Oryema côté rock
Le musicien d'origine ougandaise Geoffrey Oryema revendique le droit au rock et à la pop. Déjà largement perceptible dans Spirit, sorti il y quatre ans, cette exigence éclate avec encore plus d’évidence sur Words, son cinquième album.
Émancipé de la world
Le musicien d'origine ougandaise Geoffrey Oryema revendique le droit au rock et à la pop. Déjà largement perceptible dans Spirit, sorti il y quatre ans, cette exigence éclate avec encore plus d’évidence sur Words, son cinquième album.
RFI Musique : Lorsque votre premier album, Exile, est sorti, en 1990, vous avez d’emblée pris vos marques dans le petit monde bouillonnant de la world music. Aujourd’hui vous semblez vouloir affirmer votre goût pour le rock.
Geoffrey Oryema: Bien sûr et cet album va sans doute en dérouter certains. Mais mon enfance n’a pas été seulement bercée par la musique traditionnelle de chez moi. J’ai aussi écouté beaucoup de pop et de rock anglais – mon pays, il ne faut pas l’oublier, a eu un lien très fort avec l’Angleterre, puisque pendant soixante ans l’Ouganda a été un protectorat britannique. Mon côté rock vient de là. Ce disque est aussi le fruit de ma rencontre avec Adrian Chivers, que je connais depuis quatorze ans. Ancien ingénieur du son de Real World, [le label de Peter Gabriel sur lequel était sorti Exile, ndr], il réalise aujourd’hui mon album.
Vous ne vous sentez plus du tout concerné par l’étiquette «worldmusic»? Vous avez définitivement changé de famille ?
World music, ça ne veut rien dire. C’est un terme qui m’a toujours dérangé, perturbé. Littéralement, cela signifie «musique du monde». Et bien dans ce monde, il y a toutes sortes de musiques, non? Rock, rap, jazz, etc. Je suis chanteur, auteur-compositeur et je fais la musique qui me tient à coeur, avec les influences que j’ai. L’Afrique reste évidemment ancrée en moi. Même si aujourd’hui je fais un album plus cross-over, il y a toujours mes racinesdedans : le lukeme [piano à pouces], la harpe nanga, je chante en anglais et français, mais aussi en swahili et en atcholi.
Votre goût prononcé pour le rock était déjà perceptible en 1993, quand vous vous êtes associé avec le guitariste Jean-Pierre Alarcen pour enregistrer l’album Beat The Border.
Absolument. En fait, cette envie était là avant même que je sorte le premier album. Je me dis que j’aurais dû peut-être commencer à faire les deux, du rock et des choses plus ancrées dans mes racines, pour ne pas avoir l’impression aujourd’hui de trahir des gens. Mais en fait, je n’ai trahi personne. J’ai grandi aussi avec le rock et c’est mon droit de m’exprimer à travers lui. Alarcen, on est toujours restés en contact. Il a apporté beaucoup de choses dans ma démarche.
Deux voix féminines interviennent sur cet album. Qui sont-elles ?
D’une part Nadine Marchal, une amie rencontrée il y a un an, fan de ma musique. C’est quelqu’un qui ne vient pas du tout du monde de la chanson (elle est designer), mais j’ai découvert qu’elle avait un talent caché, l’écriture. On a travaillé les textes ensemble. La seconde est Mélanie Gabriel, la fille de Peter Gabriel. Elle tourne avec son père depuis quelque temps et commence à préparer son propre album. Je l’ai connue toute jeune à l’époque où je travaillais sur Exile aux studios Real World.
Vos nouvelles chansons portent-elles des échos de votre passé ?
Oui parfois. Le titre Flying par exemple, c’est un peu mon histoire. Je parle de voyages. J’ai beaucoup voyagé. Le voyage, pour moi, c’est une fabuleuse ouverture à l’autre.
Ce peut être une fuite également. En 1977, vous avez été contraint de quitter l'Ouganda où sévissait alors Idi Amin Dada. Vous considérez-vous encore en exil ?
Non, j’ai tourné la page. C’est fini tout ça, même si le pays en lui-même est toujours présent en moi. Je ne suis plus là physiquement mais je lui fais du bien avec ma musique. Je pense que depuis 26 ans, énormément de gens ont découvert l’Ouganda à travers elle. Je peux critiquer mon pays, pour des raisons que nous connaissons tous, les bêtises faites par des dirigeants corrompus, les guerres ethniques, la maladie, la pauvreté fabriquée… mais en même temps, même si le climat politique n’y est pas encore très favorable, pour moi ça reste un très beau pays. C’est pas pour rien que Winston Churchill avait surnommé l’Ouganda «la perle de l’Afrique».
Vous y êtes retourné depuis votre départ en 1977 ?
Non, j’ai mis une croix. Je ne veux pas revenir à nouveau en exilé, et d’autre part, cette «histoire» a laissé des séquelles très profondes.
Après 26 ans passés en France, l’anglophone que vous êtes ne se sent-il pas un peu francophoneaussi ?
C’est vrai. Je me sens à la fois Ougandais, Africain, je suis quelque part Anglais - je pense toujours en anglais d’ailleurs, toute ma famille est en Angleterre et puis il y a le lien «historique» que j’évoquais tout à l’heure – et maintenant, oui, Français. J’ai pris la nationalité française, je vote ici et après tant d’années bien sûr, il y a quelque chose de francophone, de français, de parisien en moi. En fait, je constate cela surtout lorsque je suis à l’étranger. Par exemple, s’il y a un match auquel participe la France, c’est toujours elle que je soutiens, même dans un match France-Angleterre.
Geoffrey Oryema Words (Next Music) 2004.
En concert :
1er mai : Trappes (78)
6 mai : Creil (60)
7 mai : Delémont (Suisse)
8 mai: Vitry le F. (51)
28 mai: Cavaillon
3 juin: Lisbonne (Festival Lisboa-Rock in Rio)
26 juin: Monterfil (35)
27 juin: Lézan (30)
9 juillet: Sète (34)
21 juillet: Nice Jazz Festival
22 juillet: Toulon
23 juillet: Casablanca
24 juillet: Cajarc (46)
25 juillet: Paris (La Villette)