Anggun

Il aura fallu quelques années pour que la jeune Indonésienne s'affranchisse de son image lisse. Le temps d'intégrer une nouvelle culture, de s'y adapter et de reprendre le dessus sur l'environnement. Aujourd'hui, Anggun aborde une trentaine rayonnante et ose laisser apparaître les différentes facettes de sa personnalité. Son nouvel album reflète son évolution personnelle et artistique.

Luminescence

Il aura fallu quelques années pour que la jeune Indonésienne s'affranchisse de son image lisse. Le temps d'intégrer une nouvelle culture, de s'y adapter et de reprendre le dessus sur l'environnement. Aujourd'hui, Anggun aborde une trentaine rayonnante et ose laisser apparaître les différentes facettes de sa personnalité. Son nouvel album reflète son évolution personnelle et artistique.

      C'est la seconde fois qu'Anggun est une star de la musique. La première fois, c'était en Indonésie : douze ans de carrière, une enfance sur scène, des millions d'albums vendus. Jusqu'au jour où elle décide de reconquérir succès et public toute seule, ailleurs. "J'avais vingt ans, j'ai acheté un aller simple pour Londres. Mais c'est lorsque je suis arrivée à Paris  - la beauté et la grâce parisiennes m'interpellent ! -  que tout s'est enchaîné assez rapidement. J'avais abandonné ma carrière en Indonésie et je me voyais mal rentrer à la maison avec mes valises, j'avais cette fierté-là."

Avec ce troisième album produit en France et le titre D'où l'on vient, les racines reprennent naturellement leur place : "C'est la première fois que j'évoque ma culture de façon aussi frontale, que je parle de mon pays". Si le passé peut ainsi sereinement refaire surface, c'est que la phase de transition est dépassée et ses turbulences maîtrisées : "Dans la langue française, il y a tellement de mots pour tout, on adore parler, exposer le moindre mal-être alors qu'en Indonésie, cela ne se fait pas. Ce n'est peut-être pas très sain... Il y a beaucoup de choses que je n'avais jamais extériorisées avant et pour cela, l'Europe m'a fragilisée..." Si Anggun a appris à s'exposer plus intimement, elle a aussi dû gérer une exposition médiatique considérable : en 1998, son premier album est double Disque d'Or avec le titre La neige au Sahara et plus de 900.000 albums sont vendus dans 35 pays. Avec le second, elle cumule près de deux millions d'albums vendus en moins de cinq ans sur le marché international.

Influences éclectiques

Luminescence est plus varié que les albums précédents. Là aussi, les premières amours sont assumées : "J'ai fait du rock, j'ai toujours les vieux albums des Stones et des Beatles... et j'ai eu une période "metal" avec Metallica ! J'ai aussi écouté de la pop industrielle avec Nine Inch Nails". Pour ses influences, Anggun privilégie donc l'ouverture avec une palette de styles musicaux variés qui vont du jazz à la pop, de Billie Holiday à Joni Mitchell en passant par Madonna. Anggun aime aussi découvrir ce qui se passe ailleurs, par l'intermédiaire des chaînes musicales. Pour son nouvel album, elle a donc souhaité plus d'éclectisme : "Des guitares saturées, des chansons douces aux arrangements plus dépouillés, du r'n'b, une harpe... Jusqu'ici, on m'a collé cette image d'"Asiatique qui chante des chansons douces" : c'est moi aussi mais je voulais exploiter d'autres facettes de ma personnalité que le public ne connaissait pas."

 

 Les invités de Luminescence sont autant de contre-points. "Tété. Je suis fan de ce qu'il fait. Il a cette élégance dans l'écriture... Je lui ai dit : J'aimerais que tu ne cherches pas à te mettre dans ma peau, je voudrais que tu sois toi et je voudrais avoir ça de toi. Et la chanson L'improbable cours des choses est arrivée, avec un titre que seul Tété pouvait écrire...!" Et pour la version du single Être une femme qui figure sur l'album, Anggun  tenait à y inclure du rap. "Diam's représente cette autre féminité qui est différente de la mienne, complémentaire. Je trouvais qu'il était intéressant d'avoir son point de vue pour cette chanson, d'avoir sa présence, sa force, sa personnalité, son monde". Car pour Anggun, ce texte n'est pas anodin : "J'ai l'impression qu'en France, même si c'est un pays beaucoup plus "civilisé" que le mien, certaines choses doivent encore être expliquées, parce qu'elles ne sont pas encore bien en place. Je soutiens l'association Ni putes, ni soumises et j'y ai entendu des histoires effrayantes sur les jeunes en banlieue, leur vie, la "non-liberté" de leur corps. Je trouve ça tout simplement incroyable ! Avec cette chanson, je voudrais dire qu'être une femme, c'est quelque chose qu'il faut assumer, même si dans certaines nations, c'est vrai, c'est très compliqué, mais il ne faut pas que l'on cède à ce machisme de base. Il faut surtout passer le message que le mal n'est pas dans le corps des femmes, il est dans la tête des hommes ! C'est très important. Je me rends compte que je suis chanceuse d'être femme musulmane et d'avoir grandi dans un pays qui est très tolérant, très ouvert. En France, c'est très différent et malheureusement, c'est encore un problème".

Lorsque les convictions s'affichent plus franchement, l'engagement suit. Anggun est en 2005  "porte-parole de l'année internationale du micro-crédit", un programme de l'ONU destiné à éradiquer le sous-développement. Un thème qui lui est cher : "L'ONU fait ici confiance aux pauvres en leur prêtant des petites sommes, 20 ou 50 euros, ce n'est rien pour nous mais en roupies, c'est beaucoup d'argent. Suffisamment pour pouvoir commencer quelque chose. L'Indonésie fait justement partie des pays où le micro-crédit marche très fort. On vise surtout les femmes pour qu'elles aient plus de place dans leur foyer, parce qu'habituellement ce sont les hommes qui rapportent l'argent. En Indonésie, il y a 13.000 îles. C'est un pays riche, nous avons de l'or, des diamants que la terre nous a donnés. Mais sur la terre, il y a beaucoup de pauvres. Avec le micro-crédit, les femmes participent à une évolution et changent progressivement leur vie, leur statut social... je suis très fière et très honorée d'être ambassadrice de cette cause." Si le corps luminescent a besoin d'un facteur extérieur pour éclairer, Anggun a su exploiter son environnement pour apprendre à rayonner.

En concert  à Paris du 14 au 17 mars à l'Européen

Anggun Luminescence (Heben Music/Bmg) 2005