Keren Ann

Le quatrième album solo de Keren Ann s’appelle Nolita. Ces dix chansons magnifiquement susurrées par l’une des plus internationales songwriters de la planète pop resteront comme parmi ses plus belles, ses plus touchantes. Pour la composition de l’album, Keren Ann a procédé à un grand écart tout aussi géographique que linguistique pour conter en français et en anglais ses états d’âmes, entre les États d’Amérique où elle était installée et la France où l’album sort en premier.

Nolita

Le quatrième album solo de Keren Ann s’appelle Nolita. Ces dix chansons magnifiquement susurrées par l’une des plus internationales songwriters de la planète pop resteront comme parmi ses plus belles, ses plus touchantes. Pour la composition de l’album, Keren Ann a procédé à un grand écart tout aussi géographique que linguistique pour conter en français et en anglais ses états d’âmes, entre les États d’Amérique où elle était installée et la France où l’album sort en premier.

Keren Ann, française d’adoption, hollandaise de nationalité et provisoirement expatriée à New York a en réalité un seul et même passeport. Il n’a pas le format conventionnel. Il aurait plutôt la taille d’un large étui à guitare qui pourrait en accueillir de toutes sortes, des électriques rares et racées, du genre Fender ou Rickenbacker, des acoustiques bombées ou encore de belles guitares folk aux cordes tendues, comme celles que Joni Mitchell, Joan Baez ou Suzanne Vega ont grattées plus d’une fois. Alors que la Stratocaster avait traversé l’Atlantique pour la tournée américaine du précédent album Not going anywhere, Keren Ann a oublié cette fois les caisses d’amplis pour promouvoir Nolita.

Sur son dernier album, Keren Ann a mis la pédale douce sur les wah-wah et autres racks d’effets. L’harmonica et le violon sur Chelsea Burns démontre que la franco-hollandaise a toujours plusieurs cordes musicales à son arc pour interpréter ses ritournelles mélancoliques et intimistes, tristes et profondes, venues tout droit des entrailles pour atteindre directement le coeur. Cette fanatique du spleen compose sans compter. Nuit et jour, elle a posé sa voix sans forcer devant le micro du studio new-yorkais qu’elle a utilisé pour Nolita. Elle a hurlé des murmures de toute beauté et surtout travaillé les arrangements elle-même avec la délicatesse d’un orfèvre. "Je suis attirée par la mélancolie, c’est ce qui me vient toujours en composant de la musique." Cette dernière est parfois rock, souvent folk, toujours pop (tout est mélodieux sur Nolita) ou country (l’influence de l’Amérique ?).

Polyglotte en chanson

Keren Ann cite volontiers ses sources, des artistes féminines qui peuvent avoir jouer un rôle inconscient dans la composition de Nolita : "J’ai pu écouter Carole King ou Françoise Hardy pour le plaisir de la mélancolie qui se dégage de leur musique. La langue dans laquelle la chanson a été composée n’a pas d’incidence sur l’écoute, le plaisir était le même dans les deux langues. A une période de ma vie, j’ai peut-être eu plus d’intérêt pour les chansons écrites en français. J’ai commencé à lire et étudier en France mais ce fut bien plus tard". Cette polyglotte de la chanson compose aujourd’hui plus instinctivement en anglais, ce qui ne la fait pas passer pour autant pour une autochtone quand elle chante, comme récemment, dans des petites salles américaines. "Aux États-Unis ou en Corée du Sud, on me considère comme une artiste française. Cela me va parfaitement. Cela fait vingt ans que je suis installée ici. Je n’ai pas besoin d’avoir une nationalité particulière pour faire de la musique. De toutes façons, je ne vis jamais dans un seul endroit. Le fait d’avoir des parents russes, hollandais, israéliens ou indonésiens n’a pas de rapport avec la musique que j’écoute. J’apprécie toutes les musiques, du folk irlandais ou de la musique brésilienne, par exemple, mais c’est vrai que les origines diverses de mes aïeux ont forcément un rapport avec ce que je fais, elles influencent mon caractère et donc la façon dont j’écris."

Le mode d’écriture choisi pour les quatre albums de Keren Ann, les collaborations effectuées avec les autres artistes se sont produites de la même manière : "Quand on compose un album, c’est un travail solitaire. Il se fait à l’écart des autres et en totale déconnection avec l’extérieur. Mais c’est très agréable de faire un disque avec quelqu’un d’autre, d’avoir un regard différent sur sa propre musique, car au bout du compte, seule, on finit toujours par détester tout ce qu’on fait." La chanson For You And I a été réalisée avec Bardi Johansson, du groupe islandais Bang Gang, avec qui Keren Ann a déjà enregistré l’album Lady And Bird, "tout simplement parce qu’il est venu me rendre visite en studio pendant deux jours. On a donc eu l’occasion de faire cette chanson". Doriand a co-écrit Midi dans le salon de la duchesse, "une chanson partie d’une très belle phrase de Doriand sur laquelle je suis tombée. Elle disait : ma jeunesse ressemble à ceux qui s’aiment encore. Je lui ai demandé de passer une après-midi avec lui pour travailler sur la composition du texte et de cette chanson car je trouvais la phrase très belle".

La chanson qui conclut le disque, Song of Alice dont le texte introductif est narré par le cinéaste new-yorkais Sean Gullette, rappelle l’attirance de Keren Ann pour la Grosse Pomme. "J’ai ressenti le besoin de retourner à New York pour enregistrer les chansons que j’avais écrites là-bas. Elles ont un rapport avec ce que j’y ai vécu et que j’y vis encore. C’est une relation avec la ville qui est assez semblable à celle que je peux avoir avec Bruxelles, Reykjavik ou Paris."

Keren Ann Nolita(Capitol/EMI) 2004