Matmatah, libéré !

Ça avait commencé sur un léger malentendu avec Lambé en dro, succès instantané des fêtes étudiantes en 1998. Après 800 concerts et trois albums, Matmatah aimerait maintenant que l’on décroche du panneau "celtique fumette". Et le prouve avec ce virage bien négocié: Archie Kramer . Ambitieux, fouillé et éclectique sans être prétentieux.

Le vrai visage du quatuor brestois

Ça avait commencé sur un léger malentendu avec Lambé en dro, succès instantané des fêtes étudiantes en 1998. Après 800 concerts et trois albums, Matmatah aimerait maintenant que l’on décroche du panneau "celtique fumette". Et le prouve avec ce virage bien négocié: Archie Kramer . Ambitieux, fouillé et éclectique sans être prétentieux.

"Quelque part on a subi le premier album. Il a fallu qu’on le fasse avec les chansons que l’on avait sous le bras. On a un peu galéré par rapport à cette image de rock celtique. Nous on disait plus que l’on faisait du rock’n’roll. Pour le deuxième, on a tout fait justement pour le montrer. Maintenant que c’est fait, pour celui-ci, on a décidé d’enregistrer ce qu’on avait envie, sans avoir à prouver quelque chose". Et Matmatah a semble-t-il bien procédé. Petit par la taille (42 minutes), Archie Kramer est un grand voyage entre chanson et rock, aussi bien Fugain que Lou Reed. Une inventivité à laquelle le groupe ne nous avait pas jusque-là habitués. Sans se renier.

Ils ont pris leur temps. Le disque a été peaufiné pendant un an, dans leur studio maison où la devise se résume, en choeur, à "mêler plaisir et méthode". Les tubes en puissance Casi el silencio et Au conditionnel accrochent tout de suite l’oreille. Au fil des écoutes, mille et un petits détails se révèlent. Stan, le chanteur (et seul autorisé à parler par consensus !) le revendique: "C’est plus un album à tiroir, un disque qui raconte un peu plus d’histoires que le précédent. Il manquait de noms, des lieux, on a entrepris ça un peu comme si on tournait un film, un Sergio Leone [réalisateur culte de western]. On laisse les gens se faire leur propre histoire. C’est marrant parce que ça commence déjà. Je vois des scénarios abracadabrants sur notre forum. Nous, on découvre c’est marrant, ah oui, tel titre est en rapport avec tel autre, content de l’apprendre!"

Clint Eastwood dans le studio

Du très new-yorkais, La grande cuisine au faussement languide Anita, chaque titre dégage une ambiance particulière. Matmatah y a mis les moyens en invitant Curro Savoy, le siffleur attitré des films de western. "Au début, on voulait Micheline Dax. Le problème c’est que Stephan Richer l’avait déjà prise sur son dernier album. ça avait déjà été fait, alors ce n’était plus marrant. Donc on a pris la Rolls ! [Rires.] Dans le studio quand il a commencé à siffler, on s’est dit : bon OK, il siffle ! et quand on a commencé à mettre de la réverb’, on avait l’impression que Clint Eastwood allait rentrer dans le studio!"

Le groupe s’offre même un petit détour par le rap. Pas d’alliance contre nature, plus un clin d’oeil avec Gotta go now: "Ce n’est pas vraiment du hip hop moderne. Avec cette chanson, on voulait faire quelque chose d’old school, à la Grand Master Flash. On a un pote à Brest, Steven B. Francis, qui est black et new-yorkais. Il est chanteur mais absolument pas rappeur. ça va, il s’en sort! On a vraiment le timbre de voix new-yorkais que l’on cherchait, c’est un peu vintage". De ces sonorités un peu vieillies, Matmatah en joue à merveille. Ils n’oublient pas leur premier amour, le rock anglo-saxon des années 70. L’album assène quelques titres rageurs, tel Radio Edit, un brûlot de 2’25’’.

Le premier tueur en série de l’histoire

Les paroles sont maintenant plus fouillées, loin des rimes faciles, en "é", de Lambé en dro. Stan a pris confiance, il joue d’avantage avec la langue française, aborde des thèmes plus personnels. Pour des résultats concluant comme sur Tombés des nues, une naissance qui n’augure pas que du bon, pour le bébé comme pour les parents:"Depuis la dernière tournée, on a eu le temps de se reproduire, c’est un peu pour dire bienvenue et bon courage!" Reste un mystère: mais qui est donc cet Archie Kramer? Le visage de l’homme sur la pochette. Selon le groupe, il s’agit du premier tueur en série de l’histoire. Libre à vous de vérifier la véracité de son existence...

Avant de partir pour une dizaine de dates en Inde, Matmatah va sillonner les routes à la rencontre de son public, en privilégiant les petites salles. Mais si la scène a toujours été le terrain de jeu favori des Brestois, ils espèrent que ce nouvel album sera bien accueilli et pas seulement par des échanges pirates sur Internet : "On produit nous même, donc on est concerné. Mais au-delà du manque à gagner, c’est qui est un peu triste, c’est que l’on perd l’objet. On est de l’époque des vinyles, nous. Si on fait un quiz sur des albums, on voit d’abord les pochettes. On ne sort pas un album mais un disque. Pas seulement des fichiers MP3. C’est le travail de plusieurs personnes derrière et ça inclue aussi le visuel. En plus, c’est dommage parce qu’on a pris une bonne qualité de papier! Quand tu invites les gens chez toi, tu leur dit «bonjour» avant de leur servir à manger. Tu ne leur colles pas directement la nourriture dans leur assiette. ça conditionne le repas quelque part et c’est exactement la même chose. La pochette conditionne l’écoute, elle n’est pas choisie par hasard. Tout est important dans notre disque".

Matmatah Archie Kramer (Barclay) 2004