Bill Deraime

Des bars bretons aux boeufs du TMS Folk Center de St Germain des Près, des clubs Danois aux planches de l’Olympia, Bill Deraime a parcouru un quart de siècle de musique attrapant au passage l’essence du blues, du folk et du reggae. Le Billy n’a plus rien du kid, il reste bien les marques de ses peines et de son passé toxico, mais il exorcise sa tendance Maniaco Dépressif à travers un cri rocailleux et mystique qu’il s’est forgé à coup de blues et d’utopies. Un DVD et un album Live au New Morning, et un Olympia le 26 mai prochain, consacrent ses 25 ans de carrière. L’occasion de faire le point.

La complainte du blues transcendée par la mystique reggae

Des bars bretons aux boeufs du TMS Folk Center de St Germain des Près, des clubs Danois aux planches de l’Olympia, Bill Deraime a parcouru un quart de siècle de musique attrapant au passage l’essence du blues, du folk et du reggae. Le Billy n’a plus rien du kid, il reste bien les marques de ses peines et de son passé toxico, mais il exorcise sa tendance Maniaco Dépressif à travers un cri rocailleux et mystique qu’il s’est forgé à coup de blues et d’utopies. Un DVD et un album Live au New Morning, et un Olympia le 26 mai prochain, consacrent ses 25 ans de carrière. L’occasion de faire le point.

 

 Billy, où en est le blues aujourd’hui ?

Le blues a toujours été marginal hormis quelques tubes de John Lee Hooker ou Bo Diddley. Si aujourd’hui on a un léger retour "médiatique" sur le blues c’est en grande partie grâce aux films de Wim Wenders. C’est d’ailleurs ces projets qui ont donné l’idée au producteur de mon DVD Live de filmer le concert au New Morning en novembre dernier. Ça a été l’occasion d’enregistrer en direct certains morceaux de mon album précédent. Le résultat live me plaît davantage mais les media ne suivent pas assez. Le blues, ça ne les intéresse pratiquement plus.

Le public ne serait il plus capable d’apprécier le blues ?
Le blues c’est une école de pensée qui n’est pas show biz, par essence... Une musique communautaire qui a fait vibrer les gens d’une autre façon dans les années 70. On n'écoute plus la musique de la même façon aujourd’hui. Les concerts sont avant tout des mégas rassemblements de gens qui lèvent les bras et allument leurs briquets dans un stade remplit d’écrans géants. Ils sont endoctrinés, habitués à des formats qui ne correspondent pas au blues. Aujourd’hui, il est très difficile de percer avec un répertoire blues uniquement. C’est avant tout une très bonne "école" de musique, la base. Moi-même je n’ai pas fait carrière avec le blues. Les morceaux qui m’ont fait connaître c’est plutôt Babylone Tu déconnes [premier hit reggae du Billy ndlr] que Faut qu’j’me tire ailleurs. Sur treize albums sortis, je n’en ai vendus que 500 000 au total.

Musicalement, le blues est il encore influent ?
J’ai l’impression qu’on s’accroche au passé et, par extension, aux influences manouches, à toutes ces rythmiques stomp, presque rag time qui viennent du blues et inspirent la nouvelle génération. Disons qu’on revient un peu au style musical Charles Trenet, une forme de jazz très syncopée, swing, comme Sanseverino. Le néoréalisme actuel est d’ailleurs certainement une réminiscence de Piaf, Fréhel et Brel, qui ont incarné l’expression de la plainte. Il y a une grande mouvance actuelle dans cet esprit, c’est donc peut être ça aujourd’hui le blues. Et ce serait plutôt logique, une expression plus européenne du blues.

Le hip-hop c’est aussi du blues ?
Oui, avec des gens comme IAM, par exemple, mais il ne faut pas confondre le blues avec le discours délatté et surréaliste représenté par tout un courant français qui marche plus que jamais. Toute cette imagerie, défonce, alcool, cynisme et surréalisme incarné par le blues blanc.

 

   Le blues blanc ?

Le blues blanc pour moi c’est une projection du spleen, c’est Baudelairien. Le blues n’est pas une plainte auto suggérée, une contemplation de son malheur, de sa déchéance, mais une plainte qui s’adresse à quelqu’un. Ce qui m’intéresse dans le blues c’est toute la dimension "noire", le vécu profondément ancré, loin des images de rock star déjanté. À l’origine dans la "blackitude" il y a une profonde blessure mais aussi une espérance, un chant désespéré avec une fenêtre sur le ciel bleu.

Le blues blanc, c’est aussi l’expression d’un mal être ancré dans l’actualité qui a le droit de cité pourtant…
Bien sûr que le No Future c’est très tentant puisqu’on est dans un monde sans amour. Je ne jette la pierre à personne, mais selon moi le commerce de la déchéance est vraiment négatif. Le blues est une plainte espérante : le désespoir est l’anti-chambre de l’espérance, disait le philosophe, on ne peut pas voir le jour si on n’est pas passé par la nuit. Le blues c’est la foi. Et c’est en ça qu’il se rapproche de la mystique reggae.

Comment es-tu arrivé à cette fusion blues reggae devenue ta signature ?
Ce sont deux élans complémentaires. Autant le blues transmet l’expression de la plainte autant le reggae transmet un élan utopique nécessaire pour dépasser cette souffrance. Bob Marley a transmis ça à travers une mystique sociale, communautaire. D’ailleurs les Wailers ça veut dire les pleureurs. C’est mon copain Chris Lancry, qui sera en première partie de mon Olympia le 26 mai, qui m’a fait découvrir le reggae. J’ai chanté mon premier morceau reggae en trio avec lui et Jean Jacques Milteau dans les années 70, mais rythmiquement j’ai dû prendre le temps de m’imprégner de ce rythm’n’blues à l’envers. Alors mes 25 ans de carrière atypique, c’est en somme le bilan de mon école blues et gospel, de mes influences reggae et de mes inspirations folk. Et aussi de mon attachement à la rue et aux gens qui souffrent. C’est ma façon d’essayer de faire exister le blues.

En concert à Paris, à l'Olympia, le 26 mai.
CD et DVD Live au New Morning (Recall / Sony BMG) 2005