Syd Matters à Londres

L’Angleterre est la terre d’élection de Syd Matters. Le musicien français et son groupe jouaient pour la première fois à Londres le 5 juillet au club Infinity, dans le cadre du Festival Exposé, et le 6 au 12 Bar. Syd Matters, annoncé par la presse musicale anglaise, a fait face avec grâce à un public exigeant.

Concert réussi pour le groupe français anglophone

L’Angleterre est la terre d’élection de Syd Matters. Le musicien français et son groupe jouaient pour la première fois à Londres le 5 juillet au club Infinity, dans le cadre du Festival Exposé, et le 6 au 12 Bar. Syd Matters, annoncé par la presse musicale anglaise, a fait face avec grâce à un public exigeant.

Syd Matters donne ce 5 juillet son premier concert dans le cadre du Festival Exposé. Ce festival créé par deux Anglais friands de musique«frenchy», Sian Mc Lusky et Jane Third , propose cette année - avec l’aide du French Music Bureau - un «Exposé du nouveau rock’n’roll français» avec, outre Syd Matters, Barth, Steeple Remove, Boy From Brazil.

Pour un musicien qui se réfère explicitement à la musique anglaise (Nick Drake, Robert Wyatt, Pink Floyd) et qui compose dans la langue de Shakespeare, donner son premier concert outre–Manche relève du baptême du feu. Le défi est d’autant plus grand que le lundi soir nombre de Londoniens préfèrent rester chez eux.Mais Syd Matters - pseudonyme d’un jeune musicien encore inconnu en France il y a deux ans - a été adoubé par le grand magazine musical anglais Mojo, qui lui a consacré un article. Les Anglais ont un flair unique pour dénicher les nouveaux talents et ils sont finalement nombreux ceux qui se sont déplacés ce soir par instinct, sentant l’occasion à ne pas rater, alors qu’ils n’ont probablement jamais entendu son premier album A whisper and a sigh, qui vient de sortir au Royaume-Uni chez V2. Hormis un petit groupe de fans français, on trouve à l’Infinity le public-type d’une bonne salle londonienne: d’âge varié, très international, curieux et connaisseur.

Le début du concert s’avère pourtant laborieux. L’artiste et son groupe, qui ouvrent le Festival, sont étrangement présentés comme une sorte d’apéritif dans le programme: «pour les cocktails et canapés du début de soirée». Du coup, l’audience est encore à peine de vingt personnes sur le coup de neuf heures. Syd Matters descend alors de scène, pour attendre le public avec une bière. Bien vu: un quart d’heure après, la salle est presque comble. «C’est le meilleur groupe français du moment», s’enthousiasme Maigué, jeune étudiant qui sort juste de cours et a emmené ses camarades. Je les ai découvert à la Route du Rock* l’année dernière. Depuis, je les suis partout».

Bien des choses se sont passées pour Syd Matters depuis ses débuts il y a quatre ans: premiers enregistrements en solo et une démo, Célesta, remarquée par le magazine Magic! qui lui permet de signer sur le label français Third Side Records. Lauréat du concours CQFD 2002 des Inrockuptibles, Syd Matters est propulsé «groupe le plus prometteur de l’année». Depuis, les concerts s’enchaînent en France et à l’étranger. A l’origine, Syd Matters n’est pourtant pas un ‘musicien de scène’, comme il l’explique sur son site : «Je n'ai pas envie de composer en me disant qu'il faut que ça fonctionne sur scène, je ne crois pas que ce soit la solution. J'ai plutôt envie de travailler la scène pour que ça colle avec l'album, au lieu de jouer sur l’énergie et sur les choses les plus évidentes pour que le public fasse attention à moi».

De fait, certains spectateurs ne prêtent d’abord qu’une oreille distraite à ces musiciens presque effacés, qui semblent peiner à trouver leurs marques. Mais c’est précisément de cette pudeur que vient la force de Syd Matters, ce refus d’utiliser les artifices du ‘live’ pour mieux laisser se développer, petit à petit, sa musique. On entre dans son univers musical lentement, pas à pas, comme cette plante représentée sur la pochette de l’album, qui se déplie délicatement.

Cette méthode patiente se révèle à merveille sur Dead Machine : en retrait, presque invisible derrière sa batterie, Syd commence par laisser ses musiciens s’exprimer un à un avant d’entrer dans le jeu, chef d’orchestre dirigeant discrètement l’ensemble de ses baguettes, tandis que sa voix s’envole en de lentes mélopées. «Syd Matters, sur scène, c'est vraiment "nous", le groupe, pas juste moi», précise-t-il sur son site. C’est de là que naît ce ‘nouveau style’ que Syd Matters innove dans la pop : un mélange délicat de basse folk, de rythmique pop et d’arrangements électroniques subtils. «Je suis heureux d’être à Londres, c’est mon premier concert ici», dit simplement le chanteur. S’il ne fait pas de rappel, pour laisser la place au groupe suivant et garder un peu d’énergie pour le lendemain où il joue, cette fois–ci en exclusivité, au 12 Bar de Soho, Syd Matters a clairement réussi son examen d’entrée en terre anglaise. «J'ai peut-être une image faussée de l'Angleterre et des USA, mais j'ai l'impression que là-bas, faire de la musique. c'est prendre un parti. En France, ça reste souvent un loisir». Il ne s’est donc pas trompé dans son choix, lui qui est apprécié ici pour son professionnalisme et sa maturité musicale. Syd Matters s’est imposé ce soir comme l’une des valeurs musicales françaises les plus prometteuses à l’étranger.

Yann Perreau

*Route du rock: festival de musique qui a lieu à Saint Malo, France (13, 14, 15 août 2004)