NUTTEA

Fidèle à la formule musicale qui lui a permis de se faire connaître du grand public en 2001 après dix ans de carrière avec l’album Un signe du temps, Nuttea continue à jouer sur plusieurs tableaux dans Urban Voodoo, partagé entre le monde du reggae et celui du rap.

Urban Voodoo

Fidèle à la formule musicale qui lui a permis de se faire connaître du grand public en 2001 après dix ans de carrière avec l’album Un signe du temps, Nuttea continue à jouer sur plusieurs tableaux dans Urban Voodoo, partagé entre le monde du reggae et celui du rap.

"Nos grands-mères ne vont pas se mettre à écouter du dancehall du jour au lendemain". Face au succès commercial que connaît depuis peu la forme contemporaine du reggae en France, Nuttea tient à rester lucide, même si le fan de musique jamaïcaine en lui se félicite d’assister à un tel phénomène: "C’est bien qu’il y ait Sean Paul et qu’on entende par exemple le riddim Diwali (le nom de l’instrumental utilisé entre autres pour Get Busy, ndr) sur les ondes de NRJ. On m’aurait dit ça il y a quatre ans, je n’y aurais pas cru. Maintenant, quand on parle de dancehall, on a moins l’air d’extra-terrestres". À juste titre, il peut se targuer d’avoir initié ce qu’il considère comme une mode en accrochant l’attention du public avec Elle te rend dingue (Poom Poom Short en 2001. Et c’est aussi avec cette chanson que Nuttea a commencé à se faire un nom, enchaînant plusieurs tubes tels que Trop Peu de Temps, Unité ou Couvre-là en duo avec UB40, tous extraits de son troisième album Un signe du temps. Au total, près de deux millions de singles vendus, le record pour un artiste de reggae français.

De quoi faire naître une certaine pression pour l’album suivant: "Elle est là au début, quand on commence à écrire. On ne sait pas si on va trouver l’inspiration, et puis, séance après séance, elle diminue, parce qu’on ne pense plus pression, on pense musique", reconnaît l’artiste. Les premières idées d’Urban Voodoo, son nouveau disque, lui viennent pendant qu’il parcourre la France pour se produire en concert. Ce que lui renvoie le public le fait réfléchir, lui permet de mieux apprécier l’impact de ses chansons. Entre l’envie de poursuivre dans certaines directions musicales déjà explorées, et la volonté sincère de ne jamais céder à un quelconque formatage, le chemin est des plus étroits. Si ressemblance il y a entre ses nouveaux morceaux et ceux présents sur Un signe du temps, Nuttea y voit une certaine logique: "Il y a forcément du chant et du toast (sorte de rap pratiqué par les deejays jamaïcains, ndr) dans mon dernier album, mais ce n’est pas pour reproduire ce que j’ai fait. Cette formule, c’est le personnage Nuttea, donc je n’en démordrai pas".

Dans l’univers des sound systems parisiens qu’il a fréquenté dès la fin des années 80 et qu’il a marqué de son empreinte, il s’est d’abord fait remarqué par ses capacités de toaster, laminant ses adversaires au cours de clashs qui sont entrés dans l’histoire du reggae français. Prenant exemple sur ses modèles jamaïcains, il dégaine ses mots comme des couteaux et évolue dans un monde de rudeboys prêts à en découdre. Mais l’image du mauvais garçon dont il s’est affublé pendant de nombreuses années et dont témoigne son nom de scène (de l’anglais nuttee, cinglé) est loin de refléter de sa personnalité. Aux dires de ceux qui l’ont alors côtoyé, il serait plutôt un lover, un playboy toujours élégant, soucieux de plaire. "J’ai toujours eu un peu plus de respect pour les filles que mes collègues de l’époque", admet-il aujourd’hui.

Vrai tendre et faux dur, toaster par culture et chanteur par nature, nourri au son jamaïcain mais appartenant à la génération hip hop, Nuttea se plait une nouvelle fois à faire le grand écart et passer d’un rôle à l’autre. Ces univers dans lesquels il évolue, ils se reflètent à travers la liste des invités qui l’accompagnent en duo sur son nouveau disque. On y retrouve entre autres le crooner jamaïcain Beres Hammond, dont il a toujours été un inconditionnel, et le rappeur Oxmo Pucino qui l’impressionne par sa capacité à "aborder les mêmes sujets que tout le monde mais réussir à en parler totalement différemment".

Enregistré à paris, Urban Voodoo est un album conçu à deux. Très peu d’intervenants y ont participé. La raison ? Handel Tucker, la “moitié” artistique de Nuttea qui s’est fait connaître en produisant les Fugees, ne sait pas seulement composer et mixer, ce Jamaïcain est également un homme orchestre. "Ce mec-là, c’est de l’or en barre", dit à son sujet le Français qui a tenu à reformer avec lui l’équipe gagnante d’Un signe du temps. "Pourtant, au tout début, ce n’était pas aussi facile que ça: il avait ses envies, j’avais les miennes. Et depuis, on a réussi à créer une osmose. Il sait ce que je veux, et je sais ce qu’il est capable de faire" précise-t-il. De cette collaboration qu’il affectionne particulièrement, comme de celles qui ont jalonné sa carrière auparavant, il a su tirer les bénéfices pour progresser dans certains domaines : "Maintenant, quand je cherche une mélodie, je ne cherche plus dans mes disques de reggae, j’essaie de la trouver dans ma tête. Je crois que c’est l’évolution d’un artiste: au début on s’identifie, on se prend pour Dennis Brown, pour Ninjaman, puis on se prend pour soi-même".

Nuttea Urban Voodoo (Delabel/Virgin) 2004