Musique du Bénin

Du jamais vu. Du pas entendu non plus. Sonorama, sud du Bénin préfigure une nouvelle manière d’appréhender les musiques et danses traditionnelles. Loin des chapelles savantes et plus près du terrain, ce projet mené par deux jeunes Français invite à découvrir en trois dimensions des traditions en constante rénovation.

La tradition remise à l’heure des mutations

Du jamais vu. Du pas entendu non plus. Sonorama, sud du Bénin préfigure une nouvelle manière d’appréhender les musiques et danses traditionnelles. Loin des chapelles savantes et plus près du terrain, ce projet mené par deux jeunes Français invite à découvrir en trois dimensions des traditions en constante rénovation.

 

 "Notre ambition était de créer une nouvelle forme de documentaire, avec une inspiration plus mélomane que professorale. Nous écoutions du dub, de l'electro, et nous avons vite découvert des ponts évidents avec les musiques du Bénin, qui s’avèrent même souvent plus complexes. Nous avons donc juste donné les moyens et outils pour que chacun puisse s'immerger dans cet univers, donner les clefs d'accès aux néophytes qui peuvent trouver ces musiques arides de prime abord pour le comprendre comme nous sur place." À l’origine de ce vaste projet avec deux compères, Jean-Baptiste Miel et François Lecuyer, François-Romain Dumont ne prétend pas faire oeuvre de musicologie. Bien au contraire. Lui préfère souligner la dimension ludique et interactive de cet objet inédit, Sonorama, qui réunit en une double galette un DVD-rom et une compilation, avec de réelles prétentions documentaires visant à dresser un état des lieux "subjectif, surtout pas exhaustif" de la scène des musiques dites traditionnelles du sud Bénin. "Ce sont les musiciens qui se définissent comme tels. Mais attention, cela n’a rien à voir avec l’image qu’on peut en avoir ici : ces traditions sont en constante évolution. C’est une matière vivante. Jacqueline Adomou Gancoumé, par exemple, est une chanteuse qui reprend la tradition akonhoun, "le tambour de torse" en fon, un rythme joué autrefois uniquement avec des percussions et sur le corps. Comme elle vit à Cotonou, elle y a ajouté d’autres instruments et le tempo s’est accéléré. Le résultat est à la fois très traditionnel et très urbain. Il ne répond en rien aux classifications classiques."

Nul doute que le projet fait mentir à plus d’un titre les clichés folklorico-touristiques, figés par un ethnocentrisme condescendant. l’inverse de ceux qui viennent enregistrer des musiques en une ou deux semaines, nous avons préféré partir de cassettes dans le commerce, des artistes qui ont une légitimité populaire. Puis nous avons ajouté quelques enregistrements réalisés par nos soins. Parallèlement, nous avons filmé et mené des interviews avec chacun." On découvre ainsi comme les gamins des rues reprennent les us et coutumes de leurs aînés, qu’ils modifient forcément, fortement, comment les musiques sont sorties du domaine exclusif du sacré pour envahir le quotidien citadin. "Il y a beaucoup de cérémonies qui sont modernisées, contrairement à ce que raconte la littérature européenne. Le guélédé tel qu’on a l’a vécu, c’est un truc trash !" Danses de rue comme les katelas ou répertoire dédié aux funérailles comme le tchinkoumin, multiples appellations pour les tambours de toutes tailles mais aussi contexte socio-politique, tout est expliqué en trois dimensions, avec une multiplicité des points de vue. Il y a même en appendice un livret des plus complet, avec un lexique fort utile. C’est ce fourmillement d'idées et d’infos qui fait tout le prix de cet ovni dans le paysage audiovisuel actuel. Après quatre ans dont un de développement bénévole, quelque 40.000 euros de subventions et surtout beaucoup de bonne volonté, Sonorama est enfin publié.

 

    Que de chemins depuis le début, en juin 2000, quand ces deux coopérants en fin de mission décident de se lancer dans l’aventure, aidés par un étudiant canadien en anthropologie. "Le projet s’est étoffé et affiné, tout comme notre démarche s’est structurée et professionnalisée, même si on n’a pas gagné un sou." Deux heures de vidéo, 1 heure d’entretiens, 5 modules interactifs de décomposition des danses et rythmes, 300 photos, 15 titres entre originaux et ambiance, 37 textes, le travail est titanesque pour ceux qui s’appellent, non sans humour, les "cosmonotes". Un objet "hors des contraintes du marketing", un peu extraterrestre ! "L’accueil des professionnels est plutôt bon, mais ils sont déstabilisés par l’ampleur de la chose. Il y a tellement d’infos que cela peut paraître presque farfelu. Nous souhaitons le décliner, mais il faudra le rendre plus simple d’accès, sans pour autant perdre l’originalité : exploiter au maximum les ressources du multimédia." Autrement dit : sortir du programme linéaire, pour ces collecteurs de trésors sonores qui admirent "la qualité du travail et le respect" d’Alan Lomax, "la référence". Auto-édités, distribués dans des libraires ou disponibles sur Internet, les 1000 exemplaires de “Sonorama” rencontrent déjà leur public. Eux songent désormais à la suite, "bien sûr en Afrique où nous avons balisé le terrain, mais nous ne voulons pas nous limiter à ce continent". Un voyage s’organise pour bientôt au Burkina Faso. "Je vais bien entendu filmer !" De quoi peut-être mettre la puce à l’oreille d’un éditeur plus curieux que la moyenne…

Sonorama, sud du Bénin, documentaire interactif, DVD-Rom Mac/PC, CD audio (Cosmonote) 2004