Kaolin de retour
Après une veine pop hypnotique précieusement électrique, explorée dans un premier album arrangé par les Valentins, le groupe Kaolin récidive en publiant De retour dans nos criques, nouvel opus ouvertement engagé en terrain rock. Sans tourner le dos au raffinement, fil rouge de ce deuxième album, le band de Montluçon livre une copie plus brute, mais toujours aussi convaincante.
Deuxième album
Après une veine pop hypnotique précieusement électrique, explorée dans un premier album arrangé par les Valentins, le groupe Kaolin récidive en publiant De retour dans nos criques, nouvel opus ouvertement engagé en terrain rock. Sans tourner le dos au raffinement, fil rouge de ce deuxième album, le band de Montluçon livre une copie plus brute, mais toujours aussi convaincante.
Apparus au grand public il y a tout juste deux ans, après un parcours émaillé de premières parties prometteuses et de maxis auto produits, les Kaolin jouaient avec Allez, première sortie au titre en forme de cri d’encouragement, la carte de la puissance contenue: ambiances ouatées, délicates envolées de sons saturés et mélodies planantes constituaient la carte de visite du quatuor de Montluçon qui s’offrait pour l’occasion les services des Valentins, docteur es-arrangements de luxe. Une pop ouvragée, à la fois précieuse et électrique, mariant avec bonheur le dur et le doux, et prêtant ainsi le flanc à toutes sortes de métaphores géologiques - le groupe empruntant son nom à la roche argileuse utilisée dans la fabrication de la porcelaine.
De la roche au rock, il n’y a qu’un pas que le combo bourbonnais, déjà auteur de live généreux, franchit allégrement avec ce nouvel opus. Plus brut, plus direct, De retour dans nos criques s’embarrasse effectivement moins de fioritures et autres poses stylistiques que son prédécesseur, pressé de délivrer une puissance de feu jusqu’alors plus volontiers esquissée. "Avec Allez, on s’était vraiment attaché aux arrangements, à faire des belles choses. Là, on est allé à l’essentiel. Ça se rapproche plus de l’auto production. D’où ce clin d’œil au niveau du titre. (Bienvenue dans les criques, EP auto-produit paru en 2000 NDLR)" avance le groupe, qui confesse un état d’esprit légèrement différent pour ce deuxième essai.
Là où Allez privilégiait l’élégance d’ambiances délicatement électrifiées, c’est ici une ardeur juvénile qui prime: les charges de sons saturés se font plus franches, les rafales de batterie véhémentes, soutenues par des lignes de basse viriles. Les guitares naviguent très clairement du coté d’un rock franc du collier, à l’image de Loin de L’île, premier single qui donne le ton d’un album paradoxalement plus fougueux que le précédent (malgré un relatif retour au calme à mi parcours).
Néanmoins, malgré leur volonté d’éliminer le superflu, de tendre vers une certaine épure, et selon leurs propres termes d’"y aller de la façon la plus naïve possible", les Kaolin, s’ils conservent l’énergie de l’auto production, livrent une copie aux antipodes de l’amateurisme. On pourrait à ce titre invoquer les interventions du sorcier du son Dave Fridman, préposé au mix lors du passage du groupe au studio américain Tarbox, par lequel avait déjà transité Mercury Rev ou les Flaming Lips. Mais la présence au générique du New-yorkais demeure le seul semblant de luxe d’un album qui boude par ailleurs toute coquetterie, sans pour autant se départir d’une grâce naturelle. Soucieux de limiter au maximum les interventions extérieures, quitte à travailler dans une certaine forme d’urgence, les rockers auvergnats se sont appliqués à se rapprocher du live, avec un désir constant d’immédiateté. "C’est un truc qui ne nous va pas mal. On s’est rendu compte que cette petite pression nous faisait être ce que l’on est vraiment dans le local de répétitions ou sur scène" avance Guillaume, la voix de Kaolin, dont le timbre fragile s’aventure dans les aigus avec une belle assurance.
Et si les textes gentiment baroques ("je m’enfuis et je m’égare/immobile et sans ton phare/ramène moi enfin à l’île/là tout seul debout je grille") sont souvent noyés sous l’omniprésence de riffs, on saura gré au quatre de Montluçon de tourner le dos aux clichés du rock cérébral. "On a pas cherché à trop se creuser la tête, à chercher l’arrangement juste... puisqu’on a pas d’arrangement! On a tout enregistré en live, dans un pièce, tous les quatre: c’est comme ça que l’on répète, que l’on maquette, et que les chansons se créent. Il n’y avait aucune raison qu’on ne prenne pas notre pied à le faire sur la galette !". Evoquant parfois le raffinement musclé de Placebo ou des Britanniques Muse, ce Retour dans nos criques allie l’enthousiasme suant des disques auto produits et une maturité sonore des plus séduisantes. On avait quitté les Kaolin outsiders, les voilà forces vives du rock made in France!
Kaolin De retour dans nos criques Barclay 2004