Gwotet project
Le saxophoniste américain David Murray n'en est pas son premier métissage. Après avoir baladé son talent et sa liberté au Sénégal avec Doudou N'Diaye Rose Dieuf Dieul et Positive Black Soul, il a posé les bases du "Creole Project", où il rencontre des musiciens antillais et notamment les maître du tambour Gwo-Ka comme Klod Kiavué. Le troisième témoignage discographique de ces cousinages afro-américain vient de sortir et s'intitule Gwotet.
Quand David Murray rencontre les tambours de Guadeloupe
Le saxophoniste américain David Murray n'en est pas son premier métissage. Après avoir baladé son talent et sa liberté au Sénégal avec Doudou N'Diaye Rose Dieuf Dieul et Positive Black Soul, il a posé les bases du "Creole Project", où il rencontre des musiciens antillais et notamment les maître du tambour Gwo-Ka comme Klod Kiavué. Le troisième témoignage discographique de ces cousinages afro-américain vient de sortir et s'intitule Gwotet.
"Ce disque s'appelle Gwotet, "grosses têtes" en créole, c'est un choix de David Murray pour définir une musique nouvelle, née de rencontres inédites. Cet album, c'est de la "great black musique", pas seulement du gwo-ka ou de l'avant garde jazz funky". Dans la bouche de Klod Kiavue, célèbre tambourinaire Guadeloupéen de 43 ans, cette phrase peut aussi dire : dans cette rencontre, il y a aussi plus que de la musique…
Si l'un des deux architectes sonores de ce projet original préfère éviter les étiquettes, c'est bien parce que cette aventure rassemble beaucoup de talents et d'influences issus de ce que Paul Gilroy définit comme "l'Atlantique Noir". Parmi les cousins afro-américains, il y a bien sûr les maîtres des rythmiques guadeloupéennes gwo-ka (François Ladrezeau et Kiavue) et le saxophoniste américain David Murray, mais aussi le légendaire acolyte de John Coltrane, Pharoah Sanders, le batteur Hamid Drake, des cuivres cubains, les excellents guitaristes antillais Christian Laviso et sénégalais Hervé Sambe…
Ainsi se présente le casting de rêve de cet album né de la rencontre entre Murray et Kiavue dans le cadre du festival Banlieue Bleue il y a près de 10 ans. Murray y animait un atelier gospel et Kiavue initiait les enfants aux rythmes jadis mal vus et interdits des tambours ka. "Aux Etats-Unis, les esclaves n'ont pas gardé la tradition des tambours de mains, mais le chant gospel. Murray a tout de suite été attiré par le gwo-ka car comme dans le jazz, il y a une liberté d'improvisation incroyable avec des rythmiques différentes".
Les deux musiciens se rapprochent et s'invitent mutuellement. Kiavue participe au projet d'hommage à Duke Ellington de Murray et l'invite à jouer sur l'album qu'il enregistre avec son groupe Wopso. Entre temps, Murray s'installe à Paris, où il continue de faire des rencontres dans cette "deuxième capitale du gwo-ka". "Paris reste une ville culturelle où se croisent beaucoup de musiciens antillais. Je fais partie d'une génération qui fait des rencontres. Avant Murray, il y en a eu des fortes comme avec Lubat, mais comme le dit le chanteur Guy Konket, celle-ci est spéciale car c'est le blues de la canne qui dialogue avec le blues du coton" témoigne Kiavue qui a d'ailleurs présenté Konket, la légende Guadeloupéenne, à Murray. Ce sommet avec le "Fela Guadeloupéen" scellera d'ailleurs le volume II du Creole Project, après le premier enregistrement en 1997 à la Guadeloupe.
Même si Kiavue a embarqué Murray dans les cérémonies traditionnelles des Lewoz* et autres boeufs sauvages, il avoue avoir pris un risque. "La première fois que l'on a joué au pays, j'ai eu beaucoup de pression. Les gens m'ont dit : tu veux amener les Américains pour jouer le Gwo-Ka, c'est quoi cette histoire ? On a fini par montrer que l'on ne trahit pas l'esprit, c'est pour cela que ça dure". Ce troisième album résolument plus funky, presque même afro-beat, a été enregistré à Cuba avec des textes créoles appuyés par le groove et l'énergie de la batterie d'Hamid Drake, parfois même mis un peu plus en avant que les tambours. "On ne participe pas au mixage", s'excuse presque François Ladrezeau qui au pays perpétue toujours la tradition de Vélo dans la rue, à deux pas de la statue mythique du maître percussionniste disparu il y a 20 ans. "J'écoute avec les oreilles de mon esprit, donc j'entends le tambour dans ce disque. Je ressens quelque chose de mystique dans le jeu de M. Murray ou M. Sanders, il y a un voyage, mais aussi un combat social fort, je sens qu'ils ont compris notre langage". Un langage au-delà du métissage que François Ladrezeau emporte hors des Lewoz depuis plusieurs années, notamment avec des artistes reggae-dancehall comme Ti-Wony ou le jeune Admiral T.
Ultime rencontre entre vieux musiciens du ka qui se sont battus pour perpétuer les sept rythmes bannis, et jeunes artistes professionnels déjà routiers des grandes scènes. Hier rejeté et méprisé, le gwo-ka revient en force avec le dub, le ragga ou le jazz. Le projet Gwotet a même séduit des deejays, qui à l'instar de l'afro-beatphile Doctor L remixent un titre chaud en groove. "En Guadeloupe, les gens sont très méfiants sur les rencontre surtout avec des étrangers, mais on est en 2004 et on ne peut pas garder le gwo-ka pour nous si c'est un langage fort pour l'humanité, même les deejays doivent se l'approprier. Beaucoup disent qu'il faut faire attention à la tradition, je ne pense pas avoir trahi ses lois, mais je suis conscient qu'il faut ouvrir sa porte sans quoi des choses vont disparaître." prophétise Klod Kiavue.
*le léwoz est une soirée culturelle guadeloupéenne faite de chants et de danses exécutées au son des tambours ka : les boula et le makè.
David Murray & the Gwo-Ka Masters featuring Pharoah Sanders Gwotet (Justin Time records/Harmonia Mundi) 2004
Concerts :
05/11/04 Gottingen Jazz Festival - Gottingen (Allemagne)
06/11/04 Roma Jazz Festival / Auditorium de Roma - Rome (Italie)
10/11/04 Rote Fabrik - Zurich (Suisse)
20/11/04 London Jazz Festival / Queen Elizabeth Hall - Londres (Royaume Uni)
26/11/04 New Morning - Paris (France)
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