François Hadji-Lazaro boit écolo

Le gros François, l’emblème d’un rock et d’une chanson indépendante soutenue à bout de bras par son défunt label : Boucherie Production. Le leader de Pigalle, des Garçons Bouchers et consorts ne se consacre plus qu’à son oeuvre personnelle en sortant un nouvel album Contre courant. Un disque inspiré, drôle et efficace.

A Contre courant

Le gros François, l’emblème d’un rock et d’une chanson indépendante soutenue à bout de bras par son défunt label : Boucherie Production. Le leader de Pigalle, des Garçons Bouchers et consorts ne se consacre plus qu’à son oeuvre personnelle en sortant un nouvel album Contre courant. Un disque inspiré, drôle et efficace.

Votre album s’intitule A Contre courant. A contre courant de quoi ? Disons que plus que jamais et au fur et à mesure que la musique du monde se développe et devient de plus en plus accessible, je ne trouve pas que cela apporte une véritable évolution du public dans le choix qu’il fait des artistes. Un public qui est contraint de suivre les choix des grands médias télé radio. Ce sont toujours les mêmes styles bien précis qui sont mis en avant. Or moi, je n’ai pas de style bien précis, ni musicalement, ni dans les textes. Ce que je fais devient une sorte de contre courant alors que j’aimerais bien que tout le monde parte dans tous les sens, dans tous les courants.

Vous ouvrez cet album sur une chanson un peu absurde Le bateau-phare et le bathyscaphe, on ne peut s’empêcher de penser au Rendez-vous du soleil et de la lune de Trenet ou de certains textes de l’écrivain Roland Topor.
Je fais des textes revendicatifs, corrosifs ou violents et d’autres textes qui s’approchent plus de la chanson réaliste avec des personnages bien précis. Ici, j’ai cherché une histoire plus proche de l’absurde qui peut effectivement faire penser à des écrivains comme Roland Topor avec lequel j’étais fort ami. C’est une histoire d’amour impossible entre un bateau-phare et un bathyscaphe, les deux navires sont barrés par des jumeaux devenus ennemis, et donc le bathyscaphe et le bateau-phare ne s’aimeront jamais que d’un amour lointain. Ils ne pourront jamais se marier devant la bouée Pierre.

Avec ce titre ou des chansons d’amour comme Elle m’avait dit, on perçoit que vous avez cherché des climats plus intimistes, plus dépouillés que sur vos albums solos précédents.
Contrairement à ce que pourraient croire certaines personnes, quand on n’a pas beaucoup de temps pour préparer un album, on a tendance à charger la barque, à mettre des instruments et des arrangements dans tous les sens. Alors que lorsqu’on dispose de temps, on peut prendre le temps de la réflexion pour retirer des choses, épurer et garder l’essentiel. C’est le cas avec cet album.

En 1986, vous avez décidé de créer votre propre label Boucherie Production (Mano Negra, Pigalle, Paris Combo, Les Elles). Depuis la belle aventure s’est terminée par une faillite. Quel souvenir garderez-vous de ces quinze années à la tête du seul label indépendant français ?
Disons que je suis assez heureux d’avoir pu sortir un jour un groupe de cornemuses et le lendemain un groupe de trash métal. On a produit près de 140 disques dans un univers où tout le monde nous donnait perdant au bout de trois ans. C’était une démarche artistique, mais aussi politique pour aller à l’encontre d’une industrie du disque où l’artiste est considéré comme un produit devant toucher le maximum de public.
Nous, on a réussi à toucher des gens très différents. Cela a fait bouger beaucoup de choses. Le côté négatif de cette expérience, c’est que l’on n’a pas réussi à tenir plus longtemps. Mais je pense qu’en l’état actuel des choses, ce n’est plus possible. Compte tenu de l’état quasi-monopolistique dans lequel se trouve l’industrie du disque, c’est perdu d’avance et c’est pour cela qu’après le dépôt de bilan de Boucherie, je ne me suis pas relancé dans l’aventure d’un nouveau label.

On assiste en ce moment en France à un retour du punk et du rock alternatif avec des groupes comme les Wampas, les Béruriers Noirs ou les rééditions des disques de Starshooter… Qu’en pensez vous ?
Je pense que les Wampas ont eu un peu de chance avec ce morceau sur Manu Chao. J’imagine que s’ils n’avaient pas mentionné le nom de Manu dans l’une de leurs chansons, cela n’aurait pas fait autant de bruit. Quoi que, n’oublions pas que les Wampas, c’est un groupe qui a démarré avant les Garçons Bouchers et qui a toujours joué et enregistré, avec des concerts qui ont toujours été super. Les Béru, je n’ai jamais été fan et je ne sais pas quelle est leur motivation pour se remettre ensemble.
La musique punk revient mais pas dans le milieu punk où elle est née mais chez des mômes qui avant écoutaient du rap et sont passés aux guitares saturées.
Ce qui est bien dans ce revival, c’est de se souvenir que cela correspondait à une époque où en France on cherchait autre chose que les référents anglo-saxons et qu’on s’est mis à faire du rock en français avec une énergie que l’on n’a jamais retrouvée par la suite.

La terre ne s’use que si l’on s’en sert, à tort et à travers comme une vulgaire serpillière… C’est sans doute le titre le plus long de l’histoire de la chanson française, c’est aussi une chanson écologique. Un aspect que l’on connaissait moins dans votre répertoire.
Moi je pense à mes mômes et à ceux des autres, qui vont avoir de moins en moins de choses saines. Il y a un côté un peu cynique dans cette chanson, bien sûr. Mais cela me paraît important d’aborder ce sujet qui est essentiel.

François Hadji-Lazaro Contre courant(Island / Universal) 2004