Quand la guitare (re)sonne
Il faut remonter à Trust, dans les années 80, pour trouver un groupe francophone qui ait eu l’audace de chatouiller la scène "metal" internationale. Mais avec le retour en vogue de la guitare sévèrement électrisée, des groupes audacieux sortent du bois. La preuve en décibel avec Hollywood Porn Star, Shane Cough et Psykup.
La diversité du métal francophone
Il faut remonter à Trust, dans les années 80, pour trouver un groupe francophone qui ait eu l’audace de chatouiller la scène "metal" internationale. Mais avec le retour en vogue de la guitare sévèrement électrisée, des groupes audacieux sortent du bois. La preuve en décibel avec Hollywood Porn Star, Shane Cough et Psykup.
Haltes aux préjugés. Finit les soli de guitare d’une demi-heure et les cris suraigus. Avec l’arrivée du rap, de l’électronique, les frontières se sont embrouillées. Des valeurs sûres comme Pleymo ou Watcha délaissent les gros riffs gras pour des mélodies plus évidentes.
Un mélange des genres qui permet toutes les audaces, Anthony et Redboy, tous deux membres de l’importante scène pop-folk wallonne, décident un beau jour, comme une bonne blague, de participer à un tremplin musical. Ils écrivent trois morceaux en une après midi, dans un style beaucoup plus électrique, et veulent marquer les esprits avec un nom ultra racoleur : Hollywood Porn Star était né. Les plaisanteries les plus courtes n’étant pas forcément les meilleures, les deux guitaristes remportent le concours et se font remarquer par une maison de disques.
Toute la fraîcheur de la démarche se retrouve dans ce Year of the tiger calibrés pour envahir les ondes. Le groupe, complété d’un batteur et d’un bassiste, garde sa spontanéité et s’amuse des clichés du genre. Petites touches électro, guitares virulentes et refrains pop, Winona et Actarus sont de ces titres qui vous poursuivent toute la journée. Hollywood Porn Star n’aura aucun mal à séduire le grand public mais pour des musiques plus dures le combat est tout autre. Même les grosses machines américaines vendent assez peu en France. Chez les Français, Lofofora, adepte d’un hardcore sans concession, écoule en moyenne 30.000 albums, un gros score pour le style. ETHS, la formation marseillaise qui triomphe actuellement, remplit des salles de 600 places, une réussite pour un groupe qui mélange rythmiques death métal et chant féminin angélique. Metallian, le trimestriel des genres les plus extrêmes, tire à 25.000 exemplaires en France, Canada, Suisse et Belgique. Laurent Michelland, son rédacteur en chef, revendique même cette confidentialité : "Le métal doit rester une musique à part, les gens l’écoute pour ce côté non conforme. Ça explique aussi la fidélité du public".
"Glamour congelé"
Guitares ciselées, hurlement puis les machines qui martèlent : bienvenue dans l’univers de Shane Cough. L’ambiance est posée d’emblée par Marianne, la chanteuse : "Nous, ce qui nous intéresse, c’est comment amener la violence". Intraveineuse est un recueil de musique vicieuse et sensuelle où la froideur domine. Produit en Suède (le pays du regain de vigueur électrique), le son joue à merveille entre saturation, violence bruitiste et mélodies accrocheuses. Des petites perles comme Taste of bruises ou Killing mood vous entraîneront bien vite dans un univers où vous n’auriez pas penser attardez vos oreilles.
Epaulé par le réseau Fédurock, (l’ensemble des salles de musiques actuelles française), ils ont pris le temps de concocter ces treize glaçons brûlants au VIP de Saint-Nazaire. Groupe hors norme, Shane Cough ne répète quasiment jamais. Les trois musiciens rennais envoient leurs maquettes à la chanteuse parisienne qui pose ensuite ses lignes de chants. Une façon de travailler très conflictuelles "puisque je fais rarement ce à quoi ils s’attendent et inversement" mais qui, pour Marianne, est la genèse de leur univers radical. Extrême dans sa musique, Shane Cough l’est aussi sur scène également. Pas d’échange avec le public, des lumières omniprésentes pour une ambiance proche de films de David Lynch, chaque prestation est une performance. Avec une constante, une fois le dernier morceau joué, jamais de rappel.
Changer les habitudes d’écoute
Un peu plus loin encore : Psykup. Avec un seul de leur morceau, un groupe américain enregistrerait un album complet ! Ces Toulousains se répètent rarement, riffs et changement de rythmes se succèdent sur un tempo démoniaque. Dans une veine métal-jazzy-marteau pilon, chaque titre (six minutes en moyenne) suit son propre chemin, sans aucun retour à la case couplet-refrain. Après une première écoute déroutante, on jubile devant tant d’inventivité et d’efficacité.
D’autant que Psykup chante aussi bien en français qu’en anglais, un parti pris assez original dans le style. Pour Milka, chanteur et claviste, c’est l’essence même du groupe : "Il y a beaucoup d’habitudes, de réflexes dans le métal, on veut éviter les chansons bas du front et toutes ces formes sur-affirmées de virilité. Le français est notre langue, nous sommes plus crédibles, plus subtiles. Et puis ça nous amène à travailler sur de nouvelles sonorités. Ça change aussi les habitudes d’écoute du public". Réservé à un auditoire avisé, Psykup prouve néanmoins que l’on peut accorder gros son, imagination et extrême finesse.
Hollywood Porn Star Year of the Tiger (Naïve) 2005
Shane Cough Intraveineuse (Enragé Production/Night and Day) 2005
Psykup L’ombre et la proie (Jerkov/Mosaic Music) 2005