Une nouvelle scène moins bossa, plus nova

Le projet Rumos, qui recense les musiques actuelles au Brésil, est l'occasion de faire un petit tour des productions locales qui changent de la carte postale habituelle "La  baie de Rio, son pain de sucre et sa bossa nova". Tour d'horizon.

Cartographie des nouveaux talents avec le projet Rumos

Le projet Rumos, qui recense les musiques actuelles au Brésil, est l'occasion de faire un petit tour des productions locales qui changent de la carte postale habituelle "La  baie de Rio, son pain de sucre et sa bossa nova". Tour d'horizon.

"La démocratisation et l'expansion de la production culturelle brésilienne est la préoccupation permanente de Itaú Cultural". Au-delà des belles allitérations, il faut saluer les intentions de ce programme culturel pluri-disciplinaire, mis en place depuis 1997 par l'organisme public Itau Cultural. Huit secteurs bénéficient ainsi du soutien institutionnel à travers une aide à la diffusion et à la professionnalisation : arts visuels, littérature, cinéma et vidéo, journalisme culturel... et bien entendu la musique, qui reste le meilleur ambassadeur du Brésil dans le monde.

Des milliers de projets en développement… et, au final, quelques centaines d’heureux élus ont été sélectionnés. En musique, une soixantaine a été retenue dans le cadre de l’opération Rumos, du hip hop à la musique savante, des réminiscences de la samba et du choro aux influences de la pop et du rock. Des musiques traditionnelles à celles élaborées dans les laboratoires de l’électronique, tous les types de formations et de créations ont leur place dans ce projet qui vise à cartographier tout le pays - véritable continent de musiques au pluriel -, à recenser les talents émergents et les styles... L’occasion donc de présenter des artistes peu connus, voire inconnus en dehors du Brésil.



 

 

Loin des clichés


La chanteuse Renata Rosa, à la tête d’un groupe qui explore les multiples traditions rurales du Nordeste, bénéficie d'un début de notoriété en France, où son premier disque est distribué depuis 2004, et où elle a eu l'heur de tourner. Le groupe Cabruera est déjà venu secouer le public de certains festivals en 2003 avec sa formule qui mêle l’esprit du rock aux sonorités traditionnelles. Barbatuques s’est aussi présenté lors de quelques concerts... Mais, à ces rares exceptions près, tous les groupes restent à découvrir.

Il y a ceux qui réexaminent la musique populaire du Nordeste, dont l’orchestre (typique) de Recife, la classique Banda de Pifanos, Maria Ingleterra ou encore Samba Coco de Raizes - un incroyable groupe familial originaire de la ville d’Arcoverde, au fin fond du Pernambouc-. De tradition, il est encore question avec des formations comme Loop B ou Ricardo Siri, mais cette fois réinventée par l’électronique. Quant à Mombojo ou ChicoCorrea & Electronic Band, ils proposent une formule qui fait bien plus songer à un trip hop en version locale. Uniao Racial boxe, lui, du côté du hip hop, avec des mots acérés et un mix combatif. Autant d'artistes qui font mentir les clichés sur la musique brésilienne, éternellement vue à travers le prisme de la bossa nova et de la samba.

Aussi emblématiques (de Rio) soient-elles, aussi historiques restent-elles, ces deux musiques ne peuvent résumer toute la vaste production du Brésil depuis quarante ans. C’est oublier le tropicalisme depuis le milieu des années 60, le funk et la samba soul des années 70, les mouvements rock des années 80 ou encore, depuis le début des années 90, le mangue-beat, fusion de dub incarnée par Chico Science, le hip hop et les bals funk des zones périphériques des grandes villes, les tendances électroniques qui séduisent les enfants des classes moyennes. Dans tous ces registres, les exemples de réussite ne manquent pas ! La plupart se nourrissent du passé pour concocter des mélanges furieusement inédits. Deux exemples parmi tant d'autres, sortis du creuset de Recife, Banda Eddie et Silverio Pessoa : le premier, fondé par celui qui a longtemps dirigé DJ Dolores, produit un rock mâtiné de dub, qui ne gomme pas tout à fait le dansant frevo de ses origines ; le second, chanteur né dans la Zona da Mata (nord du Pernambouc) et porte-parole de la gauche alternative, repart du forro pour inventer une formule rétro-futuriste, où s’entrechoquent avec délice les touches d'accordéon et celles de la technologie, les percussions et les tambours de bouche de MC du cru. Son prochain album (prévu en 2005), ne s’intitule-t-il pas "Tête électronique, coeur acoustique" ?!

 

 
Rap et electro

Sur le terrain du rap pur et dur, Marcelo D2 devrait connaître un écho en Europe, où il se produit cette année et où son disque, A Procura da Batida Perfeita sort enfin...  Cet homme fort de l’underground carioca s’est fait remarquer au sein de Planet Hemp, l’équivalent de NTM version favela. Attendu aussi, le second opus de Totonho, par ailleurs travailleur social dans une ONG carioca, devrait là encore faire mentir les images d’Epinal, d’autant plus qu’il est réalisé par Kassin, l’homme-son des projets de Moreno Veloso. Plus pop, Beto Villares a publié Excellentes Lugares Bonitos, un bel ensemble de chansons farcies de samples. Sur un registre tout autant transversal, nourri de rock et de traditions, il faudrait aussi évoquer Arnaldo Antunès, le dandy de Sao Paulo qui reste la face cachée de Tribalistas, Davi Moraes, guitariste noisy que l’on a pu voir aux côtés de Caetano Veloso, ou encore Lucas Santtana, révélé lors de tournées avec Gilberto Gil et désormais aux commandes de projets parfaitement aboutis...

Du côté de l’électronique, nombre de productions s’échouent sur une drum’n’bass agitée mais sans autre intérêt. Au-dessus de la mêlée, l’electronica de Metro s’adonne à un registre plus subtil et soyeux, et le Samba Raro de Max de Castro. Egalement de Sao Paulo, Bid est la nouvelle perle que tout le monde s’arrache depuis Bambas & Biritas… Autant de pistes qui prouvent la capacité naturelle du Brésil à digérer les ingrédients venus d’ailleurs pour en faire des plats typiquement brésiliens.