NUJELI
Duo électro franco-ougandais, Nujeli invente sur Ensi (Bloom Records/Naïve), leur premier album, un futur aux musiques d’Afrique de l’Est. Entre beats drum’n’bass ou trip-hop et envolées de cordes, la voix aérienne d’Irène aborde en luganda et en anglais des thèmes universels comme la vie, les enfants, la violence ou la maladie.
L’excursion électronique en Afrique de l’Est
Duo électro franco-ougandais, Nujeli invente sur Ensi (Bloom Records/Naïve), leur premier album, un futur aux musiques d’Afrique de l’Est. Entre beats drum’n’bass ou trip-hop et envolées de cordes, la voix aérienne d’Irène aborde en luganda et en anglais des thèmes universels comme la vie, les enfants, la violence ou la maladie.
Irène est coquette. Sa date de naissance restera secrète. On saura juste qu’elle est née et a grandi dans la capitale ougandaise, Kampala. Fille de Baganda, une des nombreuses tribus qui peuplent « la Perle de l’Afrique » comme surnommait Winston Churchill ce pays aujourd’hui peuplé de 20 millions d’habitants, Irène a tout d’abord chanté pour le plaisir. De jam-sessions en mariages, de bars d’hôtels en festivals, sous le nom d’I-Jay, Irène a rodé un répertoire de reprises, avant de composer un premier succès qui quoique largement diffusé sur les ondes ougandaises, ne l’a pas rendu plus riche pour autant. Par amour en 2001, elle décide de suivre son compagnon Français dans l’hexagone. « A l’Université de Grenoble, j’ai perfectionné mon français avant de rejoindre la capitale » explique la jeune chanteuse anglophone. « C’est là en répondant à une petite annonce que j’ai fait la rencontre de Julien. Il cherchait une voix pour l’un de ses projets ». Julien, lui est né à Caen en 1974. A la sortie du conservatoire de sa ville où il découvre la musique classique avant d’être vampirisé par le jazz et les musiques électroniques, Julien choisit lui aussi l’exil. A la fin du siècle dernier, il pose ses valises à Paris et entre à Radio France comme assistant de Jacques Lejeune, un ancien élève de Pierre Schaeffer. « Ça a été une excellente école » se souvient-il. « A l’époque, je ne savais pas vers quoi je voulais aller. Je n’avais pas d’idée prédéfinie. La musique contemporaine m’a grand ouvert les oreilles ». Invité à prendre la relève de Jacques Lejeune à la retraite de ce dernier, Julien se retrouvera le bec dans l’eau quand le robinet à subventions se refermera provisoirement. Seul, il se lance sans empressement dans divers projets électros assez sombres, mais déjà marqués par une forte présence de cordes. Quand il sent le besoin d’ouvrir son cénacle, le jeune musicien passe alors l’annonce que lira Irène. « Ça a fait tilt immédiatement » confient-ils en choeur. Pour autant le duo nouvellement créé ne s’emballera pas. Ensemble, ils prendront le temps de se connaître, d’affiner la direction vers laquelle ils ont décidé d’aller. « Nous avions chacun des travaux alimentaires qui nous permettait de d’avancer sans pression ». Irène sera par exemple choriste pour Björk lors des victoires de la Musique 2002 ou participera à l’enregistrement de plusieurs chansons de One Step Forward (Virgin), l’opus des Nubians paru l’année suivante. « Cette absence de contrainte nous a permis d’avoir le temps de développer un véritable projet commun ».
Nujeli : un nouvel axe nord-sud
« Nujeli est aujourd’hui beaucoup plus léger et lumineux que les bases que j’avais posées en solo » explique Julien. Si ce jeune producteur ne connaissait des musiques du continent noir que les rythmes d’Afrique de l’Ouest, la chanteuse n’avait jamais entendu auparavant les rythmes syncopés de la drum’n’bass ou les ambiances plus planantes du trip-hop. « Nous sommes allés de découvertes en découvertes » souligne Julien, qui avait rencontré Youssou N’Dour lors d’un de ces séjours au Sénegal, mais était loin d’imaginer que des rythmes percussions africains, ougandais en l’occurrence, puissent se rapprocher des structures de la drum’. « En Ouganda, certaines musiques traditionnelles s’appuient sur le contretemps. De plus, les jeunes écoutent beaucoup de ragga. Ce qui a facilité notre travail » relate Irène. « Nous ne voulions pas nous enfermer dans un format répétitif, mais plutôt tendre vers une structure de chanson pour nous rapprocher de la tradition orale africaine» ajoute Julien. «Nous aurions mal vécu de n’être qu’électro !».
Une tournée à venir
Placé sous le signe de la mixité homme-femme, mais aussi électro-acoustique, Ensi a été enregistré avec la participation de véritables musiciens (contrebasse, batterie, violon, violoncelle) et l’adjonction de samples pour les rythmes et instruments ougandais. Si en France ou en Afrique de l’Ouest, ce croisement s’inscrit dans une démarche fusionnelle initiée déjà par de nombreux musiciens et producteurs; en Ouganda, les compositions du duo ont de quoi surprendre: « Les Ougandais ne comprennent pas tout à fait notre démarche et parle de “garage” pour qualifier notre musique, ne connaissant que cet aspect des musiques électroniques » commente la chanteuse. Peu importe la dénomination, les radios ougandaises se sont emparées de l’album et le jouent régulièrement. Ce bon accueil réjouit le duo qui projette déjà pour son prochain opus des collaborations avec des musiciens locaux. En attendant, il prépare un clip sur Ansobela afin de participer aux prochaines Victoires des Musiques Africaines qui auront lieu en Afrique du Sud à la fin de l’année. Entre-temps, le duo machines et voix, renforcé sur scène par un contrebassiste, un violoniste électrique, un batteur et une choriste, aura tourné dans l’Hexagone. Une première date est annoncée: le 28 octobre au Festival des Primeurs de Massy.