Patrick Verbeke en Acadie

Après ses aventures en Louisiane, Patrick Verbeke a posé ses valises en Acadie au Canada pour y réaliser son dixième album, Echos d'Acadie, qui célèbre le quatre centième anniversaire de l’installation des premiers colons français dans cette région du Canada située entre la Nouvelle-Ecosse et le Nouveau-Brunswick. Rencontre avec le plus francophile des bluesmen français.

Rencontre avec le chantre du blues francophone

Après ses aventures en Louisiane, Patrick Verbeke a posé ses valises en Acadie au Canada pour y réaliser son dixième album, Echos d'Acadie, qui célèbre le quatre centième anniversaire de l’installation des premiers colons français dans cette région du Canada située entre la Nouvelle-Ecosse et le Nouveau-Brunswick. Rencontre avec le plus francophile des bluesmen français.

Après la Louisiane, l’Acadie. Vous êtes attaché à ces bouts de terroirs français sur le continent américain?
Oui, je m’y retrouve comme chez moi, en Normandie. Je l’avais ressenti dans les bayous et en descendant le Mississipi la première fois. J’ai été tout étonné d’y entendre parler le vieux français. En Louisiane, il y a ce côté «laisse le bon temps rouler», alors que chez les Américains en général, il y a ce côté de vouloir amasser les richesses. Lorsque j’ai parlé de mes aventures de Louisiane à Serge Le Vaillant sur France Inter, il m’a dit: «Tu n’aurais pas envie d’aller voir du côté de l’Acadie d’où les cajuns sont originaires?» Et il m’a donné un contact, celui de Maurice Segal qui organise le festival des Déferlantes francophones à Cap-Breton, en Gironde. Un mois après j’y étais et je rencontrais plein d’artistes acadiens. Deux mois plus tard, j’étais invité à la Francofête à Moncton. Tout est parti de là. J’y suis allé à maintes reprises depuis 2001, année où j’ai créé les Nuits acadiennes à Paris.

Dans cet opus consacré à l’Acadie, vous conciliez la francophonie et votre attachement au monde anglo-saxon ?
Les Acadiens, par opposition aux Québécois, ne cherchent plus l’Acadie libre puisqu’elle n’existe plus depuis des siècles. Eux, cherchent à préserver leur culture, leur bilinguisme.
Je m’y suis trouvé encore plus chez moi qu’en Louisiane, parce qu’il y a cet aspect nordique dont je suis proche, étant d’origine flamande et peut-être même viking. Mais c’est surtout ce côté bilingue et bi-culturel que je défends depuis toujours à travers le blues et dans tout ce que j’entreprends dans ma vie quotidienne qui m’a plu dans cette province. L’idéal pour moi serait de pouvoir toujours me balader, de faire le triangle entre la Louisiane, l’Acadie du Nord et la France.

Cet album est un carnet de voyage de votre périple acadien ?
C’est un carnet de voyage et un voyage dans le temps puisque j’essaie dans mes chansons de raconter les histoires des Acadiens et de l’Acadie. Je trouve dommage que cela ne soit pas raconté en France dans les manuels d’histoire. Nous sommes en 2004 et on devrait commencer à parler de l’anniversaire de l’installation de ces Français en Amérique qui ont réussi à perdurer et à y cultiver cet art de survivre. Je me bats pour que l’on puisse organiser des manifestations autour de cet événement. Je pensais que des ports comme Bordeaux, Cherbourg, Dieppe ou Le Havre, d’où sont partis ces pionniers seraient intéressés. Mais tout cela reste lettre morte, excepté l’ami Foulquier* qui a prévu quelque chose à l’occasion des Francofolies de La Rochelle. Peut-être que cet album va faire bouger les choses, j’espère qu’il n’est pas trop tard.

Y a-t-il un blues francophone ?
Oui, il existe depuis la fin des années 70 avec des pionniers comme Bill Deraime, Paul Personne, Benoît Blue Boy. Je m’y suis mis en 1981. Avant, il y avait des gens comme Boris Vian, Henri Salvador, Nougaro, même Johnny. Mais la génération dont je fais partie a voulu transposer les messages et la poésie qu’il y avait dans les textes du blues, chose que nos prédécesseurs n’avaient pas fait. Moi, c’est Luther Allison qui a été mon maître, qui m’a dit: «Patrick, pourquoi chantes-tu le blues en anglais ? Le français lui va tellement bien. Non seulement tu fais mieux passer le message dans ta langue maternelle mais tu sortiras des choses beaucoup plus fortes que dans une langue qui n’est pas la tienne.» Ça m’a décidé à rentrer dans le blues francophone et je me suis aperçu que le public suivait cette histoire. Sur scène, on voit vraiment la différence dans le regard du spectateur entre un blues chanté en anglais et un chanté en français. Il y a une attention qui est au moins multipliée par deux. J’aimerais bien que l’Afrique aussi soit incluse dans cette francophonie du blues. Pour l’instant, l’occasion ne m’en a pas encore été donnée.

Cet album est-il un prolongement de votre collectif Autour du blues ? On y retrouve tous vos amis, de Denys Lable à Francis Cabrel, qui vient jouer sur Bluesy City.
C’est vrai que j’ai fait cet album avec toute l’équipe de Francis. Lui-même a participé aux chœurs. Cet album est le prolongement des rencontres que nous menons ensemble depuis trois ans. C’est sûr. Je me suis senti très à l’aise avec tous ces musiciens et j’étais flatté qu’ils me demandent de participer à cette aventure. Francis était venu me voir lors du spectacle Autour du blues en octobre dernier. Il m’avait dit alors: «Tiens, j’ai appris que tu faisais un disque avec Denys, si tu as envie d’une voix, je suis là».

*Jean-Louis Foulquier, animateur de radio et initiateur des festivals des Francofolies

Patrick Verbeke Echos d’Acadie (Dixiefrog/Night and Day)

En concert jusqu'au 26/03 - Festival Tintinabulles le 27/03 à Elbeuf. Tournée au Canada du 29/7 au 8/8/2004