Salif Keita remixé

Bientôt 100.000 exemplaires de Moffou vendus en France et plus de 100.000 à travers le monde. Deux ans après sa sortie, l'album de Salif Keïta retrouve une nouvelle vie avec Remixes From Moffou, la vision de "remixers", producteurs et DJs électro de cet opus devenu une référence en matière de world music.

Remixes From Moffou

Bientôt 100.000 exemplaires de Moffou vendus en France et plus de 100.000 à travers le monde. Deux ans après sa sortie, l'album de Salif Keïta retrouve une nouvelle vie avec Remixes From Moffou, la vision de "remixers", producteurs et DJs électro de cet opus devenu une référence en matière de world music.

Il est rare qu’un album ait deux vies. Moffou serait-il le précurseur d’une volonté d’atteindre un nouveau public, plus jeune et urbain, féru d’électro, pour les artistes de world? Toujours novateur en la matière, "Papy" Manu Dibango avait été pionnier avec les remixes de DJ Gilbert en 2001. Cesaria Evora avait, elle, eu la surprise de découvrir l’été dernier un Club Sodade, qui a donné un coup de fouet à sa morna, déversée ainsi sur les dancefloors branchés, bien loin des bars de Mindelo et des confortables salles de concerts où son public vient rêver à de lointains voyages. Salif Keita, le "Caruso" malien, suit ses aînés dans ce nouvel univers, et c’est bien un paradoxe de plus à ajouter à sa longue carrière.

Lui qui venait d’effectuer un retour aux sources de la tradition mandingue voit ainsi ce dernier opus retravaillé par des artistes électro, français et anglo-saxons. Les succès remportés auprès d’un public plus jeune par le titre Yamore, en duo avec Cesaria Evora, et le remix de Madan par Martin Solveig, qui a séduit les amateurs de house et de nombreuses radios FM peu accoutumées à diffuser de la world «pure», ont généré ainsi près de soixante demandes de licence pour des compilations. «Cela nous a donné l’idée, explique Patrick Votan, directeur artistique de Salif Keita chez Universal Jazz, de proposer à des artistes électro proches de la scène africaine, comme Osunlade, Doctor L ou Frédéric Galliano, et à des références de la scène électro comme La Funk Mob (le duo de Cassius Philippe Zdar et Boombass, créateur du son Solaar, et reformé pour l’occasion –NDLR), Charles Webster, Luciano, de travailler sur des remixes de l’album et de trouver un nouveau public à cet artiste unique. »

Trois versions de Moussoulou sont ainsi proposées. L’une par le DJ parisien Ark, les autres par le Yoruba Osunlade et l’Américain Charles Webster. Madan apparaît lui également avec trois nouvelles versions. Soit au total cinq versions différentes pour ce titre qui, outre l’originale, avait déjà eu une seconde carrière avec le fameux remix de Martin Solveig, qui a tout déclenché. Plus étonnante, la version épurée de La Funk Mob, qui confère au titre Ana Na Ming une atmosphère de beauté paisible et irréelle. Apporter une nouvelle dimension à ces titres, telle était la demande formulée aux onze remixers disséminés à travers le monde à l’origine de ce travail très personnel pour donner une seconde vie à cet album.

Moffou, un album simple

Entièrement acoustique, la première version de Moffou est une œuvre cent pour cent africaine, contrairement à Sosie, paru en 1997, consacré à la chanson française, ou Papa en 1999, enregistré à New York avec le guitariste Vernon Reid qui lorgnait (déjà) vers l’électro et les rythmes urbains de l’Occident. "J'ai voulu que Moffou soit un album simple. Après avoir enregistré des disques sophistiqués et électriques, répondant ainsi à la demande de producteurs qui voulaient rendre ma musique plus commerciale dans la foulée du succès des Touré Kunda ou de Mory Kanté dans les années 80, j'ai décidé de faire ce retour aux sources avec cet album limpide, traditionnel et acoustique. C'était une manière de marquer ma rupture avec la France, puisque je vivais depuis une dizaine d'années à Montreuil. Je suis parti m'installer à Bamako, je voulais rentrer à la maison. Moffou est le résultat de cette nouvelle vie."

Salif a présenté cet album aux quatre coins du monde et a parcouru les Etats-Unis cet été y rencontrant un succès inespéré. "Nous avons fait une tournée d'une trentaine de dates à travers le pays. Nous avons joué dans des clubs et des festivals, et c'est là que je me suis rendu compte de l'impact de cet album." Ce retour à ses racines, aux rites et traditions qui font la richesse de la culture malienne apparaît dès le titre de l'album. "Moffou, c'est une sorte de flûte percée d’un seul trou. C'est également le nom du club de 200 places que j'ai créé à l'est de Bamako, disposant d'une salle de spectacles climatisée. Les portes donnent accès à une série de cours intérieures pavées de faïence multicolore. C’est vraiment un lieu qui favorise les échanges entre les nombreux artistes étrangers de passage au Mali."

Aussi ces Remixes From Moffou auraient pu être réalisés dans ce club de Kalabankourou, symbole de la rencontre entre l’album original et les remixes de ces DJs noctambules. Mais cela est peut-être encore trop tôt, les remixers préférant pour le moment le confort de leur antre.

Remixes from Moffou (Universal Jazz) 2004