F Com : dix ans sur scène

F Com, le label pionnier de l’électronica française, fête ses dix ans cette année. Pour marquer le coup, une série de concerts et de sets DJ ont lieu en France, à Paris et à Nice : au programme, les nouveaux venus Think Twice et d’autres pointures de l’écurie F Com, Avril, Alexkid, Frédéric Galliano & The African Divas, Scan X, Llorca, The Youngsters etc.Dans le contexte actuel de ‘crise du disque’, la scène apparaît plus importante que jamais pour exister.
Retrouvez la chronique du dernier album d'Avril.

Le plus international des labels électro français en concert

F Com, le label pionnier de l’électronica française, fête ses dix ans cette année. Pour marquer le coup, une série de concerts et de sets DJ ont lieu en France, à Paris et à Nice : au programme, les nouveaux venus Think Twice et d’autres pointures de l’écurie F Com, Avril, Alexkid, Frédéric Galliano & The African Divas, Scan X, Llorca, The Youngsters etc.Dans le contexte actuel de ‘crise du disque’, la scène apparaît plus importante que jamais pour exister.
Retrouvez la chronique du dernier album d'Avril.

La singularité de F Com depuis 10 ans est d’être le fer de lance des labels de musiques électroniques français à l’étranger avec, notamment, le coup d’éclat du premier album de St Germain (sacré meilleur ‘disque dance’ au Royaume Uni en 1995) et le succès de Laurent Garnier, à la fois comme DJ et comme compositeur d’albums. Comme le dit son slogan, «electronic with no limit», F Com a enrichit son catalogue avec des artistes aux sons très différents: Frédéric Galliano associé aux divas du Mali, Jay Alanski et sa pop électro-analogique, l’électro-jazz de Llorca, la ‘techno mélodique’ des Youngsters etc, et tout récemment le ‘hip hop rock’ des Think Twice.

Ces développements lui ont permis de durer, contrairement à d’autres labels ‘feux de paille’. Mais aujourd’hui la crise est là et F Com cherche un second souffle, à l’export et sur le marché français. Commentaire d’Eric Morand, co-fondateur de F Com avec Laurent Garnier: «Bien sûr, on est touché, tous les labels sur la planète souffrent. L'international reste un élément génétique de F Com et comme tout le monde on se creuse la tête pour trouver une parade à la crise: en résumé, de bon disques à défendre et à développer avec moins d'argent!»

L'électro se meurt, vive l'électro... en concert

Mais les bons disques suffiront-ils? Il y a, au moins en France, un véritable renouveau de la musique vivante. Le public veut du concert, et qui bouge. Les DJs scotchés derrière leurs platines ou les artistes cachés derrière leurs écrans d’ordinateur n’ont pas donné chair à l’électronica en tant que genre. Le traitement électronique des sons existe en fait depuis la fin des années 1940 et il est omniprésent dans une grande partie des productions musicales actuelles. La dance a phagocyté la techno, récupéré les expérimentations sonores des pionniers. Et comme pour compenser le ‘tout numérique, tout électronique’, les instruments acoustiques reviennent en force…

C’est dans ce contexte que le programme du dixième anniversaire propose les traditionnels ‘DJ sets’ mais aussi de vrais concerts pour satisfaire les amateurs de sensations ‘live’, avec des artistes déjà bien rôdés comme Avril, Alexkid, Frédéric Galliano & African Divas et un nouveau groupe: Think Twice. Laurent Garnier, qui a ouvert son jeu récemment en invitant sur scène des musiciens comme Bugge Wesseltoft, fera lui un unique set à Nice, avec d’autres artistes F Com: Jori Hulkonen, Llorca etc. Bon anniversaire!

Jean-François Danis

Le programmede l’anniversaire:
le 29 avril à Paris, à la Cigale : concerts Think Twice, Avril
le 30 avril à Paris, à la Cigale : concerts Alexkid, Frederic Galliano & The African Divas
le 30 avril à Paris, la Boule Noire : DJs: big F melting pot & surprises
8 mai au Nikaia, à Nice: Concerts: The Youngsters, Galliano & African Divas, Scan X; DJs: Max, Rodrigues (djs de Nice), Alexkid + Lissette Alea, Fabrice Lig, Llorca, Gil Le gamin, Jori Hulkkonen, Laurent Garnier.

