MARC MINELLI

Vingt ans après son premier opus, Marc Minelli signe Echelle Humaine, un nouvel album auto-produit où il revisite certaines chansons de son répertoire et en ajoute une poignée de nouvelles. Rencontre à la nuit tombée avec ce Havrais bourlingueur dont l’histoire se confond avec celle d’une génération.

Une vie sans plan de carrière.

Vingt ans après son premier opus, Marc Minelli signe Echelle Humaine, un nouvel album auto-produit où il revisite certaines chansons de son répertoire et en ajoute une poignée de nouvelles. Rencontre à la nuit tombée avec ce Havrais bourlingueur dont l’histoire se confond avec celle d’une génération.

Pour les plus jeunes, Marc Minelli est apparu à la charnière des siècles aux côtés de la chanteuse malienne Mamani Keïta. Pour les plus anciens, il semble que ce musicien ait toujours fait partie du panorama rock hexagonal. Pour l’état civil, il est écrit que tout a commencé en 1962 au Havre. "C’est une ville de bord de mer, avec au loin, derrière l’horizon, l’Angleterre et l’Amérique" dépeint ce quadra bien dans sa peau. "Naturellement, tu as envie d’aller voir plus loin" ajoute-t-il. Plus loin pour lui furent donc les States à la sortie des années lycée. "Il me semblait naturel d’aller enregistrer mon premier album là-bas. C’était la période punk. J’y ai rencontré quelques-uns de mes héros (Willie Loco Alexander, les New York Dolls, Jonathan Richman…) et suis rentré un mois et demi plus tard avec dans mes bagages Take me to America, un album enregistré en un temps record". Signé par New-Rose "le label alternatif dont on avait besoin à l’époque" précise-t-il, cet album aujourd’hui épuisé n’a jamais été ré-édité. "Il m’arrive de le ré-écouter. C’est un opus rock ado et romantique. Du Springsteen speedé avec des orchestrations beaucoup plus soixante dans l’esprit".

Presque star, il sera programmé deux années de suite aux Transmusicales de Rennes (avant d’y revenir dans les années 90). "A l’époque, le rock était beaucoup moins structuré, beaucoup moins aidé. C’était avant Jack Lang. On était prêt à faire des centaines de kilomètres pour un concert" se souvient Marc Minelli en mesurant bien les limites de son aventure. "Take me to America malgré l’excellent buzz, n’a pas été très loin en terme de vente. Quant à la scène, quand tu es passé sept fois dans la même ville, on ne te rappelle plus. Heureusement que j’ai beaucoup appris" admet-il en se remémorant entre autres la dernière tournée de Téléphone dont il faisait la première partie: "C’est un bon apprentissage. Il faut savoir s’adapter aux patinoires et aux stades de basket, passer du jeu à l’instinct à quelque chose de plus pro".

Les horizons bouchés du Havre.

Après quelques années entre deux eaux, Marc Minelli décide de s’installer à Paris "afin de voir la réalité de la vie loin de chez soi", puis à Bruxelles. "Habiter Bruxelles, c’était appréhender un autre feeling, un autre paysage quotidien". Il y enregistre pour Les Disques du Crépuscule, un 45 tours (Love Atomic) qui ne sortira finalement qu’à son retour à Paris sur le label Just’In. C’est à ce dernier, qu’il livrera Faces, un album travaillé en collaboration avec un autre Havrais: le journaliste à Rock'n'Folk, Jérôme Soligny. Succès honorable (10.000 ventes) pour Marc Minelli qui après s’être exposé dans la petite lucarne d’Ardisson ou de Frédéric Mitterrand, se retranche dans sa cuisine pour une nouvelle aventure: Casiorchestra Kitchen Music. Ce nouvel opus pour New-Rose, est enregistré sur le plus enfantin des claviers Casio. "J’ai appelé ça la Kitchen Music en référence à la house music" sourit-il encore aujourd’hui. Album concept sans véritable chanson, il ne sera qu’un demi-succès avant le bide du Rayon Vert, un single aux paroles écrites par Daniel Darc: "Ma première expérience chez une major, Polydor en l’occurrence. Son univers était plus froid, un peu trop calculé, ça n’a pas marché du tout".

Un vrai solitaire

Retour au Havre où Marc Minelli se concentre sur ses fondamentaux et fonde un nouveau groupe évidemment rock, malgré un nom aux senteurs de loukoums: les Tsiganes Turques d’Istambul. "Ça sonnait vraiment bien, mais nous n’avons tenu qu’un an. Je ne suis pas fait pour la vie de groupe. J’aime faire évoluer mon répertoire en temps réel et au gré de mes humeurs sur scène. Je crois que je n’ai jamais cessé de jouer qu’un one man show". Signé en édition par Polygram, il grave alors une première série de titres en français. "RTL ou France Inter les jouaient. Ça rassemblait à ce que fait désormais Bénabar. J’étais peut-être un peu trop en avance (rires) car ça n’a pas décollé".

Plutôt que de rester sur cet échec, Marc-Antoine Moreau, son directeur artistique lui propose de rencontrer la chanteuse malienne Mamani Keïta. Electro Bamako (Universal) était né. Reconnaissance grand public avec un titre en forte rotation sur de nombreuses radios et tournées autour du monde sont désormais le quotidien de ce rocker qui ne se renie pas: "On peut-être rocker et jouer de la musique classique!" assène-t-il tout en reconnaissant que cet album a été un véritable tremplin.

Contacté par Chris Blackwell, le producteur qui permit à Bob Marley de devenir une star internationale, il réalise pour Palm Pictures, le label de ce dernier, le prochain CD du guitariste jamaïcain Ernest Ranglin. "Ce rôle de réalisateur m’éclate littéralement. J’ai retrouvé la fraîcheur de mes premières années quand tout m’émerveillait. S’occuper d’autres que soi est un boulot de cuisinier qui te permet de dépasser tes propres limites. Tout est contenu dans la matière qu’on te confie. A toi de proposer des choses qu’on n'ait pas entendues avant". Pour cet album, Marc Minelli est parti avec Ernest Ranglin enregistrer à Johannesburg (Afrique du Sud). "Nous avons travaillé avec les Jazz Pioneers, une formation au son très 50. Je suis rentré à la maison avec les bandes et ai essayé de faire quelque chose de moderne sans perdre l’esprit du départ. C’est une équation à trois". Ce disque est en attente de commercialisation.

Echelle Humaine

Contaminé par le virus des musiques du monde, Marc Minelli avoue aujourd’hui être souvent plus surpris par ces musiciens originaires de contrées lointaines que par la plupart des nouveaux groupes anglais ou américains. "Malheureusement, ils ne m’apprennent plus grand chose de neuf". Cette excitation devrait le conduire à publier prochainement une compilation d’artistes maliens avec qui il a travaillé. Mais avant ce futur projet, Marc Minelli propose Echelle Humaine, une rondelle livrée dans une originale pochette garantie sans plastique. Truffé d’anciens morceaux ré-arrangés mais aussi d’une paire de nouveaux titres, d’inédits et même d’une reprise de Ford Mustang, un titre de Gainsbourg, ce disque au son vraiment actuel n’est pour l’instant commercialisé que sur son site (www.marcminellimusic.com) ou à la sortie de ses concerts.

Marc Minelli Echelle humaine (Figures Libres) 2004