Les Cowboys Fringants

A la fois fun et sérieux, les Cowboys Fringants cumulent une énorme énergie dansante et un fort engagement politique. Stars au Québec, ils s’attaquent maintenant au marché français.

La Grand-messe

A la fois fun et sérieux, les Cowboys Fringants cumulent une énorme énergie dansante et un fort engagement politique. Stars au Québec, ils s’attaquent maintenant au marché français.

      L’Océan Atlantique existe toujours, entre l’Amérique et l’Europe, entre le Québec et la France. Parler là-bas des Cowboys Fringants, c’est un sujet d’évidence : le groupe est aux sommets de la popularité, joue partout à guichets fermés, intervient régulièrement sur le front des luttes sociales et politiques. En France, ils sont à peu près inconnus mais partagent l’affiche, ce soir, au Zénith de Paris, avec leur aîné et compatriote Robert Charlebois. Pour la première fois, un de leurs albums, La Grand-messe, vient de sortir en France. "On misait tous nos efforts pour le Québec", dit Jean-François Pauzé, guitariste et fondateur du groupe avec Karl Tremblay, le chanteur des Cowboys Fringants. "Mais quand on a vu qu’il y avait une certaine ouverture, parce que des Français nous écrivaient sur internet. " Il y a un an, les Cowboys Fringants sont venus jouer un soir à l’Elysée Montmartre, salle parisienne de mille places, avec un public au moins pour moitié français. "On avait fait un petit sondage en faisant crier les gens pour savoir combien étaient les Québécois. On est très surpris de ça."

La première surprise, pour les Français, c’est le nom du groupe. "A la base, Karl Tremblay et moi formions un duo spécialisé dans la chanson humoristique : des parodies de chansons western comme il y en a beaucoup au Québec, avec des chanteurs inconnus mais fascinants. Nous nous sommes fait connaître sous le nom de Cowboys Fringants et, quand on s’est demandé si on n’allait pas changer de nom, on s’est dit que ça ne nous empêchait pas de faire ce qu’on voulait ensuite."

Ce qu’ils voulaient ? C’est un mélange de chanson, de country, de rock et de musique traditionnelle québécoise à la puissance dansante énorme, mais aussi porteuse d’une parole politique – "un côté sérieux et un côté plus bon enfant." Car les Cowboys Fringants cumulent l’engagement séparatiste québécois et une solide conscience altermondialiste. Après des années de variétés québécoises dégagées des problèmes politiques, cela marque le retour à un certain  engagement. "La chanson politique, la chanson engagée socialement connaît un essor, confirme Jean-François Pauzé, comme dans les années 60-70 avec Félix Leclerc, Robert Charlebois, Gilles Vigneault. Au cours des années 80-90, ce type de chanson s’était un peu éteint, tout comme d’ailleurs le peuple québécois qui était dans un état de latence et laissait faire les politiciens. Actuellement, il y a une espèce d’effervescence politique au Québec, des manifestations très fréquentes, des gens dans la rue, et nous faisons partie de ce mouvement-là."

Gagner le public

 

 Le groupe est né à Repentigny, une grosse banlieue d’environ 100000 habitants à l’Est de Montréal. Des caves à chansons et aux cassettes auto-produites, le groupe a suivi une ascension classique et patiente. "Ça s’est fait tranquillement. Aux premiers albums, on avait une fan base, des gens qui nous avaient en général découvert en spectacle, puis ensuite seulement sur disque. Avec le temps, avec le bouche à oreille, il y a eu de plus en plus de monde et nos spectacles ont été un peu considérés comme des happenings." La puissance scénique des Cowboys Fringants leur apporte à chaque concert de nouveaux fidèles. "Quand Break Syndical est sorti [en 2002], ça a été notre premier succès commercial. Les radios nous ont joué un peu par obligation, parce qu’elles  avaient beaucoup de demandes des fans. Et c’est sans le vouloir qu’on est devenu un groupe commercial – il y a eu beaucoup de spéculations à ce sujet au Québec. Et, depuis ce temps, le public s’est élargi. Maintenant, partout où on joue au Québec, on fait salle comble."

Exemplaire dans son essor, le groupe est aussi exemplaire dans son fonctionnement. Une démocratie ? "Oui. Ça fait dix ans qu’on est ensemble. C’est sûr qu’il y a des petites querelles à l’occasion mais, à la base, on est des amis de longue date. Quand il y a une crise, ça se règle rapidement – et encore plus maintenant que jadis. Nous sommes tous à l’aube des trente ans et il n’y a pas de nuages à l’horizon. Au Québec, on a souvent vu des guerres d’ego conduire certains groupes à leur fin. Chez nous, tout est au beau fixe : même quand on n’a pas de spectacle, on fait des soirées ensemble."

Dans ces conditions, attaquer le vaste marché français, celui qui a fait triomphe à Louise Attaque ou – historiquement – à Renaud, "c’est très, très motivant. Ce qu’on aimait le plus à nos débuts, c’était faire des spectacles devant des salles pas motivées, avec une majorités d’abonnés de la salle, par exemple. Et on finissait toujours par les gagner : à la fin du spectacle, ils dansaient. Ça fait longtemps qu’on n’a pas vécu ça au Québec : là, notre public est déjà gagné. Maintenant, on va pouvoir refaire ce chemin, on va essayer de gagner les Français à coup de spectacles et de tournées."

Les Cowboys fringants La Grand-messe (Exclaim) 2005

Concert au Zénith de Paris avec Robert Charlebois le 20 mai, 20h00