La Musique française s'exporte à Berlin
Francophonic 2004, le festival de la musique française à Berlin qui s'est déroulé du 8 au 12 septembre, a réussi le pari de rassembler un public ouvert à toutes sortes de courants musicaux, de la chanson à la musique électro. Bilan d'un festival en devenir.
Bilan du festival Francophonic 2004
Francophonic 2004, le festival de la musique française à Berlin qui s'est déroulé du 8 au 12 septembre, a réussi le pari de rassembler un public ouvert à toutes sortes de courants musicaux, de la chanson à la musique électro. Bilan d'un festival en devenir.
Un festival français dans une capitale allemande, c'est un pas de plus vers la disparition totale des barrières frontalières imaginaires qui empêchent encore la musique de circuler librement en Europe. Berlin, par sa capacité à créer de l'événement culturel aux quatre coins de son agglomération tentaculaire, est une capitale idéale pour faire découvrir la France multiculturelle et musicale au marché allemand, troisième mondial. Le deuxième volet de Francophonic s'est donc achevé sur un bilan encourageant : "70 pour cent de remplissage des salles de concert. C'est aussi bon que l'an dernier" explique Nicolas Jeanneté, le directeur du festival. "L'annulation de Joey Starr a représenté un manque à gagner mais surtout une grosse déception. Cela ne nous a pas empêchés de remplir deux salles pour les concerts de Coralie Clément et de Héléna (en photo). Quant à Rachid Taha, sa venue a permis de mesurer l'engouement des Allemands pour sa musique. La sortie de son nouvel album, prévue à l’origine dans les six mois voire un an, est finalement avancée. C'est aussi ça le rôle du festival, de travailler étroitement avec les labels, d'aider à la promotion de la musique française à destination des habitants mais aussi des professionnels. Le problème, c'est qu'avec 600.000 euros de budget dont la majeure partie provient des ventes de billets, nous ne pouvons pas faire de miracles. Quand on pense que la France ne nous accorde que 10.000 euros de subvention, il y a de quoi être inquiet."
Si les Allemands ont apprécié la programmation éclectique et grand public du festival, ils ont boudé des soirées électro pourtant sacrément bien ficelées. "C'est vrai, il y a un peu de regret, les 10 ans de F.Com n'ont pas déplacé les foules jusqu'à la salle du Maria (ndlr : un club situé à l'est de Berlin, près de la Karl Marx Allée). Il faut dire qu'à Berlin, l'offre en matière de concerts est très riche", rappelle le directeur du festival. Le jeudi soir, DJ Premier a la bonne idée de mixer à quelques encablures de l'endroit où DJ Cam, Oscar et Alix se produisent. Déloyal, mais c'est un jeudi soir normal à Berlin. En tous les cas, les artistes électro invités aux Francos ont joué le jeu. Les frères Julien et Nicolas du groupe Les Clones (en photo), têtes d'affiche, avec Scratch Massive, de la soirée de vendredi ont enflammé la piste de danse avec un concert énergique, des improvisations directement dérivées des morceaux de leur premier album. Les frangins évacuent autant de décibels que de sueur dans le sound system du Maria. Ce show bicéphale et aquatique ultra vitaminé invite à la danse. Quant au style, leur techno pure sans additif, et surtout sans paroles, est remarquable car elle est mélodieuse et jamais plombante.
Les paroles, en revanche, surtout celles de la chanson DJ de David Bowie, comptent beaucoup pour Avril. "The Thin White Duke" avait choisi la ville de Berlin comme lieu de retraite artistique afin de régénérer sa musique, de la baigner dans un chaudron berlinois occidental, alors que le contexte politico-artistique de l'époque du Mur, fascinait. Sur scène, Avril ne joue pas au DJ mais reprend live la chanson de Ziggy Bowie, accompagné de son groupe et de sa machine à étirer et essorer les sons. L'artiste de F.Com continue d'hésiter entre jouer des chansons de pop traditionnelle, à peine relevées par les machines et jouer une électro hybride, dynamitée par des riffs de guitares saturées et un chant débridé. Un morceau comme Be Yourself caresse l'auditeur à rebrousse-poil afin de l'amener à agiter bras et jambes sur la piste de danse du Maria.
Derrière, dans les coulisses, celui qui enflammait la Kesselhaus quelques heures plus tôt a fait son apparition. Rachid Taha est venu à Berlin pour produire un concert puissant, progressivement envoûtant, déroutant même, avec à mi-parcours, une reprise de Rock the Casbah du Clash, en hommage à un Joe Strummer, "dont je ne supporte toujours pas l'idée qu'il ne soit plus là" explique Rachid. Son prochain album Tékitoi travaille le rock et la musique arabe populaire avec pour dénominateur commun, leur propension à se laisser pervertir par le beat. Abdel, le batteur frappe sur les tambours comme une machine, vite, fort et longtemps, sans jamais faiblir. Les 1300 spectateurs ont ondulé, dansé puis quasiment cédé à la transe tout le long de la centaine de minutes du spectacle. C'est incontestablement "Das Konzert !" du festival. Un concert trait d'union entre les différentes cultures et l'ouverture d'esprit des berlinois.