstars. La France était le dernier marché en croissance l’an passé, le marché mondial ayant perdu 25 % des ventes en quatre ans. Ce phénomène est dû entre autres, au faible taux de pénétration de l’Internet à haut débit dans l'Hexagone. Mais 40 % des 8,5 millions de foyers français abonnés à Internet disposent désormais de l’ADSL qui est devenu pour les maisons de disques la cause majeure de la baisse des ventes constatée cette année. Le ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon a ainsi affirmé ce week-end à Cannes qu’«il n’y avait aucune différence entre le vol à l’étalage et le piratage d’une œuvre sur Internet».
Malgré cette crise, la musique n’a jamais été autant plébiscitée, et les concerts donnés aux quatre coins de l’Hexagone prouvent que le public est toujours au rendez-vous. LaNouvelle chanson française qui rassemble des artistes aussi différents que Bénabar, Sanseverino ou Vincent Delerm s’est forgée une réputation en «tapant la planche», ce qui a permis à ces interprètes d’obtenir des Disques d’or en sortant des fameux plans marketing de majors du disque. La part des nouveaux talents francophones dans le classement des meilleures ventes d’albums se maintient d’ailleurs à un niveau de 23%, score honorable après les 24% en 2002 et 19% en 2001. La percée effectuée par Carla Bruni avec son premier opus Quelqu’un m’a dit, 3ème meilleure vente en 2003 et une présence tout au long de l’année dans le classement des meilleures ventes, étant le phénomène marquant de ce bilan annuel.
Si les albums ont chuté de 11,6%, les singlesont eux perdu 23,7 % en unités vendues. Seuls les DVD sauvent en volume le marché français avec 88% de hausse. Conséquence symbolique de ce déclin du marché, un seul single a dépassé le cap du million d’exemplaires. Celui du fameux Chihuahua du Suisse DJ Bobo. Les singles francophones (-16% en volume) résistent mieux que les singles internationaux (-36%). Comme l’an passé, on dénombre sept singles francophones parmi les meilleures ventes de l’année 2003dont les Nantais de Tragedie (Hey oh) ou l’association du rappeur Passi et d’artistes afro-antillais de Dis l’Heure 2 Zouk (Ma rivale, fiesta latina). Ex-aequo comme meilleures ventes d’albums, Florent Pagny avec Ailleurs Land et Norah Jones, la fille de Ravi Shankar, qui a fait aimer le jazz à un million d’acheteurs avec Come Away With Me. Suivent Carla Bruni puis Kyo avec Le chemin qui s’est vu octroyer samedi soir quatre NRJ Music Awards, et Céline Dion pour son opus Une fille et quatre types.
A l’export, les maisons de disques ont eu à affronter la crise que subissait déjà l’industrie du disque à travers le monde. Le marché a ainsi perdu 16,9% en volume entre 2001 et 2002, malgré la bonne tenue des Daft Punk, Manu Chao, Yann Tiersen, Cesaria Evora, Lorie ou Noir Désir. La bonne surprise en 2003 est toujours notre «nouvelle Françoise Hardy», Carla Bruni, qui obtient un disque de platine export pour plus de 300.000 copies d’un album qui a réussi à s’exporter dans des pays non-francophones. Yann Tiersen, avec la bande-originale du Fabuleux destin d’Amélie Poulain, vient de recevoir un album triple platine (900.000 albums vendus à travers le monde). Habitué des succès planétaires, Eric Levi et le troisième opus d’Era décroche également un disque de platine, après avoir été numéro un des ventes en Italie et à Taïwan.
Alizée, numéro un des ventes de singles en Corée, et Kyo, numéro un des ventes d’albums en Belgique et en Suisse ont fait une belle percée à l’international, de même que les Nubians (plus de 100.000 exemplaires de leur dernier album One Step Forward aux Etats-Unis) ou Césaria Evora qui confirme l’universalité de son talent avec plus de 100.000 copies de Voz d’Amor écoulées en trois mois. Henri Salvador vient lui d’être certifié double Disque d’or pour son album Chambre avec vue, quant à Natasha St Pier, il est à parier que son fulgurant succès se confirme après l’opus concocté avec Pascal Obispo De l’amour en mieux, bientôt certifié double disque d’or. Elle marche ainsi sur les pas de Patricia Kaas, qui a obtenu avec son album Piano Bar un Disque d’or, seulement trois semaines après sa sortie.
Dans un marché tourmenté, les solutions proposées par le SNEP visent à mettre en garde l’internaute de l’offre illicite des téléchargements gratuits. Selon Olivier Montfort, le patron de Sony Music France, le marché national des dix meilleures ventes a ainsi reculé de 50% en volume au mois de décembre par rapport à l’année précédente. Et l’offre de téléchargement licite de musique en ligne, nouveau leitmotiv de la profession, ne fera rien pour freiner le déclin du support CD.