Louis Chédid
Louis Chédid, l'auteur de Anne ma soeur, Anne ou plus récemment de Bouc Bel Air, vient de sortir son nouvel album Un ange passe. Bel ouvrage de la part de celui qui manie une plume d'ange en guise de stylo.
Un ange passe
Louis Chédid, l'auteur de Anne ma soeur, Anne ou plus récemment de Bouc Bel Air, vient de sortir son nouvel album Un ange passe. Bel ouvrage de la part de celui qui manie une plume d'ange en guise de stylo.
RFI Musique : En matière d'écriture il y a deux écoles : ceux qui disent que c’est un plaisir et ceux qui parlent d’une souffrance à trouver les mots juste. Vous vous situez dans quelle école ?
Louis Chédid : Je dirais... à mi chemin. Pour la musique, c’est l’aspect ludique qui prime et qui est beaucoup plus facile à aborder. Concernant les paroles, je me pose beaucoup plus de questions : "Est-ce que c’est suffisamment intéressant ce que je raconte? Est-ce que ce que l’émotion que j’essaie de mettre sur la feuille est une émotion qui peut se partager avec d’autres ?". Il est beaucoup plus complexe d’écrire que de composer. A chaque fois que j’écris une phrase, je me demande si je n’ai pas déjà écrit cela dans une autre chanson. En fait tout est une question d’angle.
Etes-vous allé en studio avec l’intention d’aborder des thèmes précis ?
Non, ce n’est pas du tout comme cela que je fonctionne. Par expérience, je sais que pendant trois semaines, je vais en chier des ronds de chapeaux. Il y a ce côté, gymnastique, tour d’échauffement, auquel je ne coupe pas. Mais l’inspiration vient au fil de mes notes quotidiennes.
Vous dites que vous ne partez jamais avec des idées pré-déterminées, mais tout de même, on sent que sur une chanson comme Tout le monde vous avez voulu, vous aussi, écrire sur la télé-réalité...
Non, non, non... Je ne me suis pas levé un matin en me disant, tiens, il faut que je dégomme la télé-réalité. En fait, je voulais faire une chanson un peu satyrique sur ce phénomène de starisation de gens qui viennent raconter leur intimité à la télévision ou qui s’isolent en ne faisant rien à longueur de journée comme dans Loft story*. Quand on y pense, c’est quand même le summum du néant. Discuter un peu, se faire des bisous et aller pisser de temps en temps, pour devenir ensuite une star, c’est quand même fabuleux ! Si on prend un peu de recul et qu’on réfléchit à cela, c’est dément. Star Academy, c’est un peu différent, parce qu’ils essaient d’apprendre à chanter, à danser... Il se passe quelque chose tout de même. Il y a une espèce de surenchère de... (pause) médiocrité, on ne peut pas appeler cela autrement.
L’industrie du disque a justement profité du phénomène Star Ac ou Pop Star pour vendre encore plus de disques… Aujourd’hui, cette même industrie traverse une grave crise. Beaucoup de contrats d’artistes (Stéphan Eicher, Michel Jonasz) sont supprimés. Est-ce que vous-même, vous vous sentez menacé par rapport à cette crise ?
Mon sentiment, c’est que je suis d’abord triste par rapport à ces collègues qu’on vire... Je préférerais que l’on rende leurs contrats à des artistes moins talentueux qu’eux. Malheureusement, les moins talentueux vendent souvent plus de disques. Ce qui me rassure, c’est qu’ils rebondiront toujours. Dans la vie d’artistes, il y a des hauts, il y a des bas, je suis bien placé pour le savoir. Quand cela m’est arrivé, ça m’a foutu un coup de pied au cul terrible. J’ai eu envie avec mon album suivant de leur montrer ce que je valais. C’est important d’avoir cette "niack"-là. Ce sont des métiers à hauts risques, il faut le savoir et ne jamais le perdre de vue. C’est cela qui fait la beauté du truc aussi. Vous pouvez vous prendre un bide phénoménal et ensuite, faire un succès énorme. Ce métier est un mélange d’espoir et de lucidité, vous vous dites : "Je m’attends au pire, mais si le meilleur arrive, je suis super content".
Quelle est votre dernière réjouissance en matière musicale ?
J’aime beaucoup Staind. C’est un groupe de rock américain que j’ai repéré sur MTV. En France, j’aime beaucoup, par exemple, le disque en anglais de Keren Ann. Elle chante superbement bien, elle a vraiment un univers à elle. Elle me fait penser à la Françoise Hardy de la grande époque. En plus, elle est auteur/compositeur, ça ne court pas les rues. Ensuite, il y a des chansons que j’aime beaucoup comme celle de Mathieu Boggaerts ou d’Albin de la Simone. J’ai beaucoup aimé également l’album acoustique d’Aston Villa, ce n’est d’ailleurs pas par hasard, si l’on retrouve les frères Muller sur mon nouvel album. (Nicolas et Doc Muller, ex-guitariste et batteur d’Aston Villa, ndr).
Quelle est la dernière chose qui vous ait mise en colère ?
Oh, la !! C’est un vieux truc qui revient depuis longtemps. Quand on me dit que je suis le «père tranquille de la chanson». C’est un gimmick de journaliste qui remonte à il y a plus de vingt ans et que reprennent d’autres journalistes, d’années en années. A chaque fois, cela me met en rogne, parce que je trouve que cela ne me correspond absolument pas.
M, votre fils, qui a un projet de spectacle sur votre pays d’origine, l’Egypte, nous expliquait il y a peu, que paradoxalement, il connaissait peu ou mal le parcours de ses ancêtres...
Oui, mais c’est normal. Parce qu’en fait, moi je suis arrivé en France j’avais six mois. Lorsque j’y suis retourné pour la première fois, j’avais 25 ans. Entre temps, j’avais tellement entendu parler de l’Egypte de manière féerique que j’avais un peu peur d’y retourner et d’être déçu. En fait, lorsque je suis allé à Alexandrie, à Louxor, j’ai été enchanté. Le peuple égyptien est tellement chaleureux, accueillant, généreux... Je me suis retrouvé comme chez moi. Mathieu, lui, n’a pas vécu cela. Lorsque j’étais adolescent à la maison, mes parents parlaient arabe. Mathieu, lui, a baigné toute sa jeunesse dans un milieu vraiment français... De plus, les vrais orientaux, ce sont mon père et ma mère. Eux ont vraiment vécu là-bas. Malgré tout, ce sont des racines qui sont vraiment tenaces. Ce n’est pas rien, ce n’est pas anodin d’être d’origine orientale.
Concernant le projet de Mathieu, il a été initié il y a deux ans au moment de l’inauguration de la bibliothèque d’Alexandrie. Mais pour le moment, le projet a été repoussé. Nous devrions faire tous les trois, ma mère (l’écrivain Andrée Chédid), Mathieu et moi, un concert commun. Ce serait vraiment excitant d’autant plus que ma mère, elle, est vraiment chez elle là bas...
Louis Chédid Un ange passe Atmosphériques 2004
* émission française de télé-réalité