Enzo Enzo

Tournée piano-voix pour Enzo Enzo, en même temps qu’elle sort un nouvel album, Paroli. Dix ans après Juste quelqu’un de bien, la mue d’une chanteuse.

Paroli

Tournée piano-voix pour Enzo Enzo, en même temps qu’elle sort un nouvel album, Paroli. Dix ans après Juste quelqu’un de bien, la mue d’une chanteuse.

"Les compositeurs et auteurs avec qui je travaille ne comprennent jamais pourquoi je leur dis non". Enzo Enzo assume bravement ses complexités, ses ambiguïtés, sa manière d’être toujours entre légèreté et gravité, entre chanson de haute qualité et variété, entre introspection et pudeur. Depuis quelques semaines, elle tourne dans les petites salles avec un spectacle en duo avec le pianiste Angelo Zurzulo et elle sort un nouveau disque, Paroli. Au générique, on voit Allain Leprest, Serge Lama, Kent, Romain Didier, Daniel Lavoie, Daniel Mille, Brice Homs, François Bréant, Marie Nimier et Thierry Illouz, son ancien guitariste Alvaro Bello-Bodenhöffer, Chico Buarque et elle-même pour deux textes. Malgré cette variété d’auteurs et compositeurs, les humeurs en sont assez homogènes et dessinent une manière d’autoportrait sensible et pudique.

De même, pour la première fois, elle s’est laissée diriger dans un spectacle. C’est Néry, ex-VRP et déjà metteur en scène notamment de Romain Didier, qui lui a donné de nouveaux gestes et de nouvelles libertés : "Il capte les choses qui se passent". "Tu viens de faire ça? On va le faire dans le spectacle. – Mais non, Néry, je faisais l'imbécile, là. – Pourquoi tu l'as fait? – Parce que ça me fait rire. – Eh bien si ça te fait rire, ça te feras bien rire deux fois. Alors tu le refais". "Parfois je ne voulais pas : faire Sarah Bernhardt en imitant l'accent allemand en chantant La même que moi, je n'étais pas sûre que c'était une bonne idée. Mais Néry m’a obligée à avoir confiance en des choses que j’avais faites spontanément".

Seule avec son pianiste, elle présente sa voix sans apparat. "Dans le grand dépouillement de ce spectacle, je me sens assez entière. Dans le côté grave, dans le côté enfantin, dans le côté drolatique, dans le côté naïf, dans le côté pathétique, je me sens assez réunie. C'est un spectacle qui peut amener de l'émotion à un point où je n'ai jamais réussi à amener les gens. Cela fait treize ans que je suis montée sur une scène pour la première fois et, longtemps, je n'ai fait qu'adoucir mon angoisse de monter sur scène. Maintenant, ça y est: je vis la scène avec un certain appétit, une certaine joie de vivre".

A quarante-quatre ans, Körin Ternovtzeff est à la fois pacifiée et avide de sensations fortes. Il y a vingt-trois ans que le groupe post-punk Lili Drop, qui l’a révélée, s’est dissous. Depuis, elle a navigué entre gentils succès et respect de la critique, avec au passage un tube historique, Juste quelqu’un de bien, qui lui a apporté une Victoire de la musique en 1994 et ce parfum d’éternité qui adoube les interprètes des plus populaires chansons françaises. Mais les programmateurs de radio lui ont aussi reproché une manière d’élégance de film noir et blanc, des postures aux limites de la chanson d’art, quelque chose de peut-être hautain – trop exigeant, parfois, pour marcher dans les traces du succès de Juste quelqu’un de bien.

Quant à elle, alors que le nouveau siècle commence, elle entreprend une mue intérieure : "J'ai commencé à apprécier et à avoir soif de quelque chose de très simple dans l'expression artistique, dans les musiques que j'écoutais, dans les choses qui m'entouraient dans mes relations avec les gens. J'ai commencé à nourrir le projet de travailler sur un piano-voix, en me disant "ma pauvre, quel orgueil, proposer un spectacle en piano-voix quand on a UN tube…". "En même temps, je n’avais pas le choix. Si je n’allais pas jusque-là, je n’aurais jamais su… Depuis quelques années, je me dis que la fonction d'artiste est d'oser sa particularité. J'ai passé beaucoup de temps à faire de petits pas de souris en me cachant derrière les musiciens, les auteurs, les arrangeurs. C'est le B-A BA, pourtant on va sur scène pour être le plus particulier, le plus intense possible. Mais je n’osais pas, j'étais plus timide, il y avait trop de musique".

Dans les petites salles, avec les gestes intenses et souvent très drôles que lui a donnés Néry – "je me fais l’effet d’une princesse, parfois" –, Enzo Enzo accomplit un peu plus qu’une nouvelle tournée. Son nouveau producteur et tourneur, Abacaba, lui a établi un circuit dans le monde de la chanson, où les salles n’osent pas dépasser les huit cents ou mille places : "Cette mesure-là me réconforte. On est contre les spectateurs, ça fait très très peur, mais on les voit rire, on les voit parfois même pleurer un peu. Tous ces gens dans le noir, enfermés, assis, qui ont travaillé tout la journée, n'ont pas encore dîné, n'ont pas embrassé leurs enfants – et qui ont payé, en plus… Moi, j’arrive pour leur chanter des chansons. Alors ça donne un sens à ma vie de me dire que j’ai au moins apporté une belle phrase dans la tête de quelqu’un".

Enzo Enzo Paroli (BMG) 2004

Le 22 octobre à Vesoul, le 28 à Aix-en-Provence, le 29 à Troyes, le 30 à Mons, le 5 novembre au Locle (Suisse), le 6 à Viarmes, le 12 à Saint-Valéry-en-Caux, le 13 à Lisses, le 16 au Blanc-Mesnil, le 17 à Rezé, le 19 à Toulouse, le 26 à Sassenage… A Paris (Bouffes Parisiens) du 10 au 12 janvier 2005.