Lara Fabian
Loin des clichés attachés à son image de chanteuse "à voix", Lara Fabian livre un album, intitulé sobrement 9, intimiste surprenant et sincère. Rencontre avec une jeune femme en mal de changement.
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Loin des clichés attachés à son image de chanteuse "à voix", Lara Fabian livre un album, intitulé sobrement 9, intimiste surprenant et sincère. Rencontre avec une jeune femme en mal de changement.
Etiquetée insupportable de service avec son récurant, "Je t’aiiiiiime", matraquée sur les radios en 1997, Lara Fabian se révèle plus douce et mélodique que jamais sur 9, son dernier opus composé en duo avec le guitariste hors-pair Jean-Félix Lalanne. Auditeurs exaspérés par ce trop plein de maniérisme et de romantisme pour jeunes filles en fleur, Lara est entrée dans un nouveau cycle. Elle recommence à zéro, "appuyée sur une virgule de liberté", le neuf. "En numérologie, le 9 symbolise la fin d’un cycle et simultanément la naissance d’un autre. Lorsque j’ai entrepris de faire cet album ma vie ressemblait à ça. Je quittais le Québec pour retourner m’installer dans mon pays natal. Je changeais d'équipe et j'évoluais surtout vers un style musical un peu différent". Forte de 9 millions d’albums vendus dans le monde, Lara aurait pu se cantonner à un style "pop variétoch" qui remplit sans faille les Zénith, mais elle a pourtant opté pour l’adrénaline du changement. "C’est une volonté presque absolue de ne jamais rester dans l’immobilisme. Pourtant on peut ressentir une certaine sécurité en étant dans un moule qui plaira à coup sûr, être tenté de rester à cet endroit pour ne pas déplaire, mais j’aurais été alors si malheureuse."
Le bonheur, elle l’a trouvé aux côtés de Jean-Félix Lalanne avec qui elle signe toutes les compositions de 9 et un titre avec Melissa Mars, la nouvelle égérie de la pop hexagonale. "Il n’y a pas eu un calcul ou une volonté d’envisager les choses, contrairement au passé où l’enjeu était très fort, de par le succès. J’étais entourée de gens qui effectivement étaient très stratèges. Dans ce cas-ci, je me suis beaucoup plus laissée couvrir par l’instinct et le désir que par l’esprit et la raison". Lara écrit compose et interprète dorénavant ses chansons en se fiant à son intuition. "Ma volonté, c’est d’aller à l’endroit de mon ressenti le plus profond. C’est-à-dire de ne pas procéder à une démarche particulièrement cérébrale ou intellectuelle mais d’être en phase de façon presque plus mystique avec la musique. Lorsqu’on se sert de son instinct pour faire de la musique on retrouve l’innocence de l’enfance et on n’a pas cette formulation cérébrale et appliquée". Entre numérologie et mysticisme, Lara révèle une personnalité sensible et fragile, la clef de son univers porté par une profonde rigueur. "Je suis quelqu’un qui bosse énormément sa voix et son instrument parce que je sais que rien n’est acquis". Ce détachement nécessaire à l’évolution et sa discipline de fer, constituent le moteur de cet album surprenant.
Beau parcours
La légèreté de l’enfance bercée par les notes de son père, guitariste de Petula Clark, Lara s’en est profondément imprégnée. Née à Etterbeek (Bruxelles) en 1970 d’une mère sicilienne et d’un père belge, Lara Crokaert, de son vrai nom, joue du piano depuis huit ans. Elle enregistre à 15 ans son premier single L'Aziza est en pleurs, un hommage à Daniel Balavoine. Deux ans après, Lara remporte la quatrième place du concours de l’Eurovision, enregistre un second single et traverse l’Atlantique pour en assurer la promotion. Portée par son père qui lui écrit un premier opus éponyme en 1991, elle décide de s’envoler définitivement pour le Québec avec le compositeur Rick Allison, rencontré dans un piano-bar bruxellois. Ensembles, ils montent les productions clandestines et montent les marches du succès. De 21 à 23 ans, Lara Fabian part à la conquête de son public qui succombe aux charmes de cette jeune Française "écorchée". Elle enchaîne les succès et sort Carpe Diem en 94, un second opus certifié triple Disque de platine. Le périple ne fait que commencer puisqu’elle cumule les récompenses aux Félix et aux Junos (les oscars de la musique du Canada anglophone) et signe chez Polydor, en 97, son premier album distribué en France. L’accueil est phénoménal, l’Hexagone est en émoi. En à peine six mois, Pure s’écoule à plus de deux millions d’exemplaires, une ascension qui l’installe au rang de diva des love songs déchirantes.
Un style qui ne plaît pas à tout le monde puisqu’elle se forge à la fois une image de "gueuleuse" par la critique et "d’ange de coeur" auprès de ses fans - en témoigne une statue de cire au musée Grévin. Les Guignols de l’info en font une caricature de blondasse à la voix criarde, on en rit encore. Ceux qui n’auraient donc pas pu dépasser le cap de ses insupportables "je t’aime" sont donc avertis, Lara Fabian entame un nouveau cycle alors qu’elle n’a jamais cessé de truster les charts. Elle réaffirme sa volonté de tendre vers l’inconnu, sa conception intrinsèque de la musique, loin des formats auxquels elle a jusque-là répondu.
Lara Fabian 9 (Polydor) 2005
En concert : à partir du 12 septembre 2005