A HAND-FULL OF NAMIBIANS
Le guitariste français Christian Polloni, souvent impliqué auprès de chanteurs africains présente A Hand-Full of Namibians, une riche compilation donnant un bel aperçu de la diversité de la créativité musicale en Namibie, pays sous-exposé sur le marché international du disque. Rencontre.
Interview de Christian Polloni
Le guitariste français Christian Polloni, souvent impliqué auprès de chanteurs africains présente A Hand-Full of Namibians, une riche compilation donnant un bel aperçu de la diversité de la créativité musicale en Namibie, pays sous-exposé sur le marché international du disque. Rencontre.
D’où vient votre penchant à travailler avec des musiciens africains ?
Christian Polloni: Il n’y a pas eu vraiment de déclic. C’est plus une question de hasards et de rencontres. Par exemple, j’ai rencontré Alpha Blondy au moment où il faisait son premier album à Paris (Cocody Rock). Il cherchait un guitariste. J’étais là. Je devais intervenir seulement sur un titre, mais finalement, j’ai joué partout et l’ai suivi en tournée. Papa Wemba, ça s’est passé à peu près pareil…
Comment vous, musicien français, avez-vous été amené à prendre l’initiative d’un projet discographique réalisé dans un pays anglophone ?
A Hand-Full Of Namibians est en fait le fruit d’une rencontre durant le festival Kabaréunion, sur l’île de la Réunion, en 1995, où j’accompagnais Papa Wemba. Ma route a croisé ce jour-là celle d’une personne travaillant pour une structure dépendant du Ministère de la Culture en Namibie. Au fil des discussions que nous avons eues, je lui ai suggéré de faire une compilation de jeunes artistes de là-bas, de faire un instantané de ce qui s’y passe en milieu urbain. S’il existe au disque des enregistrements roots faits sur le terrain, côté musiques actuelles, c’est autre chose. En 2000, cette personne a trouvé des fonds via la Coopération française et l’histoire a pu commencer.
Comment s’est déroulé l’enregistrement ?
Je suis parti une première fois en 2000 pour établir une sélection, et faire travailler les groupes ensemble. Ensuite, l’année d’après, je suis revenu et là nous avons enregistré et mixé. Tout a été fait là-bas, au College Of Arts de Windhoek, la capitale. C’est un endroit où l’on peut apprendre la musique, le piano, la trompette ... , un genre de conservatoire en fait. Ils sont les producteurs exécutifs de ce CD. Ce que je voulais sur cet enregistrement, c’est qu’il y ait beaucoup de "fun", que ça ne stresse pas, qu’on rigole et qu’à l’écoute, les gens sentent que l’on s’est un peu amusé à faire ce travail.
Entre l’idée que vous vous faisiez du paysage musical de la Namibie au moment où ce projet a germé et ce que vous avez découvert sur place, il y avait-il un grand décalage ?
Je ne connaissais pas trop la Namibie. Je n’y étais allé qu’une fois à la fin des années 90, pour un concert avec Papa Wemba (qui m’a fait l’amitié d’intervenir sur deux titres dans A Hand-Full Of Namibians), donc c’était vraiment une aventure, un truc nouveau pour moi. D’ailleurs qui connaît la Namibie? Une fois et demie la France pour deux millions d’habitants, mosaïque culturelle (Herero, Khoi-Khoi, San, Kavango, Owambo, Afrikaners, Allemands, Asiatiques... ), ce pays s’est libéré en 1990 d’un siècle de colonialisme allemand et d’apartheid sud-africain. Donc la culture a été un peu enterrée. Il faut la faire resurgir, sortir de l’ombre. Je me suis aperçu qu’il y avait quelque chose de fort qui était là et pouvait émerger, se développer.
La musique anglo-saxonne masque-t-elle ce potentiel ?
C’est le gros problème et la raison pour laquelle j’ai envie de m’impliquer. Mais la musique locale est là et des endroits où l’on peut l’écouter existent. Il n’y a pas énormément de producteurs sur place. Quant aux artistes extérieurs, c’est surtout le Centre Culturel Français qui les fait passer. Sont venus par exemple Ismaël Lô, Papa Wemba, Salif Keïta, Manu Dibango, Lokua Kanza qui ont tous été très appréciés. Ce n’est pas un pays vraiment enclavé où l’on a du mal à faire venir des artistes. Il y a juste un développement à faire et à y installer des structures.
Parmi les artistes présents sur cette compilation, certains ont-ils déjà enregistré des albums ?
Jackson Kaujeua, qui chante Africa, la chanson terminant le disque, est le seul à avoir fait des choses un peu à l’extérieur (avec BMG) mais ça n’a jamais vraiment abouti. Je sais qu’il est sur un autre projet.
Ce disque a été terminé début 2002, et il est disponible seulement aujourd’hui. Pourquoi une si longue attente ?
Le problème c’est qu’au départ, le College Of Arts, quand ils ont eu bouclé ce CD, ils ne savaient pas trop quoi en faire. Nous avons donc décidé de nous en occuper, avec Cyril Dohar [créateur de la société d’éditions Fairwood Music, celui-ci travaille entre autres avec les Tambours de Brazza et Zé Manel. Christian Polloni l’a rencontré lors de l’enregistrement de l’albumGalo Negro de Sam Mangwana]. Les maisons de disques que nous avons approchés étaient assez frileuses et cela a donc pris pas mal de temps avant que l’on aboutisse.
Compilation, A Hand-Full Of Namibians, (On The Corner – Nocturne), 2004