Angoulême fête ses 30 ans
Fin de partie ce week-end pour le plus ancien festival world en Europe. Les Musiques Métisses qui ont eu lieu du 1er au 5 juin, ont célébré leurs trente années d’existence sur les bords de la Charente en France, avec une programmation condensée rappelant à tous l’éclectisme des grands jours de son histoire.
Suites et questions
Fin de partie ce week-end pour le plus ancien festival world en Europe. Les Musiques Métisses qui ont eu lieu du 1er au 5 juin, ont célébré leurs trente années d’existence sur les bords de la Charente en France, avec une programmation condensée rappelant à tous l’éclectisme des grands jours de son histoire.
Du jazz improvisé aux musiques d’ailleurs... Christian Mousset et sa bande de copains ont fait le pari d’entraîner une ville/une région dans leur passion pour les cultures musicales du monde entier. C’était en 1976, bien avant que la gauche au pouvoir en France n’impose son discours sur le métissage, version black-blanc-beur. Généreux et toujours avide de nouveautés, le public leur a donné raison. Plus de 50.000 personnes qui se déplacent chaque année dans la région. Une scène devenue incontournable pour des artistes en attente d’un succès mondial. Cesaria Evora est passée par là avant d’entamer sa fabuleuse ascension des charts internationaux. Les professionnels ne s’y trompent pas : ils viennent régulièrement y faire leur marché, qui, une découverte, qui, une confirmation. Angoulême est une espèce de rendez-vous obligé pour quiconque s’intéresse de près au vaste métier de la world music.
D’aucuns se souviennent que Johnny Clegg a fait son entrée en force sur la scène française depuis cette ville. Premier rendez-vous en 1986. Un vrai coup de coeur au départ. Second rendez-vous, deux années plus tard, dans le stade de la cité angoumoisine : 12.000 personnes étaient alors venus acclamer le zoulou blanc et ses danses guerrières. Une manière d’accompagner son crossover au niveau mondial. Un Johnny Clegg revenu cette année aux côtés des fameuses Mahotella Queens, ses compatriotes, hôtes d’honneur de la ville, afin de boucler la boucle sans doute et de dire merci à ce public des premiers jours de gloire. On pourrait ainsi raconter l’épopée des Métisses sans s’arrêter, un peu comme dans une geste de griot. Les anciens sortiraient leurs vieilles photos magnifiquement autographiées par des artistes en devenir, leurs enfants ayant grandi dans cette ambiance d’euphorie et d’échange avec les cultures d’ailleurs transmettraient à leur tour des leçons de diversité musicale et on allumerait un grand feu de retrait pour le dernier concert. Celui par exemple de Rachid Taha et de Tiken Jah Fakoly aux Chais Magelis le dimanche 5. Après y avoir (bien sûr) consacré Dédé Saint-Prix, un habitué, la veille dans un fabuleux numéro de voltige rythmique. Chapeau bas, messieurs dames !
Mais ce serait probablement trop beau pour ceux qui n’y étaient pas... Pour demeurer indiscutable, une histoire (aussi vraie) a besoin en fait que l’on rappelle également les quelques moments ratés. Les Métisses, comme tout bon festival qui se respecte, ont forcément les leurs. En musique, on peut en citer un : la surprise que devait créer les Brésiliens lors de cette 30ème édition n’a pas eu lieu. DJ Dolorès et ses platines boostées au live vocal et instrumental n’a pas vraiment assuré. Deux jours auparavant, Christian Mousset nous avouait ne pas être un grand fan de l’electro pop en vogue, tout en reconnaissant l’importance de cette tendance sur la scène brésilienne, une tendance qu’il ne pouvait donc ignorer dans sa programmation, Année du Brésil oblige. Naçao Zombi, Siba & a Fuloresta do Samba, ambassadeurs du Nordeste et du Pernambouco, n’ont pas su s’attirer non plus les faveurs du plus grand public. Moleque de Rua (à la limite) a su capter quelque peu l’attention des Angoumoisins pour une raison bien précise. Accueilli plus d’une fois en résidence dans le Poitou-Charente, le groupe, a convié quelques jeunes du coin sur la scène. Belle perspective d’échange ! Les Métisses sont souvent l’occasion d’un véritable travail social dans les quartiers de la ville : une manière de voir la musique comme un moyen de renforcer les liens entre les habitants, avec l’aide des formations invitées.
Autre moment difficile de cette 30ème édition : l’éclatement non réussi du festival sur deux sites. Traditionnellement, toute la programmation se retrouvait sous les chapiteaux du site dit des Bourgines. Dans une perspective d’économie, les Métisses ont dû partager leurs artistes cette année entre leur ancien lieu d’existence et un tout nouveau, le Chais Magelis, ancienne distillerie de cognac, reconvertie en maison de culture par le Conseil général. La circulation entre les deux pôles n’ayant pas toujours été évidente pour le public, l’ambiance en a pris un coup, d’autant que tous les concerts gratuits sont restés aux Bourgines, où se trouvaient le "village", avec le marché équitable, les espaces de discussion citoyenne, d’animation littéraire et de restauration. "Une gratuité menacée" dit-on enfin par les partenariats défaillants. A l’entrée du festival, la question était posée de savoir si le public dans les années qui viennent accepteraient de financer son accès à tous les concerts. Qui sait ? Peut-être même que l’on reposera la question qui fâche à Mousset, à savoir pourquoi vouloir fabriquer des utopies en musiques ?