LA CHANSON CONTESTATAIRE EN QUESTION
Où en est la chanson contestataire en France ? La Cité de la Musique à Paris propose une série de concerts sur ce thème avec Les Wampas ou encore le groupe Bell Oeil, mais aussi des artistes tels que Dominique A et Philippe Katerine que l’on n’attendait pas forcément à cette place . Décryptage.
La Cité de la Musique ouvre le débat
Où en est la chanson contestataire en France ? La Cité de la Musique à Paris propose une série de concerts sur ce thème avec Les Wampas ou encore le groupe Bell Oeil, mais aussi des artistes tels que Dominique A et Philippe Katerine que l’on n’attendait pas forcément à cette place . Décryptage.
Contestataire. Le mot est lâché. Immédiatement viennent à l'esprit quelques références illustres et incontournables : Le Temps des cerises de Jean-Baptiste Clément et Antoine Renard pour la caution historique ; Léo Ferré l’anarchiste pour l’héritage de mai 68. Et, un peu plus récemment, les morceaux incandescents de Bérurier Noir pour la radicalisation des propos. Mais Dominique A et Philippe Katerine, chantres du minimalisme à la française, là, franchement, on n’y croit pas trop. Pourtant, ils sont effectivement programmés lors du cycle consacré à la chanson contestataire organisé à Paris par la Cité de la Musique entre le 15 et le 19 décembre 2004. Première tentative d’explication : tous deux ont rendu hommage à Léo Ferré sur la compilation Avec Léo. Exact, mais c’est un peu court pour faire d’eux de grands révolutionnaires…
Et si l’on avait fait fausse route ? Avec Dominique A et Philippe Katerine, la contestation n’est peut-être pas là où on l’attend. Chez ces poètes, pas de poings levés, pas de drapeaux rouges, pas de messages politiques. Et pourtant, leur démarche artistique est profondément contestataire. L’objet de la contestation de leurs chansons n’est pas la société ni l'époque. Cette contestation est uniquement d’ordre artistique.
Le journaliste Richard Robert, spécialiste de la scène française, a son idée sur le sujet : "La chanson est l’un des arts les plus difficiles qui soient, parce qu’elle est a priori contrainte, formatée. Tous ceux qui essaient de la transformer, de la faire évoluer, sont dignes d’intérêt. Aujourd’hui, il y a bel et bien en France une “chanson” qui mobilise toute son énergie pour se remodeler de fond en comble, qui refuse de laisser germer les mauvaises graines de l’habitude. Katerine et Dominique A font partie de ces gens-là." Ce dernier, taxé de minimalisme au début de sa carrière, s’est offert pour Tout sera comme avant (titre forcément ironique de son disque sorti cette année) les services de l’arrangeur de L’imprudence d’Alain Bashung. Il en résulte un album hautement symphonique, qui n’a plus rien à voir avec l’économie de moyens du Courage des oiseaux.
Contestation artistique et choix esthétiques
Dans le cas de Bell Oeil, la filiation avec la chanson contestataire est plus évidente. Le groupe angevin a consacré un album entier à des reprises de Léo Ferré : Hurle tout… Léo Ferré. "La contestation n’est pas nécessairement dans l’anarchie, dans les prises de positions politiques", explique l'un des membres. "Ce qui est fort chez Ferré, c’est la liberté dont jouissent ses mots. C’est tout sauf du show-biz. Le show-biz, c’est quelque chose de faux, des mensonges, le grand cirque. Bien sûr, la chanson c’est du spectacle. On est là pour donner à un public. Mais, comme pour toute forme d’art, il y a une responsabilité, on ne peut pas raconter n’importe quoi. Notre objectif est de toucher les gens, de parler d’homme à homme, sans artifice."
Placer l’homme au coeur de sa démarche artistique, c’est ce vers quoi tend Christophe, le chanteur de Bell Oeil. Et c’est ce qu’il tente de faire dans son nouvel opus qui sort en 2005, Un Corps : "Avec le prochain disque, je quitte le “je”, l’ego, je m’ouvre davantage sur les problèmes des autres, je pense un peu moins à moi. Avec Ferré, il y avait déjà une échappée hors de soi, l’envie de pousser le cri d’un autre. Le but du nouvel album sera d’essayer de comprendre comment fonctionne un homme. Il s’agit d’une question très drôle, presque surréaliste. C’est une question sans réponse mais on se doit de la poser en tant qu’artiste."
Également au programme, Les Wampas. Punks et désinvoltes, ils déclarent ne pas faire du rock’n’roll pour évoquer les maux de la société. Et quant au tube Manu Chao ? Une simple boutade. Pas du tout une pique contre l’alter mondialiste et son compte en banque bien garni. Mais n’oublions pas que, malgré le succès, Didier Wampas n’a pas abandonné son emploi de technicien à la RATP (Régie Autonome des Transports Parisiens). Et quel bonheur de le voir l’année dernière hurler "Les Wampas n’aiment pas Kyo" en pleine cérémonie des Victoires de la Musique. C’est peut-être ça, la contestation aujourd’hui, savoir rester soi-même.
"L’engagement peut se trouver au-delà des paroles et des textes", explique Maryse Franck, programmatrice de l'événement proposé par la Cité de la Musique. "Nous avons fait des choix essentiellement esthétiques". L’affiche alléchante de ces soirées serait en fait la représentation d’une sorte de contestation artistique, d’une volonté d’être à la pointe de l’innovation musicale. Tous les artistes évoqués sont de grands contestataires. Il suffisait juste de le savoir…
Concerts à la Cité de la musique, Paris : Dominique A et Katerine le 17 décembre 2004 à 20h00, Les Wampas le 18 décembre 2004 à 20h00.