Le Festival De l'air dans le gruyère
Réputée pour son savoir-faire en matière de chocolat et d’horlogerie, on ne peut pas dire que la Suisse soit connue pour la vitalité de son répertoire musical, et du mouvement hip hop en particulier. C’est donc pour casser cet a priori et offrir une plus grande visibilité aux artistes suisses sur les marchés français et francophones, que la Fondation Romande pour la Chanson les Musiques Actuelles et Swiss Music Export ont organisé, du 7 au 10 octobre dernier à Paris, le festival De l’air dans le gruyère.
Soirée hip hop suisse avec Sens Unik
Réputée pour son savoir-faire en matière de chocolat et d’horlogerie, on ne peut pas dire que la Suisse soit connue pour la vitalité de son répertoire musical, et du mouvement hip hop en particulier. C’est donc pour casser cet a priori et offrir une plus grande visibilité aux artistes suisses sur les marchés français et francophones, que la Fondation Romande pour la Chanson les Musiques Actuelles et Swiss Music Export ont organisé, du 7 au 10 octobre dernier à Paris, le festival De l’air dans le gruyère.
Il semblerait depuis quelque temps que les artistes suisses reçoivent un meilleur accueil de l’étranger. Le talent et la motivation de quelques musiciens comme Jérémie Kisling, qui a récemment donné une importante série de concerts à Paris, amènent peu à peu les gens à porter un autre regard sur ce petit pays. Alors, après avoir envahi Londres avec ses artistes électro du 17 au 22 février dernier lors du festival "La Suisse", l’association Swiss Music Export a décidé de faire escale à Paris ce week-end, afin de présenter au public et aux professionnels français les différentes facettes de sa scène musicale. Une bonne occasion de découvrir - entre les DJs, rockers, et autres chanteurs - le talent des rappeurs helvétiques.
Chakal : du rap latino-suisse!
Avec son image proprette de pays "où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil", on imaginait difficilement que le rap, le graffiti et le breakdance aient pu se développer en Suisse; des ghettos du Bronx aux rues de Genève, il y a tout de même un monde! Et pourtant, la soirée hip hop suisse du 8 octobre qui s’est tenue à La Maroquinerie nous a bel et bien prouvé le contraire.
Le pari était cependant loin d’être gagné. Après avoir attendu pendant plus d’une heure que la salle se remplisse doucement, c’est devant un public clairsemé que le jeune Chakal a fait son apparition. Loin de se laisser déstabiliser par le manque de spectateurs, le rappeur a enchaîné les morceaux à un rythme impressionnant. Originaire du Venezuela, Chakal a passé son adolescence à Nyon, une petite ville située entre Lausanne et Genève.
C’est en 1996 qu’il se lance dans le hip-hop en créant le groupe Los de la Salsa. Résolument anti-commercial, il prône un rap militant et underground, à l’instar d’une grande partie des rappeurs suisses qui se sont développés en marge des grandes maisons de disques locales. Mais contrairement à la plupart des artistes indépendants français, les textes de Chakal ne versent pas dans une radicalité volontairement provocante ou dans les clichés du genre.
Aussi à l’aise en français qu’en espagnol, sa musique aux influences hispaniques est accessible à tous. Face à un public très hétéroclite comptant très peu de rappeurs, Chakal a d’ailleurs réussi à faire monter l’ambiance en attirant de plus en plus de curieux. Une prestation très convaincante qui n’avait rien à envier à celles de la plupart de nos artistes hexagonaux. Bien au contraire…
Sens Unik : les doyens du hip hop helvétique.
Deuxième invité de la soirée, Sens Unik est arrivé sur scène avec un seul objectif: mettre le feu. Un défi dûment rempli pour ce groupe à la longévité exceptionnelle, affichant presque quinze années d’existence au compteur.
Grâce à leur album Chromatic sorti en 1994, Sens Unik a réussi à sortir des frontières suisses pour partir à la conquête du public français. Depuis cette période, il est resté dans les esprits comme "le groupe de rap suisse". Mais derrière lui se cache une véritable scène hip hop méconnue, comme nous le confie son chanteur, Carlos:"La scène hip hop est apparue en Suisse presque en même temps que la scène française. Nous avons notamment de très bon groupes du côté germanique et italien. Le problème est qu’ils ont beaucoup de mal à s’exporter à l’étranger parce que la Suisse est un petit pays".
Participer à un festival comme De l’air dans le gruyère était donc l’occasion de remettre les pendules à l’heure. D’autant que le rap occupe aujourd’hui une place assez importante dans le paysage musical helvétique.
En Suisse alémanique notamment, de nombreux groupes se classent régulièrement dans les cinq premières places des charts locaux. Et contrairement à la France, la culture hip hop a toujours su garder une place assez positive et tranquille dans la société suisse. "La scène helvétique a une humilité plus importante que la scène française" explique Carlos. "Elle a un contenu différent au niveau des textes puisqu’on parle de problèmes sociaux qui ne sont pas du tout les mêmes qu’en France. Notre immigration n’a pas non plus été la même. Donc nos musiques et nos influences sont différentes.Au final, on trouve beaucoup de groupes surprenants qui ne ressemblent pas du tout à ceux que l’on peut rencontrer en rap français".
Sens Unik en est la preuve vivante: pas de grosses chaînes en or ni de casquettes à l’envers pour Carlos, Déborah, Just One ou le batteur Bio, mais un rap festif teinté tantôt de rock, d’électro ou de latino. Bref, du bon hip hop ouvert sur le monde et sur les autres dont certains feraient parfois bien de s’inspirer un peu.