VU D’AILLEURS août 2004

En vingt-quatre heures, la France a perdu deux monuments de la grande époque du music-hall : Sacha Distel et Serge Reggiani. La presse étrangère se souvient.

Distel, Reggiani : souvenirs, souvenirs…

En vingt-quatre heures, la France a perdu deux monuments de la grande époque du music-hall : Sacha Distel et Serge Reggiani. La presse étrangère se souvient.

D’abord Sacha Distel. La nouvelle est tombée sur les télescripteurs des rédactions le 22 juillet. Agé de 71 ans, le chanteur est mort des suites d’un cancer. «Il avait déjà vaincu deux fois le cancer et avait déclaré cette année sur la BBC avoir dû survivre en tant que juif pendant la seconde guerre mondiale», note le Daily Record (23/7). Le célèbre crooner «se trouvait dans la résidence de ses beaux-parents, sur le littoral varois entre le Lavandou et Saint-Tropez», précise Tageblatt (Luxembourg, 23/7). Depuis une trentaine d’années, le créateur de La Belle vie venait s’y ressourcer en toute discrétion. Dans le petit village de Rayol-Canadel-sur-mer, le recueillement dominait. «Sa mort, annoncée par sa famille en début d’après-midi, n’a entraîné aucune réaction dans le village, à l’écart de l’agitation estivale de la Côte-d’Azur. (…) A Saint-Tropez, sur la place des Lices où le chanteur a longtemps joué à la pétanque avec d’autres célébrités, d’aucuns se souvenaient d’un homme affable et toujours souriant.» Ce sourire, Sacha Distel, musicien confirmé et fou de jazz, en avait fait son fond de commerce avec un succès qui s’étendit bien au-delà des frontières de la francophonie. Sa disparition a été relatée par une grande partie de la presse européenne (en général) et anglo-saxonne (en particulier). «Sexy Sacha» pour les uns (Herald Sun, Australie, 24/7), «chanteur suave» pour d’autres (The Sun, Grande-Bretagne, 23/7), Sacha Distel était surtout considéré comme «le galant de la chanson française» (El Periodico, Espagne, 23/7) et «le crooner français préféré des Britanniques», comme l’indique The Guardian (23/7) à l’unisson du reste de la presse anglaise. Là-bas, «ses shows télé ont été un tel succès qu’il a même chanté à trois reprises pour la Reine», souligne le New Zealand Herald (24/7). En 2001, il remontait sur les planches du West End, le quartier londonien des théâtres, à l’affiche de la comédie musicale Chicago, mais l’an dernier, déjà malade, il avait dû annuler sa participation au Kirkmichael Festival, en Ecosse (cf. Vu d’ailleurs, mai 2003). Ses obsèques ont été célébrées dans l’intimité.

«Et maintenant l’Italien», titrait Le Devoir (Canada, 24/7), le lendemain de la mort de Sacha Distel. Serge Reggiani venait de tirer sa révérence. «Hier Sacha, aujourd’hui Reggiani: la chanson française était déjà triste, voilà qu’elle pleure. Et avec elle toute la francophonie.» Acteur, chanteur et peintre, Serge Reggiani était «un classique de la chanson française» (El Mundo, Espagne, 24/7), dont il faisait figure «d’ultime géant» (Publico, Portugal, 24/7), et «comme Yves Montand, il était né en Italie» (The Guardian, Grande-Bretagne, 26/7). Naturalisé Français en 1948, «il était resté un Italien de cœur», selon le quotidien britannique The Independant. De nombreux journaux reviennent sur la longue carrière de ce grand artiste, à l’instar de l’Argentin Clarin (24/7), qui garde en mémoire autant le comédien, «uni pour incarner au côté de Simone Signoret les amants maudits de Casque d’or», que de l’interprète qui «débuta sur scène en 1965 avec des chansons comme Le Barbier de Belleville et Ma Liberté». Pour 24 Heures (Suisse, 24/7), le public était «sensible à ce ton inhabituel, mélange de rauque, de velouté, de tendre, d’ardent, d’ironique. Mais le chanteur n’est guère à l’aise sur scène. Barbara, qui le prend en première partie de son récital à Bobino, lui donne confiance en lui-même». Après une vie d’homme et d’artiste bien remplie, cet amoureux de Paris donnait encore de rares apparitions, souvent pathétiques mais empreintes d’émotion et de chaleur. «En février, j’étais à Paris pour entendre l’un des derniers concerts de Serge Reggiani dans le grand temple de la musique populaire, l’Olympia», raconte le journaliste de The Independant. «Reggiani, immaculé de blanc, était trop fatigué pour rester debout tout au long du spectacle: il s’assit vite pour parler et chanter, sa Gauloise entre ses doigts tremblants». A la fin du spectacle, il régnait dans la salle «une tension émotionnelle presque insupportable». Serge Reggiani repose désormais au cimetière parisien du Montparnasse.