Manu Chao-Amadou & Mariam

Après Obispo et Polnareff, voici Manu Chao et Amadou et Mariam. Mais Manu, fidèle à son éthique, a décidé de collaborer avec le duo malien à la réalisation d’un nouvel opus qu’ils concoctent actuellement ensemble entre Paris et Bamako. Nous les avons rencontrés au Mali pour parler de cette rencontre inattendue qui pourrait bien être l’événement discographique de l’année.

La rencontre d’un fan

Après Obispo et Polnareff, voici Manu Chao et Amadou et Mariam. Mais Manu, fidèle à son éthique, a décidé de collaborer avec le duo malien à la réalisation d’un nouvel opus qu’ils concoctent actuellement ensemble entre Paris et Bamako. Nous les avons rencontrés au Mali pour parler de cette rencontre inattendue qui pourrait bien être l’événement discographique de l’année.

RFIMusique : Comment avez-vous découvert Amadou et Mariam ?
Manu Chao : Je les ai découverts en voiture, sur le périph’ parisien en écoutant la radio. D’un seul coup, il y a eu une chanson qui a "pété" dans l’autoradio, mais je ne savais pas qui c’était. Après, je suis allé chez mes potes, je leur ai chanté la chanson et je leur ai demandéqui c’était. Et ils m’ont répondu : "C’est Amadou et Mariam. Tout le monde connaît." Mais moi j’étais en Espagne et leur musique n’était pas diffusée là-bas. Les Français connaissaient déjà grâce au tube Je pense à toi, ma chérie, mon amour. Je suis devenu fan à la première écoute. J’ai été acheter tous leurs CDs. Ca a été mon coup de cœur pendant un an ou deux. Tous les jours à la maison, je mettais les disques d’Amadou et Mariam et je chantonnais dessus, je trouvais des petits chœurs, des mélodies qui s’ajoutaient. C’était mon petit jeu de la journée.

Qu’est-ce qui vous a plu en eux ?
C’est ce côté blues-rock africain, mais surtout ce qui se dégage, c’est une immense douceur. Même si les chansons sont lentes ou rapides, il y a énormément d’humanité.

C’est ce qui vous a donné envie de revenir en Afrique ?
Il y a quatre ans que je n’étais pas revenu, et toutes ces années, j’ai ressenti un manque jusque dans mes tripes. On n’oublie pas l’Afrique comme ça et comme disent les Brésiliens, tu as la sodade. C’est un continent fabuleux, j’en connais à peine un petit caillou, mais c’est un bonheur et une leçon de vie à chaque fois.

Vous êtes ici pour enregistrer un album avec Amadou et Mariam ?
Lorsque j’ai eu la chance, grâce au hasard, de les rencontrer à Paris, on est rentré en studio une journée pour le plaisir. Cela a tellement bien fonctionné qu’on est resté six jours et on a pratiquement fini un disque. On est ensuite parti à Bamako finir l’enregistrement, faire de nouvelles chansons. Maintenant, on est amis. On fait beaucoup de musique, des nouvelles chansons que nous étions vraiment impatients d’enregistrer.

Avec Amadou à la guitare, il y a des échanges forts entre vous ?
Ce sont des échanges permanents. On s’entend bien, tout est fluide. Le studio, on n’y a pas passé des mois, tout le monde était étonné qu’en cinq jours on ait pratiquement bouclé un album. Il y avait des chansons qu’Amadou et Mariam avaient déjà écrites, d’autres qui sont nées au studio. Tout s’est fait d’une manière très spontanée. Je suis passé de fan à collaborateur et producteur exécutif.

En studio, vous êtes chanteur, guitariste ou producteur ?
Vous savez, mes casquettes sont un peu mélangées depuis des années. Je joue de la guitare quand Amadou pose la sienne car c’est lui qui donne vraiment la chaloupe de la chanson. Je m’occupe un peu des rythmiques, je fais la production du disque, car c’est à moi qu’incombe de mener le disque à bon port. Je chante, je fais des chœurs, je co-écris des chansons, on s’amuse comme des fous.

C’est un album qu’on écoutera d’ici l’été ?
Je n’aime pas m’avancer avant d’avoir fini, mais je peux juste vous dire qu’il sortira lorsqu’il sera prêt, au printemps ou en septembre.

Est-ce que cette rencontre va vous inspirer pour un album personnel ?
Tout m’inspire. Dans Clandestino, le Mali était déjà présent, les gens ne s’en étaient pas rendu compte, mais quand j’ai enregistré mes guitares, je sais à l’intérieur de moi-même que ce pays est présent parce que les ritournelles maliennes de guitares m’ont toujours beaucoup inspiré. C’est un style proche de mon jeu de guitare, j’utilise vraiment à ma manière iconoclaste des techniques de guitares maliennes. Une chanson comme La vie à deux sur Clandestino a ces petites transes de guitares maliennes que j’adore.

Votre prochain projet personnel est semble-t-il un livre...
Oui, je travaille sur mille choses à la fois, mais là, je suis en train d’écrire un petit bouquin. J’apprends à faire des bouquins, on est en train de faire la mise en pages. J’ai rédigé tous les textes, et mon copain Wosniak, qui collabore au Canard Enchaîné, a fait les dessins. On s’amuse comme des petits fous. Ce n’est pas encore vraiment fini et je ne sais pas encore vraiment à quoi cela va ressembler. Et tous ces petits textes, pour une fois uniquement en français, je suis en train de les mettre en musique, et c’est encore un petit jeu du moment. Ce sera des petites valses à sale temps.

Ce sera donc un livre accompagné d’un CD ?
Oui, je l’espère. Tout cela est avec des guillemets car tant que les choses ne sont pas finies, je ne sais pas trop ce que je suis en train de faire. Je sais que je peux passer du coq à l’âne du jour au lendemain. D’un livre, on peut passer à une gazinière. Pour le moment, on est bien parti pour finir ce livre.

C’est un projet d’artisan ?
Tout à fait. Même dans ma musique, je fais de l’artisanat. Je me considère comme un artisan, le travail doit être bien fait, on ne doit brûler aucune étape. Mais là, pour le livre, je ne suis qu’un apprenti, c’est la première fois que j’en fais un, et nous faisons tout nous-mêmes. J’apprends un métier, et c’est super intéressant. Trois questions à Amadou et Mariam :

Comment avez-vous rencontré Manu Chao ?
Amadou: On l’a rencontré en France par le biais de notre manager, et à partir de là on a commencé à travailler ensemble. On aimait beaucoup sa musique, lui aussi. Donc nous avons décidé de faire cet album en commun.

Qu’est-ce qui lui a plu en vous: votre jeu de guitare ou une certaine naïveté des texteset de la musique ?
C’est la simplicité des textes et notre musique qu’il a particulièrement appréciées. Un peu comme dans les disques qu’il fait lui-même. C’est un véritable échange qui s’est produit depuis lors.

Quel style d’album êtes-vous en train de réaliser. Un album plus rock ou plus africain ?
C’est un album métissé, avec le rock, l’Afrique et l’Europe. Chacun compose ses chansons et on arrange ensemble. C’est l’objet de la rencontre: il y a des morceaux où Manu fait la musique et on amène les paroles; des morceaux où lui fait les paroles et on en ajoute là-dessus. C’est le but même de cet album.