Rajery au Chorus des Hauts-de-Seine

Rajery, le petit lutin malgache, était au Théâtre Victor Hugo de Bagneux vendredi 19 mars dans le cadre du Festival Chorus des Hauts-de-Seine. Alors que l'artiste sort un nouvel opus Volontary*, il y fêtait son retour sur la scène parisienne dans une ambiance des plus intimistes, face à un public relativement convaincu. Récit.

Le retour du Prince de la valiha

Rajery, le petit lutin malgache, était au Théâtre Victor Hugo de Bagneux vendredi 19 mars dans le cadre du Festival Chorus des Hauts-de-Seine. Alors que l'artiste sort un nouvel opus Volontary*, il y fêtait son retour sur la scène parisienne dans une ambiance des plus intimistes, face à un public relativement convaincu. Récit.

Un public «sage et repu» selon Raymond, un fan de la première heure. Des membres de la communauté malgache principalement, ainsi que des «affiliés», amis ou sympathisants d’un imaginaire ensoleillé, tout droit issu de la Grande île de la mer indianocéane. Un public quasi silencieux à l’ouverture du récital offert par Rajery & Co, juste après avoir goûté à une première partie «exotique» assurée par Dobet Gnahore, une jeune Ivoirienne en train de se faire une place actuellement sur la scène française : pas tout à fait dans le même ton que le son des îles. Un public qui sait apparemment se tenir dans une salle pas tout à fait remplie par les habitants du cru, bien que ce soit un des buts avoués de ce festival, à savoir : faire découvrir les sonorités du monde aux «indigènes» du coin. Tout en nous expliquant cela, Michèle, qui en est à son troisième voyage touristique à Tana, sourit - juste à côté de nous - et applaudit à chaudes mains le premier titre, un a cappella, que Rajery (prononcez Radzer) vient de finir sur la scène. Un bon début selon elle…

L’artiste nous lance un bonsoir de circonstance, pour sans doute remercier ceux qui ont fait le déplacement, puis plaque sa main à sa valiha, cette fameuse harpe tubulaire malgache, destinée à devenir le prochain joujou ethnique en world music, un peu à la façon du djembe ou du didgeridoo. Un son de cithare - pour prendre un raccourci - qui convie de suite à des convulsions rythmiques de type ternaire (6/8) et dont la portée rappelle toujours les échanges sacralisés d’un rituel de possession. Sauf qu’avec Rajery ce son semble voyager dans la pop occidentale, comme pour mieux nous ramener sur son île natale.

Chassé-croisé et tour de passe-passe. L’artiste joue à fond la carte de l’ouverture, avant de bifurquer sans crier gare sur une fin de couplet ou sur un début de solo vers des impros inattendues. Un jeu d’adresse pour qui le vit en live… «c’est incroyable» nous interpelle Michelle, sous hypnose tout d’un coup, «il lui manque presque… un bras, alors que ce truc (!) on le joue théoriquement avec deux mains là-bas. Comment il fait?» s’enquiert-elle.

Avec une pointe de défi inimaginable pour qui ne le voit point, Rajery, qui a perdu les doigts de sa main droite dans sa prime enfance à la suite d’une étrange histoire d’empoisonnement, joue aujourd’hui au «prince de la valiha» sur scène. «C’est vrai que c’est impressionnant» avance un deuxième spectateur. Le rythme se fait alors de plus en plus entraînant. Aux côtés de Rajery, un quartet basse/guitare et percus tente tranquillement de booster la machine. Pas de folies mais tout est dans la mesure. A la fin du morceau, le public s’autorise quelques compliments, à peine étouffés par les applaudissements, en malgache pour qui comprend... Msotra! Autrement dit «merci» nous traduit Michèle. L’ambiance d’un coup se réchauffe…

Rajery le bienheureux, lui, continue son tour de chant. C’est une des dernières occasions pour lui de roder son nouvel opus sur scène, avant son grand rendez-vous parisien du 30 mars au New Morning, sans oublier ses dates du 7 et du 8 avril prochain à La Cigale en première partie de Rokia Traoré.

L’album Volontany (couleur de la terre) est paru il y a quelques temps chez Label Bleu. Il s’agit d’un douze titres co-écrit avec quelques amis, dont l’écrivain David Jaomanoro, auteur de l’excellent Viavy, un morceau complètement habité, digne des plus beaux hymnes a cappella des hauts plateaux malgaches. L’album nous promène en fait dans toute la diversité du patrimoine de l’île rouge. Avec des influences qui vont du jazz aux chorales zoulou. Le ton n’y est pas toujours égal d’un bout à l’autre. Quelques faiblesses notables sont à retenir par-ci par-là. Mais on y retrouve la rage d’un artiste qui chante l’enfance, l’espoir, l’amour, la dignité ou encore la «nostalgie du terroir»… Rajery fait partie de ces artistes, qui, pour exister, sont obligés d’aller guetter leur bonheur en pays étranger. Sa carrière en Europe lui donne cependant les moyens de s’investir dans des projets à vocation culturelle et sociale chez lui: il y a ouvert notamment une école de musique et y pratique la musicothérapie au service d’un hôpital psychiatrique. Ce qui n’est qu’un juste retour des choses. C'est loin de déplaire à ses fans, en tous cas.

Rajery Volontany (Indigo/ Label Bleu) 2004