Avril Members Only

Choisi par F Com pour célébrer ce soir à La Cigale les dix ans du label fondé par Laurent Garnier, Avril est l’un des artistes électroniques à suivre. Musicien complet, cet ex-clubbeur fan de pop comme de jazz livre au même moment Members only, un deuxième album où se bousculent textes racés et samples choisis. Une nouvelle sortie aussi singulière que séduisante, entre ambiances cinématographiques, vignettes sonores et refrains dopés aux beats.

N’en déplaise aux béotiens, qui avaient enterré une French Touch morte-née avec la même ferveur qu’il l’avaient porté au pinacle, la musique électronique ne semble pas être affaire de tendance, d’effet de mode ou d’investissement à court terme. C’est le constat que l’on peut faire à l’écoute de ce deuxième album d’Avril, l’un des nouveaux paris du label Fcom, repéré il y a quatre ans sur la scène rennaise des Transmusicales avant de signer pour l’écurie de Laurent Garnier That horse must be starving, un ovni électro puisant aussi bien son inspiration dans la culture pop que dans les rythmes de synthèse. Un premier essai salué quasi unanimement, lauréat du premier prix Constantin (le Mercury Prize made in France, destiné à récompenser les artiste n’ayant pas encore dépassé le cap des 100 000 albums vendus), et avec lequel le Bordelais de Paris écornait au passage les clichés d’une électro formatée, normalisée et répétitive.

Pop mutante 

Deux ans après ce premier jet porteur de légitimes espoirs, Frédéric -Avril- Magnon persiste dans la voie d’une musique électronique véritablement aventureuse, livrant ici une collection de collages sonores forcément mûrie, toujours plus dense que dance, et qui affine surtout les contours d’un univers obsédant déjà largement esquissé par That horse must be starving -sans pour autant sombrer dans le simple copier-coller. Un nouvel opus à la mesure de son prédécesseur, novateur et riche, naviguant entre des univers interdépendants sans se défaire d’une identité particulièrement marquée. Electro hybride, explorant des structures de chansons «classiques» avant de les détourner à coups de beats tranchants. Pop mutante, nimbant méticuleusement ses rythmiques d’ambiances choisies. Le nouvel Avril, insaisissable voire déroutant à la première écoute, multiplie les pistes pour mieux les brouiller, mais laisse rapidement entrevoir ses subtiles nuances, sa profondeur évidente, et son redoutable pouvoir de suggestion. Evoquant pêle-mêle les recherches électro-pop des primes 80’s -Kraftwerk et Depeche Mode en tête-, les symphonies bruitistes post trip hop des anglais Archive (le chaotique Room), mais aussi les romans de Brett Easton Ellis ou le cinéma de David Fincher, Members only est un recueil foisonnant, qu’il convient néanmoins de ne pas réduire à un catalogue d’influences. Moins fourre-tout inepte que disque composite, ce nouvel opus est paradoxalement aussi hétéroclite que cohérent. Entre trips éthérés (Eve+++++), talk over frénétiques (Tv dinner) et rengaines rock débridée vampirisant les machines (can’t stand your ex’s rock band), Members only multiplie les ambiances, mais reste parfaitement digeste, en plus de faire montre d’une constante fraîcheur.

Une écriture convulsive

Une qualité que l’on doit également aux composantes extra-musicales de l’album, en l’occurrence « de vrais textes électroniques, technologiques, gris acier» comme le suggère F COM par l’entremise de son directeur artistique, Eric Morand. Certes partial, ce dernier souligne néanmoins la singularité d’une écriture convulsive (signée pour l’essentiel de la plume de l’écrivain Patrick Bouvet, auteur de Shot et In Situ), jamais vraiment poseuse et totalement en phase avec son écrin électro. Improbables scénarios lynchiens (Tv dinner), couplets BD futuriste, qu’on croirait sortis du magazine culte Métal Hurlant, les titres de Members only ne marquent pas la énième tentative de mariage chanson-musique électronique, mais bien une rencontre fusionnelle accouchée par les machines, finalement assez bluffante dans sa facilité à imposer son univers imagé, qui mêle textures sonores inspirées et prose new age. Une manière de science fiction musicale, à la fois crue et colorée, séduisante et brute.

Une musique expérimentale stricto sensu, mais qui sait ne pas se faire élitiste, contrairement à ce que suggère le titre de l’album. Electronique par nature, par inclination, et non par destination