LES TEMPS CHAUDS 2004

On peut avoir sept ou dix ans, admirer Lorie et Jennifer ou la Star Ac’, mais néanmoins trouver du plaisir à chanter en dioula.

Le festival fait chanter le monde aux enfants

On peut avoir sept ou dix ans, admirer Lorie et Jennifer ou la Star Ac’, mais néanmoins trouver du plaisir à chanter en dioula.

Tous confient le plaisir qu'ils y ont pris. Une année précédente, Sally Nyolo, née au Cameroun, a fait chanter les plus jeunes dans sa langue natale, l'eton, une mélodie basée sur le bikutsi, rythme inventé par les femmes betis, son ethnie. Le ton n'était pas toujours juste, les voix s'égaraient dans la complexité rythmique mais chacun y mettait son coeur. "Ils sont formidables et m'ont donné un grand bonheur", confiait alors la chanteuse, se rappelant qu'autrefois elle vivait au quotidien ces moments de partage entre adultes et enfants. Même satisfaction chez le tambourinaire guadeloupéen Klod Kiavue, cofondateur, avec Philippe Makaïa et le guitariste Franck Currier, du groupe de gwo ka "Wopso". "C'est une chance d'amener notre musique dans des régions qui n'y ont pas accès. Je me suis aperçu que les gamins avaient ici une vision des Antilles très loin de la réalité. En revanche, ils sont beaucoup plus réceptifs que ceux de la région parisienne, ils connaissent le silence". "Le Fil de l’Air" a déjà produit 40 chansons du monde que l’on peut retrouver sur disques (collection "Au fil de l’air", distribuée par L’Autre Distribution). Cette année, après les enfants de Bourg-en-Bresse, ce seront ceux de la commune de Bellignat qui vont goûter aux frissons du trac et des applaudissements, en interprétant le 18 juillet à Condeissiat, autre bourgade charmante du coin, une morna du Capverdien Teofilo Chantre, à l’affiche ce soir là, avec le groupe réunionnais Salem Tradition.

Voir l'enthousiasme des gosses réunis le soir du 2 juillet à Neuville Les Dames, sur la petite place entre l’église et l’école, suffit à convaincre, à rassurer aussi les parents qui douteraient des goûts musicaux de leur progéniture. Accompagnés par les percussions trépidantes du groupe burkinabé Djiguiya et L’Eléfanfare, un ensemble de cuivres de la région, le choeur des minots de l’école St-Exupéry de Bourg-en-Bresse ouvre l’édition 2004 des "Temps Chauds", un festival ambulant qui chaque été depuis plus de dix ans enchante les villages de l'Ain grâce aux musiques du monde. Comme leurs copains des écoles d’autres communes du département, ils ont, tout au long de l’année, participé au projet "Au Fil de l’Air – Musiques du Monde à l’école". "Avec cette opération, nous voulons détourner les artistes pour prolonger l'histoire, aller dans une démarche de création partagée avec des enfants" déclare Françoise Cartade, directrice artistique du festival. Encadrés par des musiciens de la région intervenant dans leurs classes, les enfants apprennent à chanter des couleurs et des rythmes d'ailleurs, dans une autre langue que la leur. Celle des artistes amis programmés aux Temps Chauds qui composent un titre original spécialement pour l’occasion.

Aux Temps Chauds, sandwiches et merguez sont interdits de séjour. Avant chaque spectacle, le public peut déguster les "assiettes gourmandes" dont le contenu s'accorde à la programmation du soir. Aujourd’hui à Neuville les Dames, qui reçoit, outre Djiguiya, les Sud-Africains Dizu Plaatjes et Ibuyambo Ensemble, puis les deux compères Ray Lema et Manu Dibango, au menu, spécialités "afro-bressanes", entrées, plats et desserts d’ailleurs ou d’ici: potage congolais, assiette lyonnaise, maffé de bœuf, crêpe à la banane, crumble à l’ananas frais, mousse d’avocat, tarte au fromage, yassa de volaille, gratin de mangues et clafoutis aux cerises. Pour faire couler toutes ces gourmandises préparées par l’équipe de bénévoles des Temps Chauds, les amateurs de vin ont le choix entre des nectars de la région ou d’Afrique du Sud. Attablée au coude à coude, toute la population du village semble s’être donné ici rendez-vous pour festoyer avant d’aller s’installer sur les chaises disposées devant la scène où les artistes vedettes du jour vont se produire. Les gosses, une fois terminée leur prestation avec Djiguiya et L’Eléfanfare vont avaler rapidement un quelconque minimum. Pour eux, l’essentiel est ailleurs: se masser devant la scène pour danser et accompagner de leurs mains d’autres copains musiciens. On repart de là avec en tête la tentation de croire à l'utopie d'un monde où les enfants apprendraient aux adultes à devenir grand, disponibles pour l'échange et la découverte.

Festival "Les Temps Chauds", département de l’Ain, jusqu’au 24 juillet. Tél.: 04 74 22 25 41.

Prochain concerts: Amestoy Trio, Katia Guerreiro, Teofilo Chantre, Salem Tradition, Goran Bregovic, Debora Russ, Gustavo Gancedo, Fernando Maguna, Luzmila Carpio, Batata Heritage, Ensemble Kaboul, les Bauls du Bengale, Thierry "Titi" Robin, Kek Lang, Orchestre National de Cornemuses de Lyon.