Kinshasa à l'heure du rap
Pour la première fois, le festival marseillais MIMI s’est délocalisé à Kinshasa en République Démocratique du Congo du 11 au 14 novembre. Avec une programmation à la fois internationale (France avec Dgiz, Japon avec Harpi, Liban avec le duo Saop Kills, Sénégal avec Pee Froiss ) et locale (avec la jeune scène urbaine Kinoise, Bawuta Kin, Bebson de la rue,PNB,Munia et Smoke) et des ateliers d’artistes, ce festival ovni a permis de tisser des liens entre le milieux hop hip kinois et français, à la Halle de la Gombé au Centre Culturel Français.
Rencontre entre rappeurs français et kinnois
Pour la première fois, le festival marseillais MIMI s’est délocalisé à Kinshasa en République Démocratique du Congo du 11 au 14 novembre. Avec une programmation à la fois internationale (France avec Dgiz, Japon avec Harpi, Liban avec le duo Saop Kills, Sénégal avec Pee Froiss ) et locale (avec la jeune scène urbaine Kinoise, Bawuta Kin, Bebson de la rue,PNB,Munia et Smoke) et des ateliers d’artistes, ce festival ovni a permis de tisser des liens entre le milieux hop hip kinois et français, à la Halle de la Gombé au Centre Culturel Français.
S’il existe encore des initiatives musicales utopistes dans le firmament de la musique dans le monde, il est certain que l’AMI (l’association d’Aide aux Musiques Innovatrices) est une petite étoile qui brille ardemment. Après un festival MIMI NOR, qui s’est déroulé à Narian-Mar dans la région Nenetzs en Russie, c’est donc la capitale congolaise qui a été choisie pour devenir le siège "d’une coopération pour l'émergence d'une économie musicale équitable" prônée par cette organisation phocéenne dirigée par celui que l’on appelle ici Papa Ferdinand, alias, Ferdinand Richard. Couplé à des ateliers de développement de régie son, de musique assisté par ordinateur, de création textile autour de la mode urbaine, à des séminaires de réflexions sur le développement de management artistique, ou d’écriture slam-rap, ce festival a permis à des artistes de différentes nationalités de se retrouver ensemble sur scène à Kinshasa. Entre le trip hop arabe inspiré du duo libanais de Soap Kills, les festifs et engagés Pee Froiss, les rimes brutes de PNB, le hip hop teinté de ndombolo des Bawuta Kin, le flot impressionnant de Bebson de la Rue, la poésie de Smoke ou de Dgiz, le festival MIMI SUD restera comme une petite parenthèse, un pont entre l’Afrique des Grands lacs, l’Europe, le Moyen Orient et Japon...
Rencontre avec deux rappeurs-poètes qui, au-delà de leurs look de rappeurs des ghettos, prônent l’amour et le droit à l’écriture. Dgiz le parisien et Smoke le Kinois, rencontrés après un free-style mémorable qui a rassemblé tous les MC du festival et la flûte de la magicienne Sylvaine.
Ce festivalMimi Sud est-il une expérience artistique particulière pour vous ?
Dgiz: Ce festival est vraiment à part, c’est sûr, notamment par sa programmation. Aujourd'hui, je ne peux pas analyser tout ce que nous avons vécu en quelques jours.Je peux juste dire qu’il y avait une énergie extraordinaire, et aucune différence entre les artistes, les stagiaires d’ateliers, et le public, entre les Français, les Congolais, les Japonais, les Sénégalais etc... On fait tous partie d’un même mouvement où l’on ne triche pas. On ne se ressemble pas en surface, ici certains groupes de rap sont très influencés par les Américains par exemple. Mais dans le fond, on a tous un même combat: celui de rester soi-même. Ici, la musique est partout, j’ai été accueilli par un super boeuf. Cela n'a rien à voir avec ce que l’on vit parfois dans des festivals français où les groupes se snobent. Pour moi, ce festival était un rendez-vous important, je ne cache pas que j’avais beaucoup préparé cette date.
