Jaojoby au festival de Thau
La 14ème édition du festival de Thau s’est déroulée du 9 au 18 juillet dans les communes bordant l’étang de Thau. Eusebe Jaojoby, qui a sorti son cinquième opus, Malagasy, y achevait une longue tournée française de deux mois avant de s’envoler pour le Canada et les Etats-Unis.
Le roi du salegy en France
La 14ème édition du festival de Thau s’est déroulée du 9 au 18 juillet dans les communes bordant l’étang de Thau. Eusebe Jaojoby, qui a sorti son cinquième opus, Malagasy, y achevait une longue tournée française de deux mois avant de s’envoler pour le Canada et les Etats-Unis.
Défendre le multiculturalisme de la France d’aujourd’hui dans une région où le Front national est fortement implanté. C’est le défi que s’est lancé Monique Teyssier et son équipe pour faire de ces voyages musicaux et métissés, de belles escales dans les petites cités maritimes situées autour de cette mer intérieure, séparée de la Méditerranée par une longue bande de terre. Au bord de l’étang de Thau, à une trentaine de kilomètres de Montpellier, ce festival à dimension humaine, convivial et familial, s’est déroulé dans une ambiance de guinguettes de bord de mer. Les ostréiculteurs de Bouzigue et les producteurs de vin de Picpoul se sont donnés rendez-vous dans l’enceinte du festival, au bord du petit port de Mèze.Les guirlandes multicolores donnent un côté rétro à la scène. Dans ce décor festif, à quelques dizaines de mètres des barques de pêcheurs, Malouma, Raul Paz, Idir, Frédéric Galliano et ses African Divas, Ba Cissoko, Miossec, Salem Tradition et Jaojoby étaient à l’affiche. L’occasion de rencontrer le roi du salegy avant son départ pour les Amériques.
RFI Musique : Votre nouvel album a été enregistré à La Réunion, dans des conditions de live? Pourquoi?
Jaojoby : C’est mon producteur, Christian Mousset, qui a voulu enregistrer là-bas. C’est la Petite France de l’Océan Indien. Il y a de bons studios, du bon matériel. Chez nous, à Madagascar, nous n’avons pas tout cela. Et c’est moins coûteux d’y venir enregistrer, qu’à Paris ou Amiens, comme nous l’avions fait pour les albums précédents. De plus, en studio, je ne me sens jamais à l’aise et ces conditions de semi-live me conviennent parfaitement. Nous sommes allés avec mon groupe au Bato Fou, à Saint Pierre, et y avons passé trois soirées pour y enregistrer l’album devant un public d’amis.
Cet album Malagasy est en quelque sorte un hommage à la Grande Ile…
Tout à fait. D’ailleurs, après les problèmes politiques que nous avons connus ces dernières années, je me devais de rendre hommage à tous ces hommes qui se sont battus pour la démocratie. J’ai fait ma part de travail dans les moments difficiles pour soutenir notre actuel président, Marc Ravolomana, mais désormais je ne veux plus me mettre en avant. Dans le titre éponyme de l’album, Malagasy, j’invite tous mes compatriotes à garder confiance dans l’avenir. Ils doivent lutter pour améliorer leur cadre de vie et contribuer au redressement du pays.
Et vous avez épicé l’album des saveurs de la Réunion …
J’ai tenu à inviter des artistes réunionnais comme ce grand monsieur qu’est Granmoun Lélé, créateur du maloya, qui est venu jouer avec sa femme et son fils sur Mahore, un titre qui célèbre l’amitié entre nos peuples de l’Océan Indien.
Votre groupe est une redoutable machine d’efficacité. Et la moitié de ses membres font partie de votre famille.
C’est exact. Excepté la section rythmique –basse, guitare rythmique, batterie- et le second chanteur, tous les autres membres du groupe font partis de ma famille. Il y a ma femme Claudine, mes deux filles Eusebia et Roseliane ainsi qu’Elie mon fils, à la guitare. C’est très important pour moi de les avoir avec moi en tournée. Vous voyez, nous tournons actuellement trois mois à l’étranger, et c’est tout de même plus agréable d’être entouré des siens sur scène. Et lorsque nous sommes à Madagascar, il n’y a pas un mois où nous n’avons pas de spectacles. Pour moi, c’est joindre l’utile à l’agréable.
A l’étranger, vous semblez parfois perçus comme un groupe de rock. Le salegyen est-il si proche ?
Nous avons dû électrifier notre musique pour satisfaire la soif de décibels, pour pousser les gens à danser. Donc les amateurs de pop music, de rock, aiment le salegy. On a joué une fois dans un club en Allemagne. Eh bien les skinheads allemands ont dansé comme des fous avec nous sur scène. On a vu partout où l’on passe que le public apprécie notre musique. On ne laisse jamais indifférent, que ce soit en Europe, aux Etats-Unis, en Afrique ou en Asie.
N’y a t il pas malgré tout un problème de compréhension de la langue malgache pour rendre vraiment ce rythme populaire à l’étranger…
C’est effectivement notre seul handicap. J’ai beau résumer de ce que je vais chanter avant chaque morceau. Mais si le public pouvait réellement comprendre ce que je chante, ce serait mieux. Je suis en train de voir avec mon producteur si pour mon prochain album, je ne pourrais pas chanter en français ou en anglais.
En fin de compte, les festivals sont pour vous un moyen de gagner votre vie ou de faire du tourisme?
C’est du travail avant tout. Et du tourisme par la même occasion. Mais ce sont surtout des occasions pour le partage et la compréhension entre les peuples. Je milite spécialement en ce sens. Dans l’album, il y a un morceau, Tany Tsaratsara, qui veut dire Un monde meilleur. J’y chante la paix, l’amour, la tolérance, le respect. Des valeurs dont nous avons besoin au vu des conflits qui existent actuellement. Si les artistes s’engagent sur cette voie, je crois que cela finira par porter ses fruits.
Jaojoby Malagasy (Marabi-Harmonia Mundi) 2004