ELECTRO LIBRE

Des majorettes chamarrées, un titre tonitruant : Rubin Steiner poursuit avec Drum major ! son goût des mélanges et du décalage. Recueil joyeusement foutraque accouché par ordinateur, sa nouvelle sortie confirme le statut de franc tireur de l’électrophile tourangeau.

Un nouvel album de Rubin Steiner 

Des majorettes chamarrées, un titre tonitruant : Rubin Steiner poursuit avec Drum major ! son goût des mélanges et du décalage. Recueil joyeusement foutraque accouché par ordinateur, sa nouvelle sortie confirme le statut de franc tireur de l’électrophile tourangeau.

 

 Bien malin celui qui pourra mettre avec précision une étiquette sur Rubin Steiner. Jazzman de synthèse ? Sampleur iconoclaste ? Trublion électro à la sauce post-French Touch ? Adepte du grand écart, entre lounge music et côté punk, le tourangeau n’est pas un brouilleur de pistes autoproclamé. Mais il prend soin de ne s’interdire aucune fantaisie sonique.

Ses dernières élucubrations discographiques en date l’avaient vu tutoyer la blue note, avec le très fréquentable Wunderbar Drei ("un objet un peu cohérent, un peu jazzy sur les bords. Au bout du compte, c’était presque un exercice de style"). Le bougre s’était même vu remettre la Révélation électro-jazz 2002 par l’Adami ! De quoi conforter ceux qui pensaient voir le sieur Steiner (Fred Landier à la ville) en émule de St Germain. Ceux-là n’avaient probablement pas vu les live du Rubin Steiner Quartet, nettement plus débridés que ceux de son (faux) frère de sample ! Avec Drum Major!, sa nouvelle livraison, Steiner confirme son penchant pour une électro libre, à l’abri des chapelles et des querelles d’écoles. "Il  n’y a ni contrainte ni règle : tout est spontané", avance Landier à propos de Drum Major! "Jusqu’à ne pas trop bosser les morceaux pour garder une certaine fraîcheur…Cette espèce de truc qui fait que tu ne sais pas trop pourquoi tu fais les choses, alors que quand tu bosses trop sur un morceau, tu sais pourquoi tu les fais ! Là, il n’y a que des choses qui ont été faites très rapidement".

Sampling et spontanéité

Aux antipodes de la "musique papier-peint" ou d’une scène électro-jazz qu’il fustige au même titre, Steiner esquive le formatage. Quand certains misent sur l’attitude, ou donnent dans les beats à usage unique (la house exclusive aux clubs, l’électro de boudoirs etc.) l’inventeur du nonsensique "Lo-Fi" (en opposition au son Hi-fi !), opte, lui, pour le tout ludique. "Je fais de la musique comme d’autres des jeux vidéo. Il n’y a que ça qui m’amuse, et je ne réfléchis pas trop à ce que j’ai envie de faire !". D’où un retour avec ce Drum Major!, au bouillonnant et aux collages foutraques qui définissent son univers - autant dire un périmètre rythmique à géométrie variable ! Une sorte de bricolage musical inspiré, ou sampling rime avec spontanéité. Et où les titres sonnent, malgré leur constance manifeste, comme autant de clins d’oeil second degré (du premier extrait Your life is like a Tony Conrad concert à Put your horn in your ass and pull off - qu’on se gardera bien de traduire...). "Au départ, je me fais plaisir à moi. Après, si ça plait à des gens…tant mieux ! Mais je n’ai pas de cahier des charges, ou de comptes à rendre" poursuit Steiner, presque surpris aujourd’hui encore que son goût pour le bizarre et l’étrange se retrouve gravé sur CD et vinyle.

"Proposer autre chose que des disques" 

 

    Passionné par la matière sonore et véritable puit d’érudition discographique (sa conversation est ponctuée de références toutes plus ou moins obscures pour les oreilles béotiennes), le créateur du fanzine Le stéréophile avance à contre courant, confiant sans mal sa méconnaissance de la club-culture. "Je ne suis jamais allé en boîte, sauf quand je fais le DJ !". C’est que Steiner préfère largement décliner sa science du live avec tambour et trompettes (son Rubin Steiner Neue Band est plus précisément une formation basse-batterie-trombone-guitare-machines) que derrière ses seules platines. "Il faut proposer autre chose que des disques, aller rencontrer les gens en concert" se justifie-t-il. "Moi, je ne connais pas grand-chose à l’électro française. Il y a plein de producteurs de techno, de jungle…ça produit à tout va : ils sortent des disques tout le temps. Mais c’est un truc vachement fermé, cadré. J’ai un peu de mal avec les chapelles, ça me fait un peu peur ! Les mecs qui font de la house, c’est pareil. C’est super bien produit, mais à un moment, je préfère voir un mauvais groupe sur scène qu’un super producteur qui va passer des disques". Et le trublion colleur de sons d’ajouter, beau joueur : "je ne revendique pas non plus une non appartenance à la ‘grande famille de la musique électronique’ en général : je ne veux pas faire ma brebis galeuse ! Simplement, j’essaie de faire un truc personnel et singulier sans entrer dans des chapelles bien définies de hard-house ou disco-je-sais-pas-quoi !". Il y parvient ici avec un redoutable brio.

Rubin Steiner Major Drum! (Platinum/BMG) 2005