Habib Koite autour du monde

Figure emblématique de la scène malienne, Habib Koite, le fils de griot, à l’audacieux doigté de guitare propose un break ludique à Bamada, son groupe, sous la forme d’un double live, Fôly, paru ces jours-ci chez Contre-jour. Une manière comme une autre de calmer l’appétit de ses fans, avant de songer à la mise en boîte d’un véritable nouvel opus.

Le musicien malien se repose en live

Figure emblématique de la scène malienne, Habib Koite, le fils de griot, à l’audacieux doigté de guitare propose un break ludique à Bamada, son groupe, sous la forme d’un double live, Fôly, paru ces jours-ci chez Contre-jour. Une manière comme une autre de calmer l’appétit de ses fans, avant de songer à la mise en boîte d’un véritable nouvel opus.

Les artistes qui tournent vous le diront. Les concerts vous bouffent une vie. La famille se plaint de vos absences, les amis apprécient de vous revoir sans bain de foule et la terre elle-même vous remercie quand vous daignez vous poser quelque part. Cette folie du show-biz vous met dans des états seconds, où il n’est pas toujours facile de créer de nouvelles choses. Vous jouez et rejouez le même répertoire sans toujours avoir le temps de souffler. Et l’épuisement vous guette, vous rendant souvent incapable ou presque de pondre un nouvel album. «Ce n’est pas un épuisement par manque d’inspiration» nous explique néanmoins Habib Koite. «C’est simplement parce qu’on a beaucoup tourné. Chacun a sa manière de fonctionner dans la création. A mon niveau, je pense que cela ne fonctionne pas à plein régime lorsqu’on est sur la route. Entre deux concerts, le temps dont tu disposes, tu le consacres au repos. Et puis il y a d’autres sollicitations».

Tournées et re-tournées : aucun producteur ne saurait refuser une telle aubaine. Mais pour l’artiste, le planning n’est pas toujours évident à gérer. De retour à la maison, il faut compenser les absences. La sollicitation de ceux qui sont restés à vous attendre est forte. Et peu de compositeurs arrivent à profiter de ces moments de répit pour créer. «Le temps qu’on a entre deux tournées est trop court pour que je puisse m’occuper d’un nouveau projet. J’y pense. J’ai des idées. Mais je les met sur papier ou sur bande, en attendant de pouvoir m’asseoir tranquille… Comme l’année 2004 est pleine de tournées, je ne peux rien promettre pour la suite. Il faut peut-être attendre l’année prochaine, avant de songer à l’écriture d’un véritable nouvel album». Mais comme certains fans expriment leur impatience, l’artiste a décidé de leur offrir un double live.

Une occasion pour nous de l’entendre autrement, hors studio. Un tube comme Cigarette Abana par exemple, commence sur ce live comme une impro congolaise, nous ballade dans le son cubain, tout en nous rappelant au son originel. «On s’amuse vraiment. Ce morceau a déjà connu trois versions. On l’a enregistré en 91. Mais je le joue depuis 85. On l’a retravaillé dans une nouvelle version en 95 et re-enregistrée en 2000 ou 2001. Il sonne à présent comme une salsa, avec une sauce spanish, un refrain anglais, quelques mots en français. Et on peut revenir au bambara». C’est ainsi que le live autorise toutes les envies. Amusé, Habib Koité parle de «gymnastique». Ce qui donne au final un album «pour faire plaisir aux fidèles, qui ont vu l’évolution de chacun de nos morceaux sur la scène. Il y a des moments sur scène de grand plaisir qu’on a voulu saisir».

Ce double live est enfin une occasion pour lui et son groupe de nous conter une partie de leur dernier périple à travers le monde entier. Un groupe, dont l’histoire remonte maintenant à plus d’une dizaine d’années. Avec des images, des sons et des personnalités… Bamada est une formation qui a su mêler la complexité urbaine de la nouvelle sono mondiale à la diversité séculaire du Mali traditionnel. A titre d'exemple, on pourrait parler de Kélétigui Diabate, son balafoniste hors pair, 73 ans au compteur et toujours la pêche… "Il faut vraiment le voir à l’œuvre, parce que les paroles ne suffisent pas pour expliquer son très grand talent. C’est immense ce qu’il sait de la musique. Il a joué avec Lionel Hampton en 72, avec Stevie Wonder en 82. Il a fricoté avec le jazz. Ce monsieur mérite d’être vu sur scène". A défaut, on pourra l’écouter sur ce double live.

Car Habib est de ceux qui laissent le génie de ses accompagnateurs s’exprimer en concert. Probablement pour soigner les ego. Mais pas seulement. "Ça pourrait être ennuyeux de ne toujours faire que de l’accompagnement. Je refuse de limiter mes musiciens. Avec les solos, ils peuvent se libérer". La musique est un grand voyage. Rien ne sert de brider les piliers du son. Habib, le fils de griot, en sait quelque chose. C’est aux côtés de ses musiciens surdoués qu’il est devenu faiseur de show et mélangeur de gammes "à consonance ethnique". De son jeu instrumental, les uns retiennent aujourd’hui les accents de fluidité tranquille, tandis que d’autres insisteront sur les instincts d’accélération de plus en plus aériens. "J’ai eu une approche avec la guitare classique, qui m’a permis de retrouver le son de nos instruments traditionnels à corde comme la kora ou le ngoni". Un son qu’on ne saisirait certainement pas avec autant de fougue s’il n’y avait pas eu ses amis avec lui.

Habib Koite Fôly ! Live around the world (Contre Jour) 2004