VU D’AILLEURS Février 2004
A Cannes, la chute persistante des ventes de CDs et l’essor des nouvelles technologies ont occupé les esprits. 2004 marquera-t-il le début d’une ère nouvelle pour l’industrie musicale?
Panique au Midem
A Cannes, la chute persistante des ventes de CDs et l’essor des nouvelles technologies ont occupé les esprits. 2004 marquera-t-il le début d’une ère nouvelle pour l’industrie musicale?
Les majors se sentiraient-elles menacées? Le marché mondial régresse encore, pour la cinquième année consécutive et, face à la piraterie et aux nouvelles habitudes des consommateurs, les majors semblent résignées à un certain pragmatisme. Répression et innovation, telles ont été les deux piliers du 38ème Midem, le grand raout de l’industrie mondiale de la musique, qui s’est tenu à Cannes du 25 au 29 janvier. «Passage de témoin?», s’interroge 24 Heures. «L’image est symbolique. Temple du MIDEM, le Palais des Congrès de Cannes était recouvert, cette année, d’une gigantesque fresque publicitaire pour l’iPod, le baladeur MP3 d’Apple», souffle avec perfidie le quotidien suisse. «A Cannes, l’industrie phonographique prévoit la fin du CD», avance même O Estado de Sao Paulo (30/1). «Les professionnels du secteur (…) sont optimistes grâce à la création de nouveaux modèles de distribution de musique en ligne, comme l’iTunes d’Apple, qui a vendu 19,2 millions de chansons rien qu’aux Etats-Unis, entre avril et décembre 2003».
A défaut de mâter la piraterie, ou même la copie privée, via Internet, les professionnels ont décidé d’aborder sans tabou les «questions fondamentales», selon l’expression du Suddeutsche Zeitung (29/1). Ainsi, «2004 sera l’année de la distribution en ligne», clame le Mac Observer de San Francisco (28/1). «Le secteur est en train d’assister à un changement total dans la manière de consommer la musique», confirme dans La Libre Belgique (31/1) Josh Bernoff, analyste pour le compte de l’institut de recherche américain Forrester Research. «Et de conseiller aux pontes des principales compagnies de l’industrie du disque de laisser faire les nouveaux maîtres du son, à savoir les sociétés de télécommunication, les fabricants de téléphones mobiles, les spécialistes du téléchargement payant». Ces sociétés se sont déplacées en nombre cette année au Midem, comme pour signifier à tous les dépités que les débouchés sont multiples à condition de ne pas négliger les «niches». «Près d’un tiers des compagnies étaient venues promouvoir la distribution de musique via les ordinateurs, les téléphones et Internet, tandis que les deux autres tiers cherchaient à placer leurs CDs sur des marchés de niche», analyse Variety, la Bible du spectacle américain.
Les majors s’activent donc en coulisses pour distribuer autrement leurs oeuvres, à côté de la distribution en magasin, bien que le pessimisme domine face aux obstacles économiques et législatifs. «Si seulement le marché n’était pas un champ de mines», s’exclame Angela Doland de l’Associated Press. «L’Europe se distingue par un patchwork dans les pratiques en matière de distribution et de licence. De la Suède à l'Espagne, un album est souvent vendu à des prix différents et mis en ventes à des dates décales. D’autre part, un chanteur italien extrêmement populaire dans son pays, par exemple, est rarement distribué en Grande-Bretagne». Les nouvelles technologies éliminent les frontières mais l’unicité du marché ne va pas de soi pour autant. Avant que ces hautes réflexions se transforment en réalité, les temps sont à la répression. Les représentants des producteurs et des auteurs français ont réclamé à leur gouvernement une adaptation de la législation pour préserver leurs droits dans le nouvel environnement numérique. Le SNEP, le syndicat des producteurs, n’hésite plus à traîner devant les tribunaux certains consommateurs jugés abusifs, comme cela se fait depuis des mois outre-Atlantique, avec des résultats mitigés. Mais «les lois françaises n’offrent pas le même niveau de protection que les détenteurs de copyright aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Pour cette raison, Hervé Rony (le directeur général du SNEP – ndlr) estimait qu’une croisade jud
Pour tous les indépendants, le Midem est une bonne opportunité de se faire connaître… et de faire entendre une petite musique si différente aux décideurs ainsi qu’à la cohorte de journalistes venus du monde entier. Confrontés aux grandes manœuvres des mastodontes de l’industrie, labels et artistes, qui ont l’habitude d’arpenter les allées du Palais des Congrès, ont allumé des contre-feux, et avancé propositions et initiatives – comme celle, remarquée, de Peter Gabriel et Brian Eno. «Les vétérans du rock ont lancé une alliance de musiciens qui s’oppose à la nature même de l’industrie, en permettant aux artistes de vendre leur musique en ligne au lieu de le faire par l’intermédiaire de maisons de disques», explique le quotidien national USA Today (26/1). Sans forcément couper les ponts avec leurs labels, des pointures internationales comme Prince, David Bowie ou Daft Punk ont déjà acquis une certaine autonomie sur le Web. Aujourd’hui, la question tabou est clairement posée: à quoi servent les majors désormais?
Et la musique dans tout ça? Certes, le Midem offre à chaque fois des soirées à thèmes et des concerts par dizaines. Mais en 2004, malgré la programmation, le cœur n’était pas à la fête, à en croire les médias. Seule la soirée des NRJ Music Awards et son cortège de stars (Madonna et Britney Spears en tête, sans oublier les Français de Kyo, grands vainqueurs de la soirée avec quatre récompenses) a eu un véritable retentissement médiatique. Les indépendants ont eu beau protester contre les fusions entre majors, l’heure est à l’incertitude et aux grandes manœuvres internationales.