No one is innocent, deuxième génération
Du groupe, il ne reste plus que Kemar, son chanteur. De la fureur d’origine, quelques guitares un peu lourdes. Entre titres calibrés FM et refrains pop, Revolution.com est battit pour la lutte des places dans les ventes de disques. La rage du passé oubliée, ce nouvel album ne serait-il qu’une basse opération commerciale ? Pas si sûr, peut être plus une marque de maturité...
Ré-exploiter le vieux filon?
Du groupe, il ne reste plus que Kemar, son chanteur. De la fureur d’origine, quelques guitares un peu lourdes. Entre titres calibrés FM et refrains pop, Revolution.com est battit pour la lutte des places dans les ventes de disques. La rage du passé oubliée, ce nouvel album ne serait-il qu’une basse opération commerciale ? Pas si sûr, peut être plus une marque de maturité...
Divorce à la Californienne : No One Is Innocent s’était séparé en 1998 après Utopia, deuxième étape d’une courte histoire. Kemar sort un album solo, pop et dépouillé, aux ventes confidentielles. Un sort que connaîtra SPOR, le projet commun des autres musiciens. Le chanteur, abandonné, tombe alors sur K-mille: tête pensante d’UHT, groupe électro un temps prometteur mais aujourd’hui défunt. Pour Kemar, c’est le déclic : "Les meilleures rencontres font les meilleures histoires qui donnent la meilleure musique". Les deux K passent un an dans le salon du second à mettre au point des maquettes de chansons. "J’étais revenu à des propos plus sévères, plus rock, plus tournés vers ce que je faisais avec No One. Ça m’a semblé le bon moment pour remettre le couvert. Après cinq ans d’absence, j’avais à nouveau envie d’étincelles". Mais du côté de ses anciens acolytes, la camaraderie, c’est fini. Le nom leur appartient à tous. Kemar rachète les droits, décidé à raviver le feu.
Hit Machine : Pour Revolution.com, on parlerait plus volontiers de briquet que de lance-flammes. 12 titres, bien rangés en 3 minutes 30 de moyenne. Mis à part Drive Me, rien qui ne puisse effaroucher les oreilles non averties. "J’ai passé très longtemps à composer seul avec ma guitare. Je voulais revenir à la source du rock. De la musique bien coup de poing, sans redite. On avait un morceau de huit minutes mais on ne l’a pas gardé. Par contre sur scène, on a tendance à rallonger". Oubliés, la furie poisseuse, les délires cyber-punk. Kemar en convient facilement, ce nouvel album, se situe à mi-chemin entre la rage d’antan et ses expériences pop.
Je dis M ... : Les rappeurs de Timide et sans complexe, l’Orchestre national de Barbes... dans le passé les collaborations de No One Is Innocent étaient tout azimuts. Cette fois c’est plus calme. Boris Jardel, guitariste chez Indochine, vient gratter sur trois morceaux. Le bankable du moment, M, apporte aussi sa patte. Là encore, tout s’explique : "Je connais Matthieu depuis le lycée, après on est parti en Amérique du sud ensemble et avec Boris on s’est rencontré en 1995, alors qu’il jouait avec Sinclair". En lisant les remerciements, les vieux de la vieille s’étrangleront sûrement en voyant apparaître Pascal Nègre, patron d’Universal. D’autant qu’une des chansons de l’album pourfend la politique des multinationales. Là encore, la réponse tombe comme une évidence : "Il nous a signés quand on avait que quatre morceaux, sans La peau [le titre qui les a fait connaître ndlr] et dix concerts au compteur. C’est un mec brillantissime, il ne capte pas grand chose à notre musique, mais il comprend le contenu. Il donne toujours un avis utile. A l’époque, quand il était le boss de Barclay, ça rigolait vraiment beaucoup."
Textes et clichés : Par contre, les Etats-Unis ne font pas marrer Kemar. Le propos est déjà lourdement affiché sur la pochette: un soldat englué dans du pétrole. Pour être certain que l’intention n’échappe à personne, l’album s’ouvre sur une dénonciation un brin pataude de la politique actuelle de l’Oncle Sam. "La compilation Rock against Bush, je trouve ça bien. Il faut que la musique reste au contact de la critique. Je sais bien qu’avec ce morceau je ne changerai pas le monde. Mais c’est toujours bien d’en parler, rien que pour les radios et les télés n’oublient pas le sujet. Et puis je ne dis pas que Bush est un connard, je parle de cette invasion théâtrale, sans aucune assurance qu’un jour tu ne sois pas à ton tour obligé de mettre les mains contre le mur. Les Etats-Unis ne passent même plus par la case ONU".
Il faut s’y faire, Kemar ne vocifère plus comme avant. Mais il a gardé la même peau. Pas d’explications tordues, il va toujours droit au but. Le ton s’est un peu assagi mais la sincérité n’est pas entamée. Pour s’en assurer, rien de mieux que d’aller juger sur place, sur scène.
No One Is Innocent, Revolution.com, Island/Universal, 2004
En concert le 2 octobre à Saint Malo, le 14 à Paris (Cigale), le 15 à Clermont Ferrand, le 28 à Bordeaux...