Daft Punk vu d'ailleurs
Tout le monde en parle. Sorti en catastrophe chez les disquaires une semaine avant la date prévue (certains morceaux avaient déjà fuité sur Internet), le nouvel enregistrement studio des Daft Punk, Human After All (Labels/Virgin), est passé au crible de la presse internationale.
Hommes ou robots ?
Tout le monde en parle. Sorti en catastrophe chez les disquaires une semaine avant la date prévue (certains morceaux avaient déjà fuité sur Internet), le nouvel enregistrement studio des Daft Punk, Human After All (Labels/Virgin), est passé au crible de la presse internationale.
Peut mieux faire. Toujours aussi underground dans l’attitude (pas d’interview, pas de photos, circulez !), les meilleurs élèves de la classe house radotent à présent, ce qui est inquiétant vu leur jeune âge. D’ordinaire, les Daft Punk mettaient à profit le temps assez long passé entre deux albums pour devancer la mode, même sur le très commercial Discovery en 2001. Parfois plaisant, Human After All s’avère au final aussi facultatif qu’un nouveau CD de Jean-Michel Jarre. Bien sûr, il y a les éternels optimistes et les admirateurs les plus transis. "Le duo techno français montre sa facette la plus expérimentale et risquée ", ose 20 Minutos (Espagne, 14/3). Risquée ou pas, "la recette Daft Punk prend toujours", affirme pour sa part le magazine suisse L’Hebdo (10/3). Pour O Povo (Brésil, 24/3), "Daft Punk innove" encore, sans expliquer vraiment en quoi (les samples rock, on les trouvait déjà un peu sur Discovery).
Mais parler de risque est hardi, quant à la recette maintes fois éprouvée, elle ne semble plus vraiment ragoûter la presse internationale, qui balance entre simple plaisir fugace et franche déception, mais jamais ne crie au génie. Au mieux, ils "expriment de la désobéissance face aux espérances trop commerciales qu’ils ont généré, et explorent de nouveaux chemins electro-rock-pop, poussant jusqu’au minimalisme et l’austérité. La tentative est une décision louable et légitime", tempère La Jornada (Mexique, 18/3). "Cependant, bien qu’ils ne perdent pas leur style particulier (voix robotique à base de vocoders, samples de batteries, breakbeats façon hip hop, une cascade de synthétiseurs), la déception est inévitable". "Pauvre minimalisme !", s’afflige Clarin, le quotidien national argentin (30/3), qui rend ce disque si "monotone" (Der Spiegel, Allemagne, 21/3).
"Le duo parisien est-il à bout de souffle ?", se demande La Libre Belgique (22/3), comme beaucoup d’autres confrères. "Son titre, pourtant, est de toute beauté, tout comme le sont The Prime Time Of Your Life ou Television Rules The Nation. Enregistré en un mois, fin 2004, le disque pourrait avoir tous les atours de la spontanéité et de l'énergie, mais sa simplicité confine au simplisme, et il se prend les pieds dans les câbles, s'étrangle dans ses boucles, tourne en rond dans ses répétitions, jusqu'à en devenir énervant (Robot Rock)." Il ne suffit pas d’enregistrer en quatrième vitesse pour recréer l’urgence et raviver l’envie. Conclusion : "pour Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Cristo, le temps des remises en question est venu".
"Human After All est une déception majeure", confirme le célèbre Village Voice (Etats-Unis, 30/3), qui peine à trouver la part d’humanité contenue pourtant dans le titre, comme une promesse non tenue, une parole en l’air. "ça alors ! Ce sont vraiment des robots ! La musique est plate, à peine modulée, posée là comme un distributeur automatique attendant patiemment quelques pièces." Le New Zealand Herald (12/3) renchérit : "Human After All est une collection de dix chansons qui vont nulle part." Pour le chroniqueur de La Presse (Canada, 19/3), le constat est le même : "C'est avec regret que nous croyons aujourd'hui voir le fond du baril d'idées de Daft Punk". Human After All est "un bien terne successeur à Discovery". "On a l’impression que le duo a succombé à la paresse. "
Mais "errare humanum est", et arrêtons-là la machine à baffes pour prendre un peu de hauteur grâce au journaliste de El Comercio (Espagne, 10/3), pour qui le groupe est " victime de ses débuts. A sa décharge, on peut dire que le duo français a été victime du syndrome des débuts éblouissants" : en 1997, un seul album, Homework, leur a suffi pour devenir "l’un des grands noms de la musique électronique". Depuis, entre un Discovery efficace mais archi-commercial et quelques projets d’un intérêt moyen (Interstella 5555 et son parfum de revival 80’s inutile), la magie s’estompe.
Finalement, à contre-courant, le Guardian (Grande-Bretagne, 6/3) propose la seule solution concrète pour se convaincre d’aimer vraiment Human After All : "Ecoutez-le encore et encore". Cette posture d’un masochisme très british prend sa source dans la culture pop : "La répétition est fondamentale à la musique pop." Il fallait y penser, et vive le bourrage de crânes !