Passi

Précédé de la bio maison récemment sortie sur DVD, Odyssée, le troisième album solo de Passi, est à la hauteur de sa réputation d’altesse autoproclamée du rap français. Un retour aux affaires aussi savamment orchestré qu’efficace, à la fois mature et incisif. Entre voyages africains, couplets métissés, ego trip cinglants et déclarations délicates, le «double S» signe un troisième opus résolument mûr, mais toujours fermement ancré dans le rap.

Odyssée

Précédé de la bio maison récemment sortie sur DVD, Odyssée, le troisième album solo de Passi, est à la hauteur de sa réputation d’altesse autoproclamée du rap français. Un retour aux affaires aussi savamment orchestré qu’efficace, à la fois mature et incisif. Entre voyages africains, couplets métissés, ego trip cinglants et déclarations délicates, le «double S» signe un troisième opus résolument mûr, mais toujours fermement ancré dans le rap.

Figure historique du rap français au sein du sulfureux Ministère A.M.E.R, producteur heureux avec sa société Issap des compilations Dis l’heure (Dis l’heure de rimes et Dis l’heure de zouk), chantre de l’afro-hip hop avec Bisso Na Bisso…Passi, «l’Altesse Double S», malgré un parcours solo relativement modeste, demeure un nom incontournable de la scène rap hexagonale. Un des rares du moins, à maintenir son cap malgré le vent de morosité s’étant emparé du genre, et qui publie aujourd’hui ce troisième chapitre discographique sous son nom propre - un mois à peine après un DVD (30 ans chrono) le rappelant aux bons souvenirs du public.

Mais si Passi évolue dans un rap bizness dont il a jadis chanté les ficelles, et dont il maîtrise parfaitement les codes (son premier album Les tentations, s’est écoulé à 400.000 exemplaires, son successeur Genèse est double Disque d’or), cette nouvelle livraison n’est pas celle d’un artiste contemplant dans un contentement cynique ses faits d’armes, si élogieux soient-ils. Précis, animal, tranchant, Odyssée, au delà de ses soi-disant prétentions conceptuelles («un voyage dans le temps, un trip musical», claironne son dossier de presse) sonne juste et frappe fort. A ceux qui craignaient un Passi au flow émoussé, le Sarcellois de Brazzaville dispense à l’envie des «lyrics doom doom» et adresse d’entrée un cinglant Tu c ki je suis, ego trip rentre-dedans soutenu par un instru du même métal. («J’suis pas de retour j’ai toujours été présent/Pression rap foi et raison en toutes saisons/Plus de détour j’suis comme Jason j’garde ma toison/Depuis mon premier 45 tours j’crache révolution»). Un couplet hargneux asséné en guise de salutations, manière de signifier qu’il conserve intacte la férocité des années Secteur Ä.

Tout juste a-t-il avec les années et l’expérience aiguisé sa science de la rime et accordé sa plume à sa maturité post-trentenaire. Posé, mais pas rassasié, plus sage qu’assagi, Passi alterne tchatche lascar et rap sociétal, s’offrant régulièrement des détours par les problématiques dépassant la seule rue. Comme sur Annuler la dette, un tacle en règle aux décideurs des grandes puissances occidentales, où il évoque un continent «enchaîné à fond de cale à même le sol» («Il y a 1 N dans ONU comme dans reNégocier/Et tant de haiNe qui traîNe depuis que j’suis Né/Dans Négriers Néfaste et iNégalités/Mets en 2 dans aNNuler recoNNaissance et trop ont caNNé»). Ou lorsque le fer de lance du Bisso Na Bisso exhume Ancien combattant de Zao, l’aîné congolais, le temps d’un duo avec Stomy Bugsy. Ce dernier, complice des débuts, est l’un des nombreux featurings d’Odyssée, qui convoque entre autres le leader de Kassav Jacob Devarieux, déjà convoqué sur la compilation Dis l’heure de zouk, Lynsha, l’une des étoiles d’Issap Productions ou, plus surprenant, l’ancien Platters Roy Robbie, qui pose sa voix plaintive sur le bluesy Exercice. Un générique pléthorique, dont le but ne semble néanmoins pas de camoufler un éventuel manque d’inspiration. Pour cette troisième sortie, Passi cède en effet peu aux poncifs et autres ficelles du hip hop, leur préférant une écriture volontiers plus sentimentale, où les femmes notamment, tiennent souvent le premier rôle.

A l’image du premier single Reviens, certes relativement convenu, et surtout du particulièrement convaincant L attend, portrait sensible de femmes plus ou moins fragilisées («Lucy, à la fleur de l’âge, novice dans sa planète/Rêve d’un Roméo-Juliette, d’un Lady Di-Alphayed/Pour toi Léila, 6 ans de mariage, il taffe et finit tard/T’es bloquée sur ta photo de Noces dans le couloir/Il t’a dis j’arrive, l’heure tourne et tu t’endors/Il est sur messagerie mais tu l’attends encore»). Loin du cliché du rappeur-lover ou des travers machistes que certains lui ont parfois prêtés, Passi signe là l’un des meilleurs titres de ce nouvel opus, dont on retiendra moins les quelques faiblesses (l’arrangement symphonique du Cri silencieux, ampoulé et assez vain) que la saine cohésion. Peut-être pas l’odyssée annoncéedans le titre, mais un chapitre essentiel du hip hop français.

Passi Odyssée (V2) 2004