Sibérie m'était contéee

Autant livre que disque, Sibérie m'était contéee, le nouvel album de Manu Chao délaisse la chaleur latine. Il est ici question de l’hiver et de Paris, autrement dit la Sibérie pour cet habitué du sud. Associé au dessinateur Wozniak, le chanteur solde ses comptes avec la ville de son enfance. En toute indépendance.

Le Paris de Manu Chao

Autant livre que disque, Sibérie m'était contéee, le nouvel album de Manu Chao délaisse la chaleur latine. Il est ici question de l’hiver et de Paris, autrement dit la Sibérie pour cet habitué du sud. Associé au dessinateur Wozniak, le chanteur solde ses comptes avec la ville de son enfance. En toute indépendance.

Un altermondialiste rémunéré par une multinationale ! Les chansons doucement rebelles de Manu Chao pouvaient faire sourire. Avec près de six millions d’albums vendus au sein de Virgin, il était devenu un poids lourd des majors. La rupture est maintenant consommée. A 43 ans passés, l’ancien chanteur de la Mano Negra mène maintenant ses aventures à bord de ses deux propres navires : les sociétés de production et d’édition, Radio Bemba et Mille Paillettes. Le tout est géré par une structure indépendante, Corida qui se chargeait déjà des tournées du chanteur.

La première expédition, Sibérie m’était contéee, naît avec quelques mots, à peine des phrases, même pas des chansons. La rencontre avec le dessinateur Wozniak sera le déclic. Le Franco- Polonais connaît bien le père, Ramon Chao, écrivain et ancien rédacteur en chef du service Amérique latine de RFI. Un jour, il y a bientôt deux ans, Manu lui montre quelques textes. Il décide de les illustrer pour le site internet alternatif scorbut.be. Mais les deux se reconnaissent vite dans la boulimie. Wozniak remplit plus d’une centaine de page. L’idée d’une distribution papier s’impose. Ce n’est qu’un début, Manu réplique.

Il se pose dans les locaux de Corida, dans le 18ème arrondissement de Paris, au-dessus de la salle de concert La Cigale. 22 chansons naissent. Les mélodies donnent de nouvelles idées au dessinateur, il recommence: "Il n’y a jamais eu une idée précise avec Manu sur notre collaboration. ça venait au cours des conversations... Mais il faut bien arrêter un jour". Résultat, un livre de 120 pages accompagné d’un CD de 22 chansons; disponible, un premier temps, chez les marchands de journaux dans une version allégée (25 pages/6 titres), puis au début du mois de novembre, en intégralité chez les libraires.

Au coeur de la ville endormie

Vous trouviez peut être que le deuxième album de Manu Chao, Proxima estacion... Esperanza, ressemblait curieusement au premier? Celui-ci ne va pas dépareiller! Une production assez dépouillée, un jeu de guitare tout en répétition et ce ton de voix si particulier, mi-chanté, mi-parlé. De loin, on reconnaît la marque de fabrique. A se demander si ce voyageur dans l’âme, ne s’était pas tout bonnement contenté de traduire ses anciens titres. Mais en se rapprochant, l’ambiance parisienne prend de l’épaisseur. L’accordéon, tout d’abord, puis le chant, avec ses accents nasillards de Titi des boulevards. Le livre dans les mains, les chansons se mêlent aux images, on (re)visite alors la capitale.

Avec des arrêts déjà connus, du temps de la Mano Negra : Madame Oscar ou Ronde de nuit ("Au coeur de la ville endormie, reposent des millions de gens soumis" ), quelques passages un peu faciles comme Au paradis Denfert mais aussi des petits monuments d’évocation. Une facilité à créer une ambiance en deux phrases: "C’est la vie, c’est la vie aujourd’hui, c’est la valse à sale temps qui vous lâche qui vous prend".

Grâce à son trait, Wozniak y ajoute une autre dimension. Le collaborateur du journal satyrique, le Canard Enchaîné se singularise par son style minimaliste, faussement enfantin. Les deux compères se retrouvent à merveille dans cette naïveté sincère. Les couleurs primaires, rouge jaune et bleu, enveloppent les mots simples de Manu. Un autre Paris prend forme.

Pourquoi la Sibérie ?

L’édition disponible en presse est accompagnée d’une correspondance. Vicky, une amie stambouliote, s’interroge: "Pourquoi avoir choisi ce titre, Manu, ça ne te ressemble pas la Sibérie, c’est froid et sombre". Le chanteur la rassure: "Je suis plus positif que jamais. [...] Ce disque est un règlement de compte avec ma vie à Paris pendant beaucoup d’années et c’est désormais bien du passé. Il fallait que ça sorte un jour".D’accord mais pourquoi la Sibérie ? Wozniak a un début de réponse : "Au début on devait l’appeler Manu Rêva, puis ce titre est arrivé tout seul, Manu aimait bien le jeu de mot". Il pouvait ainsi y accoler ce sous-titre en forme de dédicace : A tous les pécheurs du fleuve Amour (le cours d’eau frontière entre la Russie et la Chine).

Que va devenir maintenant cette aventure ? Le dessinateur l’ignore. Manu Chao est reparti vers ses racines latines avec deux albums en préparation. Aucune tournée n’est annoncée pour Sibérie m’était contéee. Mais peut être, qui sait, un passage dans les bars, avec pourquoi pas, des décors inspirés du livre pour l’occasion. Rien n’est écarté. La philosophie de ce couple, selon Wozniak : l’improvisation.

Manu Chao Sibérie m’était contéee (édition les Mille Paillettes) 2004
Version "légère" disponible en presse dès le 23 septembre 2004
Version complète, dans les librairies, à compter du 1er novembre 2004