Kery James
Le jeune prodige du hip hop underground se lance dans une nouvelle aventure musicale et politique, avec la parution d’un album totalement dédié aux valeurs humanistes de l’islam, Savoir et vivre ensemble. Avec plus d’une trentaine d’artistes français à ses côtés, Kery James, fidèle à lui-même, appelle comme toujours à plus de responsabilité chez ses citoyens français. Entretien.
Un rappeur lance un appel au savoir-vivre
Le jeune prodige du hip hop underground se lance dans une nouvelle aventure musicale et politique, avec la parution d’un album totalement dédié aux valeurs humanistes de l’islam, Savoir et vivre ensemble. Avec plus d’une trentaine d’artistes français à ses côtés, Kery James, fidèle à lui-même, appelle comme toujours à plus de responsabilité chez ses citoyens français. Entretien.
RFI Musique : Votre album porte un titre – Savoir & vivre ensemble – qui laisse un peu songeur…
Kery James : C’est un disque contre la manière dont les médias traitent de l’islam depuis le 11 septembre 2001. Je souhaitais apporter un autre regard sur cette religion à travers des valeurs universelles, reconnues comme étant de bonnes valeurs par n’importe quelle personne censée, des valeurs tels que le respect, la bienfaisance, la générosité et la modestie. C’est pour ça que j’ai réuni des artistes d’origine et de confession différentes autour de ces valeurs universelles. En tant que musulman aujourd’hui, il est rare que je regarde les informations sans que je ne me sente vexé… rare que je regarde une émission qui prétende parler d’islam sans que je ne me sente blessé dans ma foi. Je trouve qu’il y a un amalgame complet entre les musulmans et les fanatiques. Et cet amalgame est très dangereux pour les années à venir, puisqu’on essaie de faire peur aux gens. Et à force de faire peur aux gens, ceux-ci se mettent à haïr. On sait ce que ça donne comme catastrophe dans les sociétés. C’est pour ça que j’ai appelé ce disque Savoir et vivre ensemble. J’essaie d’apporter ma pierre à l’édifice de la paix.
Si amalgame il y a aujourd'hui entre religion et extrémisme, c'est aussi parce certains croyants tendent la perche au journal du vingt heures ? Les attentats, les kamikazes…
Bien sûr. D’ailleurs, je le dis en intro, dès la première plage du disque: «ayant été profondément touché par cette vague de violences aveugles/ qui a et continue de frapper l’humanité dans sa chair/ j’ai cru bon mais surtout nécessaire d’œuvrer pour que soit rétabli la vérité…». Les auteurs de ces actes les ont injustement attribué à l’islam. Je les condamne fermement. Et ce disque en lui-même est un contre-pied à ce que disent les extrémistes, parce c’est de la musique, parce qu’il y a des femmes qui y chantent, parce qu’il y a des gens qui ne sont pas musulmans, qui y sont aux côtés de musulmans, main dans la main…
Vous n’avez pas peur que l’on vous taxe de prosélytisme ?
Je ne crois pas qu’on puisse nous taxer de prosélytisme, puisqu’il y a des gens qui ne sont même pas de confession musulmane sur ce projet – je pense à Kool Shen du groupe NTM par exemple. En tous cas, ça m’a fait extrêmement plaisir que les gens se mobilisent pour ce projet. Le fait qu’ils aient accepté d’y participer, c’est déjà un grand signe d’espoir. Maintenant, il y a des gens qui mènent une campagne contre l’islam. Et le disque intervient pour dire à ces gens-là que l’islam n’est pas une religion de destruction.…
S’afficher musulman devient pour vous une forme de résistance contre le système et contre la façon dont se construit le monde présent et à venir…
Je ne sais pas. En tous cas, c’est sûr que c’est une résistance aux différentes tentations que peut proposer le système. C’est aussi une manière de lutter positivement contre les injustices dont on peut être victime.
D’Haïti dont vous êtes originaire à la France votre terre d’adoption, du hardcore des débuts avec le groupe Ideal J à la musique sous influence religieuse que vous faites aujourd’hui, de la cause noire à la cause musulmane… on peut dire que vous avez un drôle de parcours !
J’ai toujours fait des choix difficiles. A une époque où les gens faisaient un rap à l’eau de rose, je suis arrivé avec des paroles révoltées. Mis à part le projet Savoir & vivre ensemble, qui est un projet vraiment spécifique, ce que je fais en solo est un appel à la responsabilité. Au lieu de m’en prendre uniquement aux failles du système et aux problèmes que l’on peut rencontrer, j’appelle les gens à plus de responsabilité. Avant d’être des artistes, on est tous des êtres humains, donc si on a la possibilité de faire en sorte que les choses aillent mieux, on doit le faire…. Dans la mesure où j’ai les moyens de gagner un peu ma vie, il me semble tout à fait logique d’utiliser cette musique pour transmettre un message. Et puis ce que j’ai dit là - tout fort - dans ce disque, Savoir et vivre ensemble, je crois qu’il y a beaucoup de gens qui le pensent mais qui n’ont pas l’occasion de l’exprimer…
Kery James Savoir & vivre ensemble (Savoir & Tolérence/ Naïve) 2004
Featurings de Rohff, Passi, Diam’s et de Diziz la Peste.