La tentation pop de Lokua Kanza

Salué pour sa prestation au sein du projet collectif Toto Lokua Bona aux côtés de Richard Bona et Gérald Toto, Lokua Kanza revient en solo avec l'album Plus vivant. Sur ce disque tout en français, l'artiste congolais a sollicité quelques-unes des meilleures signatures de la scène parisienne actuelle.

Premier album tout en français pour le chanteur congolais

Salué pour sa prestation au sein du projet collectif Toto Lokua Bona aux côtés de Richard Bona et Gérald Toto, Lokua Kanza revient en solo avec l'album Plus vivant. Sur ce disque tout en français, l'artiste congolais a sollicité quelques-unes des meilleures signatures de la scène parisienne actuelle.

 

 Dans "show-business", il y a "business". Tous les artistes pop un peu cotés vous l'expliqueront : s'il n'y avait que le show pour seul moteur, l'affaire serait des plus simples. Mais il y a les chiffres qui vont avec. La musique demeure avant tout un business. Autrement dit, les ventes sont le meilleur avocat que l’on puisse trouver dans l'industrie du disque. Ce sont elles qui donnent les moyens d’inscrire une carrière dans la durée. Mais pour y parvenir, les artistes, bien souvent, doivent savoir s’adapter au marché, se soumettre à la demande du grand public, qui, lui, est vraisemblablement formaté pour consommer plus massivement tel style de musique en lieu et place d’un autre, en apparence plus complexe.

Lokua Kanza aurait-il intégré ces principes de base, nécessaires aux amateurs de grands succès ? Après tout, cela fait vingt ans qu’il affûte ses armes de guerre à Paris, dans l’attente de l’ultime crossover. "Un artiste qui ne veut pas toucher plus de monde, qui ne veut pas avoir beaucoup de public, n’a qu’à prendre sa guitare et aller jouer dans le désert", confie-t-il avec le sourire. Son nouvel album donne cette impression (effectivement) de vouloir séduire un panel plus large de fans. Et les critiques des musiques du monde, qui ont l’habitude de chroniquer ses albums, supposés plus roots ou plus africains, vont probablement s’arracher les cheveux avec ce quatrième opus, dont le titre éponyme, Plus vivant, résonne comme une boutade dirigée contre tous ceux qui veulent le cantonner dans un seul univers.

"Il y a des gens qui décident de ce que doit être un musicien africain. Je ne veux pas faire de polémique. Mais quand un mec comme Prince chante sa musique, en ajoutant des petites influences venues d’ailleurs, on dit que c’est un génie. Quand Peter Gabriel commence à faire du mbalax, on dit que c’est un génie. Et quand un Africain commence à faire des expérimentations, on dit qu’il se perd. Il faut qu’on arrête ça, que l’artiste soit libre de faire ce qu’il a envie de faire. Et il faut faire attention aux gens qui pensent que les Africains doivent être comme ci ou comme ça en musique." Ce discours, on se rappelle, lui a valu un divorce avec une major du disque. "C’est du passé. J’ai tourné la page", commente-t-il sans amertume.

Démarche moins surprenante

 

    La vérité est que son talent nous a surtout habitués à d’autres envies. Au début des années 90, Lokua Kanza passait aux yeux de tous (à Paris) comme l’un des artistes africains les plus prometteurs. Paradoxalement, de son côté, il a cherché à brouiller les pistes à chaque nouvel album, entretenant des expériences musicales auxquelles personne ne s’attendait. "On a le droit de changer. Je suis sur un terrain nouveau avec cet album. Pour certains, c’est de l’ordre de l’expérimentation. Mais je crois que, quand on est artiste, on passe forcément par une expérimentation, comme un laborantin. Je ne crois pas que ce soit un exercice de style. Je n’ai pas fait de variété, ni de R&B. La musique est celle de Lokua. La langue est différente de celle dans laquelle je chante d’habitude, le swahili ou le lingala. Et encore... D’habitude, il y a un ou deux morceaux en français et là, c'est un album entier. Mais la musique est toujours là". On aimerait bien le croire...

Dans l’album précédent, Lokua avait réussi un challenge autrement plus audacieux. Il avait adapté l’esprit de la pop, telle qu’on la conçoit ici en Occident, à ses tourneries vocales habituelles, à ses influences diverses, en donnant à entendre une musique moins formatée, même lorsqu’il fredonnait à la manière de Nat King Cole. Dans cet album-ci, il donne à voir l’image d’un artiste s’adaptant à la pop telle qu’elle se produit actuellement en France, avec des textes écrits par des figures de la scène française : Camille, Marie Nimier (Prix Médicis) ou la Belle du Berry (Paris Combo). D’aucuns pensent à Star Academy, aux nouvelles stars telles que Corneille, avec qui il partage un titre en duo sur l’album. Une démarche moins surprenante, qui réduirait un peu son champ d’expression.

Lokua va-t-il pour autant atteindre le fameux crossover et signer là son premier disque d’or ? Car depuis le temps que l’on salue son talent, depuis le temps qu’il joue à cache-cache avec le grand public – on se souvient encore du tube Shadow Dancer – l’artiste n’a pas rencontré son heure de gloire, en termes de ventes : "Le succès, c’est relatif. J’ai mon public qui est toujours là et qui me soutient. Maintenant, je n’ai aucune idée de ce qui fait vraiment le succès ou pas. J’aurais la clé, j’ouvrirais la porte." Il n’empêche : lorsque l’on s’adapte autant à ce qui se fait de mieux sur le marché hexagonal, au point de donner l’impression d’y perdre son âme, c’est que l’on espère quelque chose en retour. Re-sourire... "Je répondrai dans deux ans."

Lokua Kanza Plus vivant (Yewo Music/ Universal) 2005