Smoke: A Kinshasa, nous n’avons pas l’habitude d’assister à des festivals où la programmation est aussi éclectique. On n’avait jamais vu de Japonais. Lorsque j’ai entendu le groupe Harpi au début, j’ai eu un peu de mal à entrer dans leur musique, mais ce groupe nous a ouvert des horizons totalement nouveaux, tout comme Dgiz ou Souleyman Diamanka. Même si nous appartenons à un même mouvement, celui du hip hop, nous avons différents regards. Nous avons les mêmes revendications: un discours adressé à la jeunesse sur les dysfonctionnements de notre pays. Au Congo, nous avons une augmentation de la délinquance, de plus en plus d’enfants qui se retrouvent dans les rues, les shégués, nous avons d’énormes problèmes de transport et d’éducation. Je pense que Dgiz et Souleyman se retrouvent aussi dans ces préoccupations. La seule différence est peut être que pour un rappeur congolais, faire de la musique coûte cher. On doit payer l’enregistrement, payer les radios et TV pour qu’elles passent nos disques, et en dehors des bals de fac de fin d’année, il y a encore peu de structures pour faire jouer des rappeurs. Nous devons avoir un autre métier pour vivre.
Un de mes plus beaux souvenir reste la rencontre avec Souleyman Diamankara autour de l’atelier Slam/écriture rap. Nous venons d’horizon très différents et nous nous sommes retrouvés dans l‘écriture. Nos textes se complétaient, c’était très poignant.
Qu’est ce qui vous fait écrire ?
Dgiz: Ce qui me fait écrire ce sont les émotions, les rencontres en ateliers d’écriture avec des gamins, la peur aussi parfois, l'amour... Quand mon stylo marche pas, je rappe pour réagir et utiliser ma plume plus que mon poing pour m’exprimer. Pour être honnête, cela fait quelques temps que je n’ai pas écrit. Parfois, ça me fait flipper car l’écriture est un pouvoir, il faut encore avoir des choses à dire, d’autres choses à dire, et bien les dire car ce sont les mots que le public retient. Globalement, je suis là pour donner et exprimer de l’amour.
Smoke: Pour moi, l‘écriture c’est se laisser aller au gré de ses émotions, avec une part de travail et de relecture pour structurer. "Je suis en vie d'écrire"! Ce qui me fait écrire, c’est l’amour sous toute ses formes. Aujourd’hui, il est beaucoup plus facile de parler de haine, c‘est plus démagogique, ça éveil nos instincts. On parle de l’amour de manière tellement ridicule, alors pour un artiste ce n’est pas facile d’être crédible.
Je regrette que le hip hop soit associé à la colère,à la hargne, à la violence. J'ai écrit une chanson intitulée Blue Buracon ou je parle de coeur bleu comme on parle de sang bleu, de nobles sentiments. C’est ça qui m’inspire.
Pour écrire, la langue est aussi très importante. J’écris en français, en lingala et un peu en anglais. Certains mots me viennent plus facilement en français car le lingala ou le swahili ne peuvent pas exprimer certaines idées ou certains états qui me poussent à écrire, comme l’anxiété.
Comment voyez vous votre avenir artistique dans 10 ans ?
Dgiz: Je serai toujours dans le rap! Je suis en train d’écrire une chanson dans laquelle je dirais à un psychologue: "Docteur, est ce normal, j ai soixante quatre ans et je fais toujours du rap?" D’ici 10 ans, je pense que je me tournerai aussi un peu vers la comédie et le théâtre. Je voudrais aussi évoluer d’ici quelques années vers la création d’une association à mon nom pour fédérer mes activités en atelier, la scène, les disques etc. Je serai toujours dans le slam, la poésie et le hip hop.
Smoke: Dans 10 ans, je me vois plutôt architecte, car je suis actuellement étudiant. Peut être que j'évoluerai vers la production ou l’écriture, mais je ne pense pas encore faire de la scène parce que je pense sincèrement qu’au bout d‘un certain nombre d’albums, un artiste n’a plus grand chose à dire, alors je préfère m’arrêter avant d’en arriver là. J’essaye d’être le plus pessimiste possible pour ne pas être déçu.