Liboma Minghi

Certains n’ont pas attendu l’arrivée de poubelles aux couvercles multicolores pour se lancer dans le recyclage. Depuis 1999, Jean-Louis Mechali et ses acolytes forment les Urbs, spécialistes du détournement musical d’objets usuels. Leurs tribulations les ont emmenés au Congo (R.D.C.) afin de collaborer avec un groupe local Bebson de La Rue. Le fruit de cette rencontre sort sous la forme d’un CD live intitulé Liboma Minghi ou comment faire rimer métissage et recyclage.

Entre métissage et recyclage

Certains n’ont pas attendu l’arrivée de poubelles aux couvercles multicolores pour se lancer dans le recyclage. Depuis 1999, Jean-Louis Mechali et ses acolytes forment les Urbs, spécialistes du détournement musical d’objets usuels. Leurs tribulations les ont emmenés au Congo (R.D.C.) afin de collaborer avec un groupe local Bebson de La Rue. Le fruit de cette rencontre sort sous la forme d’un CD live intitulé Liboma Minghi ou comment faire rimer métissage et recyclage.

Jean Louis Mechali, professeur de batterie et compositeur, se présente comme un artisan des métiers de la musique. Son obsession, rendre la musique accessible au plus grand nombre. Avec deux complices, Alain Guazzelli et Paco Sanchez, musiciens-luthiers – constructeurs, ils créent des instruments avec des tubes pvc, des morceaux de bois, des fûts, de la tôle, des couvercles, de la ferraille … Ils montent l'association la Lutherie Urbaine, les Urbs (habitants de la ville), le groupe et Métal Satin, le label. Jean-Louis écrit un répertoire pour toute cette panoplie de bric et de broc. Avec ses acolytes, ils pilotent un projet pédagogique en 99 avec des enfants et des adolescents issus des classes spécialisés à Anthony et Bagnolet. Cette expérience, riche de possibilités concrètes acquiert l'adhésion populaire.

Les premiers publics de la région parisienne découvrent avec bonheur une formule d'artistes musiciens étonnants avec des instruments inédits. Les Urbs sont une "entreprise" musicale pour transformer, produire, créer et diffuser. Avec le soutien du Conseil Général du département de Seine-St-Denis et de l'Association Française de l'Action Artistique (A.F.A.A), depuis 2002 , ils confrontent leur expérience en Afrique, en la République démocratique du Congo (R.D.C), au Mozambique et au Maroc.

C'est à Kinshasa que la création Liboma minghi (en Lingala, très très fou) ouvre le parcours du projet ''Les Urbs et l'Afrique", une aventure que Jean-Louis Méchali résume en trois points : "Envisager sur plusieurs années en Afrique, un projet d'échanges artistiques en liaison et autour de créations écrites pour des instruments conçus et réalisés avec des matériaux recyclés. Envie d'écrire des musiques pour des sons nouveaux. Envie d'échanger avec des cultures où l'identité globale du musicien et du luthier demeure vivante." D'avril à novembre 2002, les Urbs résident et travaillent avec dix-sept musiciens congolais dans la capitale de la rumba. Les partenaires viennent de partout, de l'Institut National des Arts et du fond des quartiers. Il y a des musiciens amateurs et des professionnels et surtout Bebson de La Rue et son chanteur Pisco Krane.

Le chantier fourmille comme sur un marché de troc. Les idées s'échangent, se démontent, se restructurent et se peaufinent. Les imaginaires différents se complètent. "Comme les balafons d'Afrique, nous en avons fabriqué un mais avec du parquet que nous avons récupéré sur les chantiers". Les objets-déchets collectés en Seine-Saint-Denis et à Kinshasa se rencontrent et se mélangent. Les uns découvrent les techniques de construction d'instruments des autres, chacun se nourrit des trucs et astuces de l'ensemble. "Pour le système d'attache de nos claviers, nous on avait des rondelles en caoutchouc, les Congolais avaient des lianes et ça fonctionnait mieux que ce que nous on faisait."

La musique qui sort de ce chaudron n'est ni française ni congolaise. Elle est multichrome, sourde, stridente, cuivrée, festive et sous-tend la voix tantôt écorchée tantôt mélodieuse des Congolais Bebson de la Rue. Elle raconte dans le mode rap ou ragga leur mélange "café au lait" (Kafé na Miliki). Elle exprime l'urbanité d'ici et de là-bas avec des arrangements aux accents jazzy . Au final un album (Liboma Minghi) de dix titres et un pot pourri enregistré live à la Halle de la Gombe à Kinshasa en 2002 et à Bobigny en 2003. Depuis, le spectacle tourne dans les festivals partout en France.

En 2003, le projet se poursuit à Maputo et Matola au Mozambique pour la création de Es Muito Loco que suivra Nhanssala (vraiment cinglé, en portugais et en dialecte local). Vingt musiciens mozambicains et les Urbs se mélangent et s'interpellent, toujours dans une atmosphère communautaire et par la création collective. Ils construisent une musique plurielle traduisant les pulsions de la cité. Une musique empreinte de lusophonie et de francophonie. L'album de cette autre expérience sortira à l'automne 2004. "J'ai, dit J.L.M, écrit une musique mélodique, syncopée et très chantante. Toujours avec le désir de composer en pensant aux gens avec lesquels les Urbs et moi auront le plaisir de partager cette musique. En R.D.C comme au Mozambique, partout, on s'est appris des tonnes de trucs. C'était une initiation mutuelle…"