Jane Birkin
Alors qu’elle vient de boucler deux ans de tournées avec Arabesque, son spectacle sur les chansons de Gainsbourg "à l’orientale", Jane Birkin sort un nouvel album, Rendez-vous, constitué de duos avec quelques aînés de la chanson français (Alain Souchon, Françoise Hardy, Alain Chamfort, Etienne Daho) et quelques-uns de leurs cadets (Mickey 3D, Manu Chao, Miossec) mais aussi nombre de vedettes internationales : Caetano Veloso, Paolo Conte, Beth Gibbons de Portishead, Brian Molko, Bryan Ferry, Yosui Inoue, Feist. Rencontre avec la plus anglaise des chanteuses françaises, qui va bientôt repasser derrière la caméra pour réaliser son deuxième long-métrage, Boxes.
Rendez-vous
Alors qu’elle vient de boucler deux ans de tournées avec Arabesque, son spectacle sur les chansons de Gainsbourg "à l’orientale", Jane Birkin sort un nouvel album, Rendez-vous, constitué de duos avec quelques aînés de la chanson français (Alain Souchon, Françoise Hardy, Alain Chamfort, Etienne Daho) et quelques-uns de leurs cadets (Mickey 3D, Manu Chao, Miossec) mais aussi nombre de vedettes internationales : Caetano Veloso, Paolo Conte, Beth Gibbons de Portishead, Brian Molko, Bryan Ferry, Yosui Inoue, Feist. Rencontre avec la plus anglaise des chanteuses françaises, qui va bientôt repasser derrière la caméra pour réaliser son deuxième long-métrage, Boxes.
RFI. – Votre fille Kate Barry a fait une très belle photo de pochette pour votre disque...
Jane Birkin. – J'ai lutté comme une dingue. Pour une maison de disques, ce n'est pas évident, une artiste qui ne veut pas son visage sur la pochette et veut seulement son dos. C'est tellement beau, c’est une sculpture. Je m’étais dit tant pis, c'est en effet trop personnel, je la garderai pour le disque que j'écrirai moi-même un jour. J'ai dit à la maison de disques que quand je donne des autographes, c'est là-dessus que je signe et que, jusque là, je ne me suis pas plantée avec les couvertures des disques. Alors, finalement, il m'ont laissé faire. Nous étions au Vietnam à ce moment-là, avec Arabesque. Pour les changements de couleurs, ils m’envoyaient les fax à l’ambassade et on me demandait si c’était une oeuvre dans un musée, quelque chose comme ça – non, c’est mon dos.
La chanson de Mickey 3D, Je m’appelle Jane, fait un portrait de vous assez inattendu.
Je l’ai appelé pour lui dire qu’il pouvait aller plus loin (ndlr : Mickaël Furnon). Il m'a dit: "Il me semble que je suis déjà allé très, très loin". J'ai dit: "Non, c'est pire que ce que tu penses". Mickey 3D, Brian Molko et Beth Gibbons sont les plus jeunes du disque et ils m’ont donné des chansons qu’ils ont écrites eux-mêmes – pas des reprises ou des chansons de leur répertoire. C’est attendrissant, comme quand un enfant demande un autographe dans la rue et que je pourrais être sa grand-mère.
C’est inattendu d’entendre Brian Molko de Placebo sur votre disque.
Oh non ! Il connaît les chansons de Serge, il a déjà fait une version de Melody Nelson, il a joué mon rôle dans une version de Je t'aime moi non plus. C’est un garçon très calé, très intelligent. Je croyais qu'il n'y avait que les Français qui faisaient si attention aux mots ; qu’avec les Anglais, c'est à peine si on comprend le titre et on peut danser. Brian Molko a écrit une chanson très forte, impertinente, dans laquelle il a l’habileté, souvent, comme Cole Porter, de balancer un mot sur le vers suivant. Même ma mère était absolument ravie de la malignité de l'affaire: ce n'est pas une chanson respectueuse.
Comment s’est passé votre rencontre avec Beth Gibbons de Portishead ?
J'ai écouté ses disques chez ma fille Lou. Et elle est venue en studio, avec ses cheveux rouges. Ça s'est passé divinement bien. Une bosseuse. La chanson était en anglais mais elle adorait mon accent en français. J'ai refusé de prendre un accent français, comme elle le suggérait – quelle humiliation ç’aurait été! Je faisais vachement attention à son texte, je me suis appliquée sur un texte français, alors qu'en anglais on s'en fout un peu: elle trouvait que je prononçais trop. Peut-être parce que j'ai quitté l'Angleterre il y a trente-cinq ans et que j'ai l'accent périmé de mon père. A la fin, elle ne me demandait plus d'être ni elle-même, ni moi avec un accent français, tout s’est très bien passé.
Vous avez chanté Arabesque un peu partout dans le monde, ces deux dernières années. Votre sentiment après cette longue tournée ?
Je me suis rendu compte que je suis connue dans le monde entier, probablement à cause de Je t'aime moi non plus, à cause des choses un peu scandaleuses, et aussi des films de Zidi qui ont beaucoup voyagé.
Il ne faut pas chercher plus loin. Pourquoi autrement aurais-je eu 2000 personnes chaque soir à Hong Kong? Ils avaient traduit les paroles de Serge en anglais et pendant le spectacle, je me demandais pourquoi tout le monde regardait comme ça son programme – je me disais: ils veulent savoir si c’est bientôt fini. En fait, ils suivaient comme on fait à l'opéra.
Au Japon, vous aviez eu un succès discographique énorme, il y a quelques années...
Oui, j'ai été la plus grosse vendeuse étrangère pendant quatre mois. Je disais à ma mère : "Rends-toi compte que ça bat Elton John, que ça bat les Américains, et que c'est en français !" Ils avaient pris L'Aquoiboniste pour le générique d’un feuilleton qui passait trois fois par semaine. C’était une chanson écrite par Serge pour Françoise Hardy en parlant de Jacques Dutronc et elle n’en avait pas voulu. Alors je l’ai prise et, maintenant, je suis plus connue dans une rue au Japon qu'en Angleterre. Pour Rendez-vous, j’ai chanté avec Yosui Inoue et j’ai découvert ce que c’est une star au Japon : pour des photos, nous sommes allés dans un parc et il y avait les filles qui tombaient, les voitures qui s’arrêtaient et lui qui ne quittait pas ses lunettes noires.
Vous parliez de l’Angleterre: vous y avez maintenant une certaine notoriété.
Avec Arabesque, j’ai été à Londres, Manchester, Edimbourg, Brighton et re-Londres. C’était en pleine guerre, l’année dernière et je m'attendais à me faire lancer des camemberts. Non, j’ai eu à chaque fois cinq étoiles dans les journaux. Je me sentais victorieuse. Avec Rendez-vous, Bryan Ferry, Brian Molko, Beth Gibbons, ça a surpris les Anglais que je chante en anglais, avec leurs héros à eux. Pour la sortie de l’album, ils m’ont demandé cinq jours pour les interviews.
On dit que vous allez enfin réaliser votre deuxième film, Boxes, dont vous parlez depuis plusieurs années.
Les personnes sont fragiles, je veux donner ce rôle à ma mère maintenant: elle a commencé sa carrière avec une chanson, elle a été girl au théâtre, elle était dangereusement belle et mon père l'a bouclée dans une ferme assez loin de Londres pour qu’elle ne puisse jouer avec Noel Coward selon son gré. Elle a quatre-vingt-sept ans: il est temps.
Nous tournons cet été, puis je vais finir Arabesque en Amérique du Sud et en Amérique du Nord – ça va être drôle à Austin, Texas, avec Djamel Benyelles et les autres. Et en janvier, j’ai un rôle dans un film.
Jane Birkin Rendez-vous (Capitol/EMI) 2004