VU D’AILLEURS juillet 04
La tradition prend un coup de jeune. Passés les effets de mode des années 80 et 90, la chanson française revient en force grâce à Arthur H, Bénabar, Vincent Delerm, Paris Combo et consorts.
La chanson reprend du galon
La tradition prend un coup de jeune. Passés les effets de mode des années 80 et 90, la chanson française revient en force grâce à Arthur H, Bénabar, Vincent Delerm, Paris Combo et consorts.
"Il y a encore beaucoup de pays francophones mais le Français n’est presque jamais entendu". Ainsi s’exprimait Arthur H dans le Saint Petersburg Times (Russie, 11/6), résumant parfaitement le paradoxe de la jeune chanson française, de nouveau respectée à l’étranger mais toujours très peu consommée. Signe des temps? Le réseau radiophonique américain NPR consacrait même, le 12 juin dernier, une émission complète à son "renouveau", ces Bénabar, Sanseverino et autres Vincent Delerm "qui ne miment plus la musique anglo-saxonne dans l’espoir de la dépasser". Chez le voisin canadien, certes au Québec, Le Devoir (5-6/6) prévient: "Le film de l’année est un disque de Vincent Delerm". "Je sais, les mélodies révèlent ici leurs limites plus crûment que sur l’éponyme premier disque, malgré la réalisation plus que brillante et les arrangements de cordes et de cuivres plus que somptueux de Cyrille Wambergue. Je sais, Vincent Delerm a le registre vocal plus étroit que les hanches de Marie Laforêt. M’en fiche parce que j’aime trop comment ce type écrit. Cette manière hyper-référentielle qu’il a de décrire les petits riens et les grands drames de la vie, aussi efficace dans ses chansons que le paternel Philippe Delerm dans ses romans, je m’en nourris à la petite cuiller".
"Elle vient de Belgique, vit à New York et se trouve à Adélaïde pour chanter en français", s’amuse le Sunday Mail (11/6). Qui est-elle? Micheline Van Hautem et son groupe multiethnique Mich en Scène ressuscitent à l’autre bout du monde les chansons de Jacques Brel pour les heureux spectateurs du Cabaret Festival. "Nous avons débuté en trio", explique-t-elle. "Nous avons fait quelques concerts pour le 20ème anniversaire de la mort de Jacques Brel, en 1998". Pour leur venue en Australie, Mich en Scène ne s’est permis qu’une concession. "Ici, nous allons introduire un peu d’anglais dans le spectacle, juste par pitié pour notre public!". Le Cabaret Festival d’Adélaïde a décidément fait la part belle à la francophonie. Après Mich en Scène en ouverture, c’était au tour du groupe Paris Combo, en clôture cette fois-ci. "Certains groupes sont si uniformément accomplis que vous ne réalisez pas à quel point ils sont bons", s’emballe The Australian (25/6). Malgré plusieurs tournées aux Etats-Unis, ici, "Paris Combo n’est pas bien connu du public". Malgré tout, la "fraîcheur" de Belle du Berry et la musique qui semble s’articuler "sans effort" ont assuré à Paris Combo un joli succès.
Les plus jeunes préfèreront Diam’s (rap) ou Dolly (rock). Ces derniers ont récemment sorti leur quatrième album, Tous des stars (East West), et étaient le mois dernier en Suisse pour deux concerts, l’un sur la Grand Scène du Caribana Festival, l’autre lors du Festival international de la bande dessinée, à Sierre. "Avec le temps, on réussit à mieux maîtriser les deux aspects d’une vie de groupe: se faire plaisir en studio autant qu’en live, sans que l’un soit subordonné à l’autre", confiait Nicolas Bonnière (24 Heures, 1/6). "Les PC ont redéfini notre façon de composer. Avant, on jammait beaucoup et nous construisions une chanson à travers un riff trouvé ensemble. Là, de nombreux titres ont été façonnés pièce par pièce sur mon ordinateur, au fil des tournées". A l’arrivée, "avec un album sans les gimmicks du jeunisme, Dolly s’avance ainsi dans l’âge adulte, ainsi que dans un paysage hexagonal où le renouveau rock, tristement adoubé par les récentes Victoires de la musique, passe aussi par l’opportunisme préfabriqué de boys band à mèche rebelle bien comme il faut".
Non loin de là, en Belgique, la rappeuse franco-chypriote Diam’s "a réveillé" le festival Couleur Café à Bruxelles. A quelques semaines des élections régionales belges, "Diam’s ne s’est pas gênée pour dire tout le mal qu’elle pensait des partis extrémistes", selon La Dernière Heure (27/6), et a "invectivé son très jeune public – conquis d’avance par la question – à voter contre les extrêmes en adaptant l’une des chansons de son album à la sauce belge en hurlant: “J’emmerde le Vlaams Blok“ à tue-tête. (…) Elle dédiait ensuite une autre de ses chansons à la fille de Jean-Marie Le Pen. Dédier est un grand mot. Diam’s ne sera jamais copine avec Marine. Du moins, c’est elle qui le dit: “J’ai adressé une lettre à la fille de Jean-Marie Le Pen. Si les gros des partis extrémistes belges ont des filles, cette lettre est pour eux!“."
En France, tout finit en chansons – et parfois aussi en contestations! Expert en la matière, le troubadour punk/world Manu Chao était "au Brésil à l’invitation du ministre de la Culture Gilberto Gil", rapporte le journal chilien La Tercera (27/6), à l’occasion du Forum Cultural Mundial. "J’ai eu beaucoup de problèmes dans l’Italie de Berlusconi", a-t-il concédé en marge du Forum, repris par Meridiano (Venezuela, 28/6). "A chaque fois que je vais en Italie, il y a beaucoup de pression policière autour de mes concerts et une intention déclarée du gouvernement de dire, à travers la presse qui le soutient, que mes shows et mon public sont négatifs pour le pays". Parano? En Espagne, ce n’est pas mieux! "Le gouvernement de l’ex-premier ministre José Maria Aznar nous a traité, moi et tous les musiciens de Radio Bemba (son groupe actuel) comme des terroristes – une attitude totalement politique, pour discréditer tous ceux qui pensent comme nous". Mais le clou du séjour au pays du roi Pelé de l’ancien leader de la Mano Negra fut sans conteste le concert d’ouverture du Forum, donné à Sao Paulo devant "un public de 60.000 personnes". "Sao Paulo a déliré avec les musiques de Manu Chao et Gilberto Gil", résume La Prensa (Panama, 29/6). "Manu Chao a mélangé les succès de son CD Clandestino avec de nouvelles chansons enregistrées avec son groupe", avant qu’il ne soit rejoint sur scène par Gilberto Gil en personne pour une inoubliable reprise de Bob Marley, Them Belly Full (But We Hungry).