Jorane trouve sa voix
Habituée depuis deux albums aux vocalises baroques, qu’elle distille sur fond de violoncelle enfiévré, la pétillante québécoise Jorane s’offre avec The you and the now un élégant retour au verbe. Quittant provisoirement le yaourt sonore qui a fait sa marque de fabrique, elle adopte avec ce double album une posture formellement plus convenue, mariant mots et musique avec un bonheur néanmoins évident. Plus ouvert - comme en atteste les participations d’Arthur H et Daniel Lanois - plus terrien, ce nouveau recueil de chansons, qui évoque régulièrement Tori Amos, prouve que classique ne rime pas forcément avec banal. Rencontre.
La violoncelliste marie les mots et la musique
Habituée depuis deux albums aux vocalises baroques, qu’elle distille sur fond de violoncelle enfiévré, la pétillante québécoise Jorane s’offre avec The you and the now un élégant retour au verbe. Quittant provisoirement le yaourt sonore qui a fait sa marque de fabrique, elle adopte avec ce double album une posture formellement plus convenue, mariant mots et musique avec un bonheur néanmoins évident. Plus ouvert - comme en atteste les participations d’Arthur H et Daniel Lanois - plus terrien, ce nouveau recueil de chansons, qui évoque régulièrement Tori Amos, prouve que classique ne rime pas forcément avec banal. Rencontre.
RFI Musique : Ce nouvel album The you and the now est moins méditatif, moins "ambient" que vos deux précédentes sorties...
Jorane : Peut-être dites vous ça essentiellement à cause de l’utilisation des mots. C’est un album plus personnel, plus intime. Ce besoin d’utiliser les paroles est arrivé un peu soudainement, naturellement...J’ai tellement voyagé que tout d’un coup j’avais des histoires à mettre en musique. Je ne me suis jamais gênée pour partager les trucs que je faisais musicalement -même les trucs sans paroles qui au départ pouvaient sembler un peu bizarre, et qui finalement ont été super bien accueillis. Alors maintenant que j’ai des mots, je me suis dit "pourquoi je me gênerais?"!
C’est le vrai premier album de Jorane chanteuse ?
Sur le premier, Vent fou, il y avait quand même des mots, mais c’était un mélange de tout. J’avais l’impression en le faisant que ça pouvait être le dernier, alors j’ai un peu tout balancé dans cet album là! Ça donne ce Vent fou…il ne s’appelle pas comme ça pour rien: il part dans tous les sens. Pour moi, la musique et les mots sont vraiment deux langages différents, et je ne voyais pas toujours l’utilité d’utiliser musique ET paroles pour dire quelque chose. Quand on voit un tableau, ou une photo, on ne veut pas qu’il y ait un texte écrit dessous, qui nous dise ce que la personne avait dans la tête au moment de prendre la photo ou de peindre le tableau. On voit l’énergie, l’ambiance, l’émotion…La musique, c’est la même chose pour moi: elle dit des émotions, raconte des choses. Je n’avais pas le besoin de mettre des mots sur cette musique là. Maintenant, j’ai vraiment une autre approche. J’ai peut-être aussi évolué, puis tout d’un coup eu besoin de dire les choses plus clairement aux personnes qui m’entourent. Et de pouvoir les partager avec le reste du public.
Quel est le déclic qui vous a fait changer votre fusil - ou plutôt votre violoncelle - d’épaule ?
Ce sont ces histoires de voyages. Je n’ai jamais cessé d’écrire, chez moi, dans mes petits cahiers, ce que je vis. Par exemple, le morceau Cucaracha, c’est vraiment mon album souvenir d’un voyage que j’ai fait au Pérou. Ce sont vraiment les ambiances, les images qui m’ont touché que je traduis là-dedans. Ça a donné une chanson avec une texture, un souffle particulier, que je n’aurai pas pu écrire si je n’étais pas allé là-bas. Je me suis donc inspiré des voyages, des gens que j’ai pu rencontrer. C’est vrai pour toutes les chansons.
Vous avez l’impression d’être moins dans la démonstration, dans l’ostentation ?
Je n’ai jamais été "pro technique" non plus ! Mais je pense que l’on peut faire plein de sortes de musiques, présenter différentes facettes de soi au fur et à mesure que sa carrière avance. Depuis le début mes albums sont différents, mais personnellement, c’est sûr qu’il y a des choses qui se sont calmées à l’intérieur. La fougue est toujours là, mais elle est peut-être un peu plus contrôlée, en un sens. Je suis peut-être un peu moins victime de ce que je ressens, moins victime des émotions. Avant, c’était les émotions qui me faisaient faire les choses, et j’avais plus ou moins de contrôle, tandis que maintenant, je sens que je peux plus les utiliser comme un outil. Artistiquement, le violoncelle reste le fil conducteur de tout ça. Il reste ma source. A chaque fois que je prends cet instrument, j’ai des idées. Ce n’est quand même pas rien! Ce n’est pas toujours bon, mais quand même: il y a ce travail de création, quelque chose qui se passe...
Pourquoi avoir opté pour un format double CD ?
J’ai essayé de faire un ordre de chansons avec un seul CD, et ça ne marchait vraiment pas. Ça faisait trop lourd, c’était interminable. C’était comme si on sautait d’un univers à l’autre –c’est précisément ce que l’on faisait dans le premier album. J’avais besoin d’un peu plus de cohérence. Peut-être aurai-je pu garder six ou sept chansons pour le prochain album, mais personnellement, quand j’ai fini une session de studio, je passe à autre chose. Je ne veux pas partir en tournée avec des vieux morceaux que j’ai déjà enregistré. Cet album, c’est ce que j’avais envie de dire maintenant !
Jorane, the You and the Now, (Decca), 2004
Jorane sera en concert le 26 octobre 2004 à Troyes, le 15 novembre à Paris (Bataclan), le 17 à Ramonville, le 20 à Cognac, le 25 à Nancy et le 26 à Annemasse