Dernière soirée au Printemps
Les artistes français sont rarement au sommet de l’affiche pour la dernière soirée du Printemps de Bourges sous le grand chapiteau: Cypress Hill et L7 en 2000, Baaba Maal et Buju Banton en 2001, Garbage et The Jon Spencer Blues Explosion en 2002, Dionysos – seulement - et Placebo en 2003. Mais, cette année, c’est tout naturellement que Manu Baron et Christophe Davy ont composé une énorme affiche pour l’ultime nuit sous la vaste toile du Phénix: par ordre d’entrée en scène, Cali, Sanseverino, Bashung et Bénabar - addition de talents, addition de succès et surtout addition de publics qui a priori ne risquaient pas de s’exclure mutuellement.
Cali, Sanseverino, Bashung et Bénabar
Les artistes français sont rarement au sommet de l’affiche pour la dernière soirée du Printemps de Bourges sous le grand chapiteau: Cypress Hill et L7 en 2000, Baaba Maal et Buju Banton en 2001, Garbage et The Jon Spencer Blues Explosion en 2002, Dionysos – seulement - et Placebo en 2003. Mais, cette année, c’est tout naturellement que Manu Baron et Christophe Davy ont composé une énorme affiche pour l’ultime nuit sous la vaste toile du Phénix: par ordre d’entrée en scène, Cali, Sanseverino, Bashung et Bénabar - addition de talents, addition de succès et surtout addition de publics qui a priori ne risquaient pas de s’exclure mutuellement.
Evidemment, la soirée était sold out quelques jours après l’ouverture des réservations, trois mois avant le festival, les quatre artistes étant dans l’actualité. Ouvrant la soirée, Cali est porté depuis plusieurs mois par le succès de son single C’est quand le bonheur et de son album L’Amour parfait, paru en août, tout autant que par une tournée intense (douze dates en avril, treize en mai, etc). Sur scène, il apparaît à la fois libéré et unifié. Il y a quelques mois encore, comme au festival des Inrockuptibles, on pouvait le voir hésiter entre une marmoréenne intégrité «indé» et des tentations très variétés dans le rapport avec le public. C’est un Cali métamorphosé que l’on a vu sur la scène du Printemps, expansif et très physique (le métier parle beaucoup d’une soirée où, invité à chanter C’est quand le bonheur en duo avec lui, Mathias Malzieu, le chanteur de Dionysos l’a obligé à se jeter dans la foule du haut de la scène). Manifestement heureux en scène, à l’aise dans ces dimensions (5500 spectateurs), il incarne parfaitement les qualités instinctives de sa génération, nourrie de l’énergie scénique du rock mais très soucieuse d’intelligibilité du texte.
Chanteur amoureux de chanson, il s’amuse à citer, dans Tes désirs font désordre, Ruby Tuesday des Rolling Stones, Walk on the Wild Side de Lou Reed et le tout récent Je m’en vais de Miossec. La dernière marque de jeunesse chez Cali est d’ailleurs de ne pas savoir toujours se déprendre de l’influence flagrante qu’exerce sur lui le chanteur brestois.
Rien de tel avec Sanseverino, qui s’est construit un univers à la fois très enraciné (le swing manouche d’avant-guerre) et totalement contemporain (la puissance d’ironie et l’imagination cavalcadante des textes). Bâti pour les salles de taille «raisonnable», comme il le dit lui-même, son nouveau spectacle (créé peu avant la sortie, début mars, de son deuxième disque, Les Sénégalaises) supporte très bien le vaste espace du Phénix. Et son groupe sans batterie (la rythmique est assurée par une contrebasse et deux guitares) parvient bien à habiter les dimensions du lieu, il est vrai remarquablement sonorisé.
Le spectacle de Bashung, qui est certainement celui qui a fait la plus forte impression sur la presse depuis la rentrée, a déjà connu, quant à lui, les salles de grandes dimensions même si la référence reste des soirées extraordinaires au Bataclan, devant à peine plus d’un millier de spectateurs chaque soir. Et, curieusement, les chansons lentes ou étales ont quelques difficultés à passer, comme Madame rêve. En revanche, les titres les plus abrasifs, qui laissent le champ aux guitares électriques et aux envolées de violon électrifié, habitent avec majesté le Phénix – Osez Joséphine, Faites monter, Elvire. Mais, dans une soirée ainsi partagée, l’usage est de ne pas s’attarder. Devant rester sur scène une heure et quart, Bashung s’attarde, traîne en longueur, chaparde une demi-heure. De la fosse devant la scène monte, aux rappels, la clameur «Bénabar! Bénabar!» Faire envie, chanté en duo amoureux avec son épouse Chloé Mons, en haché de sifflets et de clameurs. Angora et Malaxe, qui finissent le concert, vont encore souffrir de protestations.
Evidemment, le triomphateur – s’il en faut désigner un – est Bénabar, de retour sous le grand chapiteau après un premier passage en 2002. Mais, à l’époque, c’était en ouverture de soirée. Là, son show est celui d’un interprète vigoureusement libre, généreusement fantaisiste, qui sait combien le public le suit et l’aime dans son curieux mélange de dépense physique et de parfaite maîtrise de l’interprétation, autant comique qu’émotionnelle. Triomphe long également: au retard pris par Bashung, il ajoute le sien. Commencée à 19h50 - à l’heure prévue -, la soirée s’achève à 1h45: privilège des festivals de province où le dernier métro n’est pas un souci; roborative fête de la chanson, si prodigue que l’on attend un autre gros samedi l’année prochaine – ce sera le 23 avril 2005.