La Note bleue

Pour la première fois, le label Blue Note fait son festival à Paris. Avec comme il se doit, des vedettes américaines comme Patricia Barber ou Jason Moran, la coqueluche du tout New York… mais aussi quelques pointure françaises comme le trompettiste Erik Truffaz qui avait le 6 avril pour invité, le chanteur Christophe ! Retour sur une soirée réussie.

Rencontre Truffaz/Christophe au Festival Blue Note à Paris

Pour la première fois, le label Blue Note fait son festival à Paris. Avec comme il se doit, des vedettes américaines comme Patricia Barber ou Jason Moran, la coqueluche du tout New York… mais aussi quelques pointure françaises comme le trompettiste Erik Truffaz qui avait le 6 avril pour invité, le chanteur Christophe ! Retour sur une soirée réussie.

Il fait froid et gris sur Paris en cette soirée de printemps, mais qu’importe… ce soir, au Trabendo, Eric Truffaz invite Christophe… et c’est un des événements de ce festival qui nous offre la crème de ses artistes pendant une semaine. C’est par une série de morceaux très rock et électriques que Truffaz a choisi d’entrée de faire décoller la salle…le pianiste Patrick Muller est au Fender Rhodes, Marcello Giulliali, à la guitare basse tandis que Marc Erbetta à la batterie, toujours plus inventif que n’importe quelle boîte à rythme, n’hésite pas à balancer quelques sons de bouche dans un micro relié à une machine pour en faire une boucle. Nous sommes d’emblée dans la transe. Erik Truffaz, silhouette sombre et longiligne, sa tête blonde cassée sur sa trompette, rappelle l’allure de Miles en son temps. Même sens de l’épure et un son doux et puissant à la fois. Mais à la différence de Miles, Eric ne tourne pas le dos à son public. Au contraire, il lui parle. Le rythme alors se calme pour deux morceaux extraits du dernier album The walk of the giant turtle. Une ballade au piano puis le ludique et dansant Scody Part II.

Tandis qu’Erik Truffaz laisse la part belle au guitariste Marcello Giuliani qui nous tape un slap d’enfer, on se demande quand viendra Christophe…C’est alors qu’il annonce celui qui depuis qu’il criait Aline ("pour qu’elle revienne") en 1964, a mené pendant 40 ans une carrière singulière dans le paysage de la chanson française. Succès fou, dérapage incontrôlé dans la drogue, puis retour phénoménal et branché sur scène en 2002 avec des textes personnels, en rupture avec les "refrains/couplets/refrain", tout comme Truffaz est en rupture avec l’éternel exposition du "thème/improvisation/reprise du thème" en jazz.

En pantalon rayé noir et blanc, bottes de cuir noir, veste noire et œillet rouge, sans oublier les lunettes de soleil, Christophe porte toujours moustache et cheveux blancs. Après nous avoir cueillis d’un "merci chers amis d’être venus au mariage", il se met à chanter Elle dit, elle dit puis enchaîne avec Les paradis perdus, Les mots bleus, les marionnettes…. Une rencontre réussie que désormais, l'on attend avec impatience dans ses prolongations discographiques. De source sûre, nous savons que Christophe invitera Erik sur son prochain disque, tandis qu’Erik invitera Christophe sur son prochain album !

Pour quelles raisons avez-vous choisi d’inviter Christophe ?
J’aime beaucoup la charge émotionnelle qu’il véhicule en chantant, j’aime le timbre de sa voix et ses compositions, les Mots bleus ou les Marionnettes font partie de mes rêves d’adolescent. C’est après que j’ai acheté ses derniers albums.

Comment la connexion entre Christophe et vous s’est-elle faite ?
C’était dans une émission de télévision. Je lui ai demandé un autographe, il m’a dit «OK je t’en donne un mais à condition qu’on joue un jour ensemble». Ce que je n’aurai peut-être jamais osé lui proposer. Donc, quand l’an passé le festival Art rock de St Brieux m’a donné une carte blanche, j’ai invité Christophe qui a été tout de suite d’accord. Après j’ai choisi les chansons et puis on a répété avec le groupe.

Lorsque l’on vous découvre ensemble sur scène, on se rend compte qu’il existe une véritable correspondance entre vos deux univers mystérieux…
Bien-sûr…de toute façon si on se rencontre et qu’on a une attirance l’un pour l’autre, c’est qu’il y a point commun, lié au mystère qu’on cherche à l’intérieur de notre musique. Ce n’est pas par hasard si Christophe m’a demandé de collaborer avec lui. On cherche la communication entre la musique et le public au travers de l’émotion et cela passe par le mystère. Et la clé du mystère vient du timbre, la façon dont on sonne. Avec un autre chanteur et un autre trompettiste, ce serait une autre histoire. Nous sommes sur la même longueur d’onde puisque Christophe est très ouvert aux musiques actuelles, de la musique de Bjork au blues.

Christophe à une image très forte, c’est une véritable icône, et en même temps, il n’a jamais exprimé autant de fragilité…
Christophe, c’est pas Johnny Hallyday, sa démarche va plus dans le sens de la fragilité que de la sécurité. Et moi, c’est la même chose pour la trompette, je ne suis pas un trompettiste de puissance, nous sommes sur la même corde et c’est pour cela que ça fonctionne. Lorsque je joue avec Christophe, je ne joue pas avec l’icône. Quand on est ensemble sur scène, nous sommes au même plan car il a cette faculté de se fondre dans le groupe… et puis je trouve que la voix démocratise le jazz. Elle fait un pont entre la musique instrumentale et le public.

Quel plaisir avez-vous à participer à ce premier festival Blue Note ?
Je suis très content de participer à cette première. Etre chez Blue Note, c’est vraiment être soutenu par un label qui a les moyens financiers de faire la promotion de ses artistes, et c’est rare. C’est aussi une image pour un musicien, c’est comme un écrivain qui publie chez Gallimard. C’est tout un passé, un son, une attitude…moi je me retrouve dans l’esprit novateur, et surtout dans la musique dansante…. Je me sens plus du côté de la pop que du swing des années 40 !

Erik Truffaz The walk of the giant turtle (Blue note) 